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Philosopher dans les nuées : Platon avec et contre Aristophane

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Lorsque la comédie des Nuées d’Aristophane est représentée à Athènes en -423, les spectateurs rient d'un personnage appelé Socrate, se promenant dans les airs à l'aide d'une machine élévatrice, jurant par l'Éther et manipulant d'étranges instruments astronomiques. Cette image deviendra une caricature fameuse du philosophe. Si on ne peut pas savoir avec certitude quels modèles ont inspiré le personnage de Socrate dans la pièce, on y reconnaît le type qu’il représente : une catégorie de savants qui enquêtent sur la nature des choses. Et le succès de la pièce semble attester que ces savants étaient, à l'époque, suffisamment importants pour qu’on les reconnut et qu’on s’en moque.

Lora Mariat propose dans son ouvrage Les Savoirs de l'invisible, issu de sa thèse de doctorat, une réflexion sur l'émergence de ces nouvelles figures intellectuelles, en étudiant les polémiques qu'ils ont suscitées dans le champ même de la philosophie (une génération après Socrate, chez Platon ou Xénophon et Isocrate) ou dans d'autres champs du savoir (chez les contemporains de Socrate, dans l'écriture dramaturgique de la comédie et de la tragédie, ou dans les traités médicaux du corpus hippocratique).

Portrait du météorologue

Ce qui caractérise ces nouveaux savants, c’est leur volonté d’expliquer d'une manière rationnelle ce qui était traditionnellement attribué à l’action des dieux. Comme l'écrit l'auteure, « Les phénomènes célestes, en particulier, sont désormais intégrés au même ordre de causalité matérielle qui régit les autres phénomènes naturels : ils sont décrits comme le résultat de l'action de certains éléments physiques (l'air, l'éther, l'eau, le feu, etc.) et de certains couples de qualités sensibles (le chaud et le froid, l'humide et le sec, le rare et le dense, etc.) ». Dans cette perspective, le type de penseurs que le personnage de Socrate incarne s’efforce de repenser les rapports entre le visible et l’invisible, entre ce qui est conçu dans l’ordre du divin et ce qui relève de l’explication matérielle.

À l'instar d'Aristophane, les détracteurs de ce nouveau type de questionnement qualifient ces savants, aussi hétérogènes soient-ils, de « météorologues » du fait de leur intérêt pour les meteora, les « choses d'en haut ». Leurs recherches les amènent à substituer au panthéon traditionnel des éléments naturels (comme l’air, l’éther ou les nuées), par lesquels ils jurent et en la réalité desquels ils prétendent croire. C’est donc un reproche d’impiété qui est d'abord porté contre les météorologues.

L. Mariat montre comment, pour dénoncer la vanité de ces spéculations, Aristophane brosse un portrait caricatural de Socrate ayant « les pieds en l’air », allant chercher ses idées dans les airs à l'aide d'une machine élévatrice et parcourant le ciel par la pensée, négligeant ainsi les préoccupations trop « terre-à-terre ».

Une autre critique de ce nouveau type de savoir peut être trouvée dans certains traités du corpus hippocratique, portant moins l’objet de la recherche des météorologues que sur leur méthode. Les auteurs de ces traités font voir que les « choses d'en haut » sont « invisibles » et « douteuses », ce qui a pour conséquence l’impossibilité d’en obtenir une connaissance sûre. Aussi est-il nécessaire dans de tels cas de recourir à une méthode dite par « hypothèses » en recourant à un « postulat ». C’est cette méthode que les auteurs de ces traités, à l'instar d'Ancienne médecine, veulent disqualifier : cela revient à ériger un savoir sur des fondements invérifiables et ne produire de ce fait que des discours douteux. Autrement dit, ce que condamnent ces médecins, c’est l’invérifiabilité des explications des météorologues, et, conséquemment, la faiblesse épistémologique de leur prétendu savoir.

