A Mossoul, la reconstruction d'Al-Hadba "redonne son identité" à la métropole irakienne
Le minaret fait partie de la mosquée historique Al-Nouri, où l'ex-chef du groupe EI, Abou Bakr al-Bagdadi, avait proclamé en juillet 2014 son "califat", plongeant des pans entiers de l'Irak et de la Syrie dans l'horreur.
Al-Hadba et Al-Nouri comptent parmi les monuments restaurés avec le soutien de L'Unesco, qui oeuvre depuis cinq ans à la réhabilitation du patrimoine de la grande ville du nord de l'Irak.
Le minaret Al-Hadba, surnommé "la bossue", d'"aujourd'hui est une copie conforme de ce qu'il était, bâti avec les mêmes briques", affirme Abdallah Mahmoud, du département des antiquités irakien.
"Al-Hadba est notre identité. Le restaurer, c'est redonner son identité à la ville."
Son inclinaison a été conservée à 160 cm, exactement comme dans les années 1960. Mais ses fondations ont été renforcées pour prévenir l'affaissement progressif observé depuis sa construction au XIIe siècle.
"L'intérieur du minaret a nécessité 96.000 nouvelles briques, mais nous avons réutilisé 26.000 anciennes pour l'extérieur", explique M. Mahmoud.
Deux jours avant la fin des travaux, des centaines d'ouvriers s'activaient encore autour de la mosquée Al-Nouri, peaufinant colonnes, coupole et cour.
Le mihrab, niche indiquant la direction de La Mecque aux fidèles, a été en grande partie restauré avec ses pierres d'origine, mais le minbar, d'où l'imam prononce son prêche, a perdu la plupart de ses composants originels.
"Ramener la vie"
Imad Zaki, ancien muezzin de la mosquée, contemple les lieux chaque jour. "Aujourd'hui, on ressent la spiritualité. C'est comme si nos âmes retrouvaient enfin la paix", confie l'homme âgé de 52 ans.
Détruits en juin 2017 lors de la bataille contre l'EI, la mosquée et le minaret avaient été piégés avant le retrait des jihadistes, selon les autorités irakiennes.
La vieille ville de Mossoul a été détruite à 80%, et plus de 12.000 tonnes de gravats ont été dégagées des principaux sites du projet de réhabilitation de l'Unesco, qui inclut notamment les églises Al-Tahira et Notre-Dame de l'Heure ainsi que 124 maisons historiques.
L'église Al-Tahira, inaugurée en 1862, a retrouvé ses arcades, piliers sculptés et vitraux colorés.
Lors de sa restauration, des ouvriers ont mis au jour une cave souterraine et de grandes jarres servant autrefois à la conservation du vin. Un plafond de verre permet désormais aux visiteurs d'observer l'intérieur.
L'objectif du projet est de restaurer les monuments emblématiques "et de ramener la vie" à Mossoul, explique Maria Acetoso, chef de projet au bureau de l'Unesco en Irak.
Mossoul "ressemblait à une ville fantôme quand je suis arrivée en 2019. Cinq ans plus tard, le changement est énorme", dit-elle.
"En sécurité"
Les sites restaurés seront inaugurés par les autorités irakiennes dans les prochaines semaines.
Mais si la vie a repris dans les cafés et les rues, la ville porte encore les traces des combats.
Dans les ruelles historiques, des maisons en ruine affichent l'inscription "sûre", indiquant qu'elles ont été déminées. Mais les fenêtres brisées et murs fissurés témoignent de l'exil de leurs propriétaires, notamment les chrétiens, qui ne sont pas revenus.
Mohammed Kassem, 59 ans, a reconstruit sa maison. Mossoul a encore "besoin de beaucoup" pour redevenir ce qu'elle était, souligne-t-il. La ville "a besoin de ses habitants (…) que les chrétiens reviennent. C'est leur place ici."
Face à la mosquée Al-Nouri, Saad Mohammed, 65 ans, espère aussi le retour des visiteurs.
Malgré la nostalgie de ce qui a été perdu, un sourire illumine son visage à la vue du minaret.
"Un jour, on a ouvert la fenêtre et vu le drapeau noir de l'EI sur Al-Hadba" se souvient-il. "Aujourd'hui, il s'élève de nouveau, avec la mosquée et les églises. Maintenant, on se sent en sécurité."