"Le mal est fait": malgré la suspension des droits de douane, les Canadiens sont inquiets
Après une journée en apnée, la ville de Windsor située sur la frontière canado-américaine a repris mardi sa vie normale ou presque.
"Pour nous, il va être impossible de se sentir en sécurité pour un certain temps", redoute Krysten Lawton, formatrice en santé et sécurité à l'usine Ford.
Cette femme de 52 ans fait partie de la quatrième génération d'ouvriers de l'automobile de sa famille et ses enfants viennent également de rejoindre l'industrie.
"C'est le chaos", lâche-t-elle, disant se préparer à "quatre ans d'incertitude" tout au long du mandat de Donald Trump. Surtout dans cette ville très industrielle, située au coeur du berceau automobile nord-américain.
La menace existentielle "est énorme", lâche à l'AFP John D'Agnolo, qui dirige un syndicat local représentant les travailleurs de l'usine Ford.
Le constructeur automobile américain est installé à Windsor depuis plus de 100 ans et, sans cette industrie, la ville serait plongée dans une "énorme récession", dit-il.
Lorsque M. Trump a signé samedi le décret annonçant l'entrée en vigueur des droits de douane de 25% sur les produits canadiens, "nous avons tous pensé que le commerce transfrontalier, en particulier dans le secteur automobile, allait sombrer", ajoute-t-il, expliquant que tous étaient "paniqués".
Les travailleurs de son usine fabriquent des moteurs pour les camions Ford assemblés aux États-Unis. Un véhicule moyen contient 30.000 pièces détachées qui traversent plusieurs fois la frontière entre les États-Unis et le Canada, précise-t-il.
Et les explications du président américain, qui veut forcer le Canada à lutter plus efficacement contre les flux migratoires et le fentanyl, laissent de nombreux habitants perplexes étant donné que 1% de cette drogue saisie aux États-Unis l'année dernière est arrivé du Canada.
"En suspens"
Pour M. D'Agnolo, la pause de 30 jours est la bienvenue, mais n'a pas calmé les esprits. "Cela ouvre les yeux aux travailleurs", dit-il.
"Je suis soulagé, pour l'instant", a lâché à l'AFP Ryan Martin, un ingénieur automobile canadien de 33 ans qui se rend tous les jours au Michigan.
Mais "le mal est déjà fait", estime-t-il.
Les économies de Windsor et de Détroit, de l'autre côté de la frontière aux Etats-Unis, sont imbriquées et le travailleur venait de traverser le pont reliant les deux villes pour rentrer chez lui.
Les relations entre les États-Unis et le Canada - une alliance solide depuis plus d'un siècle et qui se traduit par des milliards de dollars d'échanges transfrontaliers quotidiens - "ne sont pas au beau fixe" et ne sont "pas aussi bonnes qu'elles devraient l'être", se désole-t-il.
Cela fait en effet des semaines que le Canada attend de connaitre la décision du président Donald Trump alors que les deux pays sont liés par un accord de libre-échange.
En Ontario, coeur industriel du pays, 500.000 emplois sont en jeu d'après les autorités.
Et "nous ressentons déjà l'impact", a affirmé le Premier ministre Doug Ford. "Tant que notre relation commerciale avec notre plus grand partenaire commercial est en suspens, nous continuerons à voir de nombreux projets potentiels gelés et des projets qui étaient déjà en cours mis en péril."
La présidence américaine a la "volonté de diviser les gens, et j'espère que nous sommes plus intelligents que cela", lâche Krysten Lawton. "Nous voulons que l'Amérique du Nord prospère dans son ensemble".