L'auteure souligne que le traité Ancienne médecine utilise de manière révélatrice le terme de « philosophie », de façon polémique et péjorative, pour l'associer au savoir météorologique ciblé par cette critique. Cela permet à L. Mariat de tracer une ligne de continuité entre métérologie ancienne et philosophie. Son étude défend en effet l’idée que ceux qui ont qualifié leur démarche de « philosophique », de manière tout aussi polémique mais positive cette fois, comme Xénophon, Isocrate ou Platon, sont entrés dans une confrontation directe avec les critiques adressées par le passé à la météorologie.

Un Socrate philosophe contre le Socrate météorologue

Face au portrait caricatural de Socrate (et du météorologue qu'il incarne) dressé par certains poètes comiques et certains médecins, des auteurs comme Xénophon, Isocrate et surtout Platon ont pris position, soit pour démarquer leur propre pratique philosophique de ce portrait (comme c'est le cas des deux premiers), soit pour assumer voire renchérir sur l’héritage de ce personnage (comme c'est le cas du dernier).

Xénophon admet le postulat d'Aristophane selon lequel la spéculation météorologique constitue une activité condamnable et à l'origine de discours impies, mais conteste l’intérêt prétendu de Socrate pour les « choses d'en haut ». Il donne ainsi une image de Socrate conforme à celle qu’en donneront plus tard Cicéron et la philosophie romaine, pour lesquels Socrate fut le premier philosophe à avoir les pieds sur terre et à s’intéresser aux affaires humaines, contrairement à ses prédécesseurs qui se seraient consacrés à la cosmologie. Selon Xénophon, Socrate préconisait une grande réserve quant à la spéculation, puisqu’il suggérait même de s’en tenir, dans l'étude de la géométrie, de l'astronomie ou de l'arithmétique, aux connaissances porteuses d'applications pratiques immédiates.

Isocrate, de son côté, partage les critiques portées par certains médecins contre la météorologie, mais cherche à en exonérer la philosophie. Autrement dit, il tente de ramener la philosophie, par-delà la polémique, à sa signification première de goût pour l'étude et de « culture générale » orientée vers une sagesse pratique. Pour lui, « la science spéculative à laquelle on assimile communément la philosophie ne mérite tout simplement pas de porter ce nom ». Isocrate considère que ce qui définit le domaine de la philosophie, ce n’est pas la spéculation métaphysique, mais l’action politique et l’art oratoire (qui réinvestissent la notion d’efficacité et d’utilité). Et si l’étude des choses « invisibles et douteuses » n’est pas en soi condamnable, en faire le fondement d’un savoir pratique ne saurait être légitime. Isocrate promeut en effet la philosophie véritable comme « une forme de culture générale, de curiosité intellectuelle mesurée qui est le signe d'un homme accompli et qui se confond avec l'apprentissage de la rhétorique », pour reprendre les mots de l’auteure, de telle sorte que la conception de la philosophie qu’il défend échappe aux reproches adressés à la philosophie des météorologues.

La « surenchère platonicienne »

De son côté, Platon adopte une stratégie inverse dans sa défense de la philosophie contre les accusations portées par Aristophane et l'auteur d'Ancienne médecine. Il réhabilite dans ses dialogues la visée météorologique, tant du point de vue de son objet que de sa méthode, à tel point que L. Mariat qualifie son geste de « surenchère ». Par ce terme, il s'agit de désigner à la fois une continuité et un dépassement par rapport à la figure du météorologue façonnée par les poètes comiques et les médecins.

L'auteure étudie en ce sens comment Platon conçoit « les objets et les méthodes propres de la philosophie sur le modèle d'une "hyper-météorologie" : d'après lui, le philosophe n'est pas celui qui détourne son regard des "choses d'en haut", mais celui qui le porte encore plus haut, au-delà même du ciel sensible des météorologues ; et il n'est pas non plus celui qui renonce à la méthode hypothétique, mais celui qui accroît encore l'abstraction des raisonnements, au-delà même des principes matériels des météorologues ».

