Entre la France et l’Algérie, la haine pour seul horizon
De l’escalade à la rupture, il n’y a plus qu’un pas entre Paris et Alger. Un pas jamais franchi vers ce précipice dans lequel Français et Algériens ont tant à perdre. Mais l’intérêt des peuples ne pèse pas lourd face aux logiques politiques qui gouvernent cette relation toxique entre le plus grand Etat du Maghreb et son ancienne tutelle coloniale.
Au palais présidentiel d’El Mouradia, sur les hauteurs de la Ville blanche, le raidissement autoritaire est tel, l’isolement diplomatique si profond, le pouvoir si fragilisé, que la surenchère ultranationaliste semble désormais la voie unique. Contre la France, bien sûr, "ennemi traditionnel et éternel", aux dires du ministre algérien du Travail en 2021, El Hachemi Djaaboub. C’était lors du précédent accès de fièvre entre les deux pays. En ce temps-là, Emmanuel Macron n’avait pas reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental – que l'ONU considère comme un territoire non autonome. L’écrivain Boualem Sansal était un homme libre. Et les cyber-suppôts du régime d’Abdelmadjid Tebboune n’étaient pas encore sortis du bois pour appeler à "brûler vif, tuer et violer sur le sol français".
Quatre ans plus tard, la crise diplomatique est totale. Le langage d’une violence inouïe. El Hachemi Djaaboub, a, depuis, quitté ses fonctions, mais rien perdu de sa hargne. L’affaire Boualem Sansal ? "La partie visible de l’iceberg du vaste complot ourdi par les forces du mal" contre l’Algérie, selon l’ancien ministre. De son compatriote romancier, emprisonné depuis la mi-novembre, le président algérien parle comme d’un bâtard, "un voleur dont l’identité et le père sont inconnus". Emmanuel Macron répond que l’Algérie se "déshonore" en détenant l’intellectuel de 80 ans. Qu’elle cherche à "humilier la France", affirme le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, furieux après l’expulsion avortée du tiktokeur "Doualemn" (qui sera jugé le 24 février pour "provocation à commettre un crime"), déclaré persona non grata sur le territoire algérien.
Sur les plateaux de télévision, nos ministres rivalisent de propositions pour tordre le bras de Tebboune : dénoncer les accords de 1968, qui facilitent l’entrée des ressortissants algériens en France ? Supprimer la dispense de visa accordée depuis 2013 à la nomenklatura algérienne ? Non, "divorcer" pour de bon avec Alger, réclame à grand bruit l’extrême droite, agitant jour et nuit le spectre d’une guerre de civilisation. Du pain bénit pour le régime algérien, son meilleur ennemi.