Sorti en 2011 aux Etats-Unis, et deux ans plus tard en France, en VOD, Bernie, le film de Richard Linklater sort pour la première fois "en salles". Une distribution qui semble sortie des limbes d’une autre ère : Jack Black dans le rôle-titre, Shirley MacLaine en veuve sadique, abusive et abusée, Matthew McConaughey en district attorney impitoyablement obsessionnel, les pieds sur son bureau.

Tout part d’un fait divers d’une banalité réjouissante. Le 16 novembre 1996, à Carthage, Texas (6 750 habitants), Bernhardt Tiede, alias Bernie, 38 ans, assassine de quatre balles dans le dos Marjorie Nugent, veuve millionnaire de 81 ans.

Ils se sont connus six ans plus tôt à l’occasion de l’enterrement du mari de Marjorie, où Bernie officiait comme croque-mort. Bernie est un vieux garçon qu’on soupçonnait complaisamment d’être gay, tant sa gentillesse était délicate. Directeur de la chorale municipale, lui-même doté d’un organe remarquable, c’est aussi un type d’une corpulence suffisante pour parvenir à faire basculer le corps de sa victime dans le congélateur, où le cadavre de Marjorie restera un an, avant que sa famille obtienne enfin de la police locale une perquisition.

Tout le monde s’accorde sur ces faits-là, Bernie lui-même les reconnaît sans se faire secouer. A Carthage, c’est la stupéfaction, on n’y croit pas. Bernie est trop gentil pour avoir fait ça. Il écopera pourtant de 50 ans de prison. Autant dire qu’il n’en sortira pas.

"Bernie, le retour"

Ceux d’entre vous qui n’ont jamais mis les pieds aux Etats-Unis auraient tort de se sentir complexés de ne connaître ce pays qu’à travers les films américains, car tout y est, et si quelque chose n’y est pas, soyez certain que ce quelque chose n’a aucune importance. D’ailleurs, dans ce pays, on ne fait plus rien sans être assuré que cela donnera lieu à un film ou à une série.

Je ne doute pas une seconde que si Bernie a tué Marjorie, et ce de la plus lâche des manières, c’est parce qu’il savait qu’on allait en tirer un film. Ce que Richard Linklater n’avait pas prévu, c’est qu’en prenant la défense de Bernie dans son film, en accablant à ce point la vieille et détestable millionnaire, il allait donner aux spectateurs envie de mettre quatre balles dans le dos à cette vioque agressive et rapiate de Marjorie. Dans ces conditions, les défenseurs de Bernie font appel et réussissent même à convaincre le juge de libérer Bernie jusqu’au procès en appel. Ne sachant où aller, Bernie trouve refuge dans l’appartement-garage du réalisateur auquel il doit sa liberté. Eh oui.

Comment imaginer que cet épisode ne donne pas lieu à un nouveau film ? Bernie, le retour ou quelque chose comme ça. Ça commence par l’émouvante scène de rencontre entre l’assassin présumé innocent et le cinéaste libérateur, considérablement enrichi grâce aux 10 millions de dollars de recettes de son film.

Au cours de l’instruction, on apprend que Bernie a été violé par son oncle quand il était enfant. Un point pour la défense de Bernie. Mais un peu plus tard, au milieu du tournage de Bernie 2, on découvre qu’avant de tuer Marjorie, Bernie n’avait cessé de mentir à la vieille dame sur l’état de ses finances, lui faisant croire que l’argent qu’il prélevait de son compte servait à l’achat d’actions super rentables alors qu’il dépensait tout (plus de 3 millions de dollars) pour les citoyens de sa paroisse, afin de consolider sa réputation de mécène. Le réalisateur comprend alors que Bernie l’a berné (c’est là où je voulais en venir) et, furieux, se saisit d’un grand couteau dans l’intention de trancher la gorge de son héros.

C’est alors qu’apparaît un conflit entre les scénaristes pour savoir lequel des deux doit mourir assassiné par l’autre. Ils parviennent à se mettre d’accord sur une scène finale où le réalisateur armé d’un couteau surprend Bernie qui finit de placer des vraies balles dans l’arme censée être chargée à blanc pour la scène de reconstitution de l’assassinat de Marjorie. Je n’aurais pas la cruauté de divulgâcher la fin de cette comédie texane.