Les Ballets de Monte-Carlo à Paris
Pour la première fois, les Ballets de Monte Carlo sont à l’affiche du Théâtre de la Ville avec Vers un pays sage, une œuvre qui touche à la perfection.
On peut le dire sans détours : créée pour les Ballets de Monte Carlo par Jean-Christophe Maillot, la chorégraphie Vers un pays sage est un chef-d’œuvre. Ou pour le moins son chef-d’œuvre.
À quoi, dira-t-on, reconnaître un chef d’œuvre ? Ici, à la beauté sereine, à la lumière qui s’en dégage ; au style racé, à la virtuosité raffinée de l’écriture ; à ce sentiment de plénitude, d’accomplissement qui l’accompagne. Au temps aussi : composée il y a près de trois décennies, la pièce est toujours aussi envoûtante, toujours aussi surprenante, demeurant inaltérée. Les œuvres fortes ne vieillissent pas.
Art Déco
Sur des pages magnifiques du musicien américain John Adams, Fearful Symetries, qui sont comme un fabuleux tremplin pour qui sait y répondre chorégraphiquement, et tout en rendant hommage à son père qui était peintre, Maillot a composé un poème épique qui entraîne les magnifiques danseurs des Ballets de Monte-Carlo dans une aventure qu’on redécouvre avec émerveillement car tout y est beau. Et les lumières changeantes de Dominique Drillot, auteur d’un rose rare sur la scène des théâtres, ne font qu’exalter la pièce.
Il y a quelque chose de balanchinien dans cette composition qui rappelle l’esprit Art déco, dans certaines attitudes des danseurs surtout qui sont de fugitives rémanences de la sculpture des Années 30. Et cette énergie qui fouette les interprètes recèle quelque chose d’électrique.
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Avec Vers un Pays sage, les Ballets de Monte-Carlo brisent partiellement l’ostracisme auquel ils se sont heurtés à Paris depuis leur création. En plus de trente ans, cette compagnie qui se range parmi les meilleures d’Europe et qui a cent fois peut-être fait le tour du monde, ne s’est produite qu’à cinq reprises dans la capitale. Et il serait éloquent d’analyser les causes inavouées de ce dédain au sein des milieux culturels parisiens où l’on vous appréhende souvent en fonction de votre provenance plutôt que de vos qualités propres et auquel la réputation fâcheuse de la principauté dans ces milieux doit peut-être beaucoup. Sans compter la suspicion que suscite toute velléité d’excellence à une époque où règne cette tendance à la déglingue et à l’absence de talent qu’on flatte joliment du terme de liberté d’expression.
Scrofuleuses et racornies
Hôtes occasionnels du Théâtre des Champs-Élysées, du Théâtre de Chaillot ou du Festival Paris Quartiers d’été où l’on avait déjà représenté Vers un pays sage en 1996, les Ballets de Monte Carlo n’avaient jamais été à l’affiche du Théâtre de la Ville d’où ils ont été soigneusement écartés durant des décennies. Et le plus étonnant dans cette programmation si tardive, c’est qu’elle ne survient peut-être pas pour les meilleures raisons, en l’occurrence, grâce à Vers un pays sage.
Il y a fort à parier, hélas ! que ce soit l’autre partie du programme de cette série de représentations parisiennes qui ait déclenché cette invitation. Une pièce, Autodance, qui colle davantage à l’actuelle et très déroutante politique chorégraphique du Théâtre de la Ville et qui a été commise par l’Israélienne Sharon Eyal. On y retrouve les lumineux interprètes de Vers un pays sage mais métamorphosés en créatures souffreteuses, racornies, scrofuleuses, s’agitant frénétiquement en bordure d’un espace obscur figuré sur le sol, comme autant de cafards grouillant autour d’un gouffre. Consternant !
Ballets de Monte Carlo, du 28 février au 5 mars 2025. Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, à Paris.
01 42 74 22 77 ou theatredelaville-paris.com
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