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Normes européennes : "La CSRD n’est pas un délire bureaucratique !"

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Critiquée comme un "délire bureaucratique" par certains dirigeants, la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) fait aujourd’hui l’objet d’attaques démesurées et souvent malhonnêtes. Loin d’être un simple exercice administratif ou un caprice technocratique, cette directive incarne une transformation inévitable : celle de l’économie de l’information. Face à un monde où les données – financières, sociales, environnementales – prennent une place croissante, la CSRD ne fait qu’accompagner une tendance profonde. Pourtant, son rejet systématique par certains témoigne davantage d’une posture opportuniste que d’une critique constructive.

Il est temps de remettre en perspective ce débat en soulignant ce que la CSRD représente vraiment : une opportunité stratégique pour les entreprises de prendre le contrôle de leur propre narratif, avant que d’autres ne le fassent pour elles.

Le miroir des contradictions

Les critiques les plus virulentes à l’égard de la CSRD viennent souvent de dirigeants qui, il y a quelques années, louaient les vertus de l’ESG [NDLR : prise en compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance] et s’inscrivaient dans une logique de responsabilité. Pourquoi ce retournement soudain ? La réponse est simple : le contexte a changé. La montée des tensions géopolitiques, la crise énergétique et une remise en cause plus large des ambitions climatiques et écologiques ont poussé certains à se ranger derrière des slogans simplistes comme celui du "délire bureaucratique". Mais ces critiques ne reflètent ni la réalité de la CSRD, ni les enjeux auxquels les entreprises font face.

Plutôt que de céder à des postures politiques court-termistes, il serait plus judicieux de comprendre que la CSRD n’est pas une contrainte gratuite. Elle est une réponse à l’exigence croissante de transparence et à un besoin accru d’information, non seulement des régulateurs, mais aussi des investisseurs, des consommateurs et des acteurs du marché.

Transparence accrue : garder le contrôle

Dans un monde où les outils technologiques évoluent à une vitesse vertigineuse, les entreprises ne peuvent plus prétendre que seules leurs propres données façonnent leur image. Aujourd’hui, les tiers – qu’il s’agisse d’organisations, d’entreprises ou de technologies – disposent de capacités inédites pour générer et interpréter des informations sur les entreprises, sans qu’elles en aient le contrôle.

Les satellites, par exemple, permettent d’évaluer des émissions industrielles à distance. Les capteurs physiques détectent des pollutions que les entreprises n’auraient pas signalées. Quant à l’intelligence artificielle, elle collecte et croise des volumes gigantesques de données issues de sources multiples pour produire des analyses qui peuvent influencer investisseurs, consommateurs et médias. Bref, le regard extérieur sur les entreprises ne se limite plus à ce que ces dernières souhaitent montrer.

Face à cette réalité, la CSRD offre un avantage clé : celui de permettre aux entreprises de garder la maîtrise de leur propre narratif. En documentant elles-mêmes leurs impacts sociaux et environnementaux, elles s’assurent que les données disponibles sur elles soient fiables et complètes, plutôt que laissées à l’interprétation d’acteurs externes.

Pour les PME, une transformation de long terme

Si cette transformation s’impose à toutes les entreprises, elle n’a pas le même impact selon leur taille. Les grandes entreprises, avec leurs ressources et leurs équipes dédiées, peuvent plus facilement intégrer ces nouvelles exigences. En revanche, pour les petites et moyennes entreprises (PME), la CSRD peut représenter une contrainte supplémentaire, tant en termes de coûts que de complexité.

C’est pourquoi il est crucial d’adopter une approche adaptée, qui ne considère pas la CSRD comme une simple norme à appliquer, mais comme une transformation de long terme. Pour les PME, cela nécessite des outils simplifiés, des formations accessibles et un accompagnement progressif. Ce n’est pas une transition qui peut s’opérer du jour au lendemain, mais un processus d’apprentissage et d’adaptation.

L’accompagnement des petites entreprises ne consiste pas seulement à réduire la charge administrative, mais à leur expliquer qu’elles font partie d’une révolution de l’information. Il s’agit de comprendre que cette transformation va bien au-delà d’un questionnaire à remplir : c’est une mutation des attentes de la société et du marché, qui prendra du temps mais qui est inévitable.

Une opportunité stratégique

Les critiques à l’encontre de la CSRD passent à côté d’une évidence : cette directive reflète une évolution irréversible. L’économie mondiale s’oriente vers davantage de transparence et de responsabilité. Ce ne sont pas des concepts abstraits ou imposés par la bureaucratie européenne : ce sont des demandes concrètes des investisseurs, des consommateurs et des parties prenantes.

Plutôt que de rejeter cette évolution, les entreprises devraient la considérer comme une opportunité stratégique. Celles qui sauront s’adapter et fournir des données crédibles sur leur performance sociale et environnementale en tireront des bénéfices, tant en termes de financement que de réputation. À l’inverse, celles qui s’y opposent risquent de perdre leur place dans un marché où les données sont devenues une ressource essentielle.

La CSRD n’est ni une lubie réglementaire ni un fardeau inutile. Elle est le reflet d’une transformation profonde et inévitable de notre économie. Les entreprises, grandes ou petites, doivent s’y préparer en adoptant une vision sur le temps long. Pour cela, elles doivent être accompagnées, en particulier les PME, qui ne disposent pas toujours des mêmes moyens que les grands groupes.

Mais au-delà des questions pratiques, il est crucial de comprendre ce que la CSRD représente vraiment : une chance de mieux comprendre et documenter son impact pour anticiper l’avenir. Plutôt que de céder à la tentation du rejet ou de l’opportunisme politique, les entreprises doivent saisir cette opportunité pour construire un avenir où elles maîtrisent leur image, leurs données et leur rôle dans une économie de plus en plus exigeante.

Ce n’est qu’en embrassant cette révolution de l’information – et non en la combattant – que la CSRD pourra devenir un levier de transformation positive, à la fois pour les entreprises et pour la société dans son ensemble.

* Philippe Zaouati est directeur général de la société de gestion Mirova




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