Parler de « surenchère », c’est considérer que la pensée platonicienne et son écriture s’inscrivent en réaction contre les jugements de ses prédécesseurs, et non comme une sorte de commencement premier quasiment ex nihilo de la philosophie. En l'occurrence, Platon assume plutôt qu’il ne récuse les moqueries d’Aristophane en attribuant une valeur positive à ce que fait Socrate dans les Nuées — autrement dit, il retourne le stigmate. Ainsi, par exemple, dans le Théétète, Socrate est décrit par Platon dans la même posture que celle dans laquelle le place Aristophane, son esprit « vol[ant] en tous sens », « au surplomb du ciel ». La réhabilitation du Socrate-météorologue par Platon tient aussi, dans ce dialogue, à l'usage qu'il fait de la fable d'Ésope évoquant un savant qui, trop occupé à observer le ciel, néglige ce qui se trouve à ses pieds et tombe dans un puits : Platon soutient que cette attitude est celle de tout philosophe authentique, quoiqu'il risque pour cela d’encourir les moqueries des autres hommes.

Toutefois, L. Mariat montre que si Platon reprend à son compte la référence des météorologues aux hauteurs, en en faisant l'objet du savoir du philosophe, celui-ci a un tout autre sens que celui que lui donnait Aristophane. La hauteur de la pensée philosophique ne correspond plus chez Platon à la région physique du ciel. Cette différence apparaît notamment dans un dialogue entre Socrate et Glaucon au livre VII de la République — dont l'auteure fait remarquer qu'il ressemble étrangement à une réécriture de l'échange entre Socrate et Strepsiade dans les Nuées. Socrate y explique en effet que l’arithmétique, la géométrie et l'astronomie ont cette qualité qu'elles permettent de « condui[re] l'âme avec une sorte de fermeté vers le haut », mais qu'elles ne constituent que des moyens et non la fin ultime de la quête philosophique, dans la mesure où elles sont encore trop dépendantes des réalités physiques et trop orientées vers les applications pratiques. Au-delà de ces sciences spéculatives, la philosophie doit ainsi culminer dans la dialectique. Seule cette dernière permet, comme l'écrit l'auteure, d'inciter le penseur à « élever sa pensée au-delà des réalités bassement sensibles et d'atteindre le plus haut degré de réalité qui soit, à savoir l'invisible ». Autrement dit, Platon se livre à une surenchère puisque non seulement il n’y a rien de risible dans les efforts du penseur pour fixer sa pensée sur les airs et les hauteurs plutôt que le concret, mais il doit même s’efforcer de penser une hauteur plus haute encore, au-dessus de l’air et des nuées (qui restent des réalités encore inférieures à ce qui doit être pensé), c’est-à-dire au-delà de toute altitude et de tout espace.

Mais l'auteure souligne que Platon continue d'utiliser le vocabulaire de la météorologie pour décrire cette ascension de l'âme vers les objets véritablement invisibles que sont les Idées pures. Ainsi, dans le mythe du Phédon, la partie la plus pure et la plus élevée du ciel, que l'air dissimule à nos yeux terrestres et vers lequel doit s'élever le philosophe, n'est pas qualifiée autrement qu'« éther », terme utilisé par les météorologues caricaturés par Aristophane. De plus, dans ce même dialogue platonicien, c'est avec des « ailes », que le philosophe rejoint l'éther, ce qui n’est pas sans rappeler les ailes des protagonistes de la comédie des Oiseaux d’Aristophane, quand bien même les ailes du philosophe dans le Phédon seraient métaphoriques. « Platon fait s'élever les âmes ailées "vers le haut" en direction de "la limite intérieure du ciel", soit vers le plafond dont se préoccupent les astronomes ; mais celles qui, parmi ces âmes, sont capables de suivre le dieu dans son ascension celles des philosophes sont ensuite amenées à passer "à l'extérieur" du ciel. » Or, « Platon invente un terme pour qualifier ce "lieu naturel du philosophe" : il s’agit de l’huperouranion topon », soit littéralement le lieu qui se trouve au-dessus du ciel.

C’est ainsi finalement à une nouvelle interprétation des débuts de la philosophie que nous convie l’auteure, dans ce très clair et très instructif ouvrage, en mettant au jour le contexte de son apparition. S’ils se veulent radicaux et novateurs, les questionnements des premiers philosophes ne sauraient être complètement déliés de ceux de leurs prédécesseurs et de leurs contemporains, dont les enjeux étaient à la fois politiques, techniques et religieux – ce que les philosophes ont parfois tendance à oublier.




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