Donald Trump redessine le commerce mondial : notre carte des gagnants et perdants
"Les droits de douane rendent l'Amérique à nouveau GRANDE et RICHE" : fidèle à son style, Donald Trump s'est livré jeudi 31 juillet à un nouvel exercice d'autocongratulation sur son réseau Truth Social. Le président américain était sur le point de détailler le taux des surtaxes commerciales qui toucheront les marchandises de dizaines de pays dans le monde, quelques heures avant la date butoir du 1ᵉʳ août. S'il avait été promis par le milliardaire que ces tarifs douaniers s'appliqueraient immédiatement après cette échéance, leur mise en œuvre interviendra finalement pour la plupart d'entre eux le 7 août prochain.
Depuis "le jour de la libération" début avril, lorsque Donald Trump avait brandi un tableau résumant l'ensemble des mesures douanières "réciproques" qu'il comptait imposer à ses partenaires économiques, les négociations allaient bon train à Washington. Jeudi, un décret indiquant nation par nation l'ampleur des surtaxes touchant chacune de ces puissances a été signé par le républicain, actant leur prochaine entrée en vigueur.
Quelques compromis trouvés
D'après le contenu de ce texte, l'ensemble des échanges ne sont pour autant pas encore tout à fait terminés. "Certains partenaires commerciaux ont accepté, ou sont sur le point d'accepter, des engagements commerciaux et sécuritaires significatifs avec les États-Unis, témoignant ainsi de leur intention sincère de remédier définitivement aux barrières commerciales qui ont contribué à l'état d'urgence national", précise ainsi le décret, publié sur le site de la Maison-Blanche. Aucun pays n'a toutefois été clairement cité comme étant proche de conclure un nouveau "deal" avec l'administration de Donald Trump.
En revanche, certaines puissances sont parvenues à trouver un compromis dans les derniers jours avant la date limite. Comme indiqué dans le décret, les 27 pays membres de l'Union européenne seront touchés par des droits de douane à hauteur de 15%, hors exceptions – dont les conditions restent à préciser. Une légère réduction des 20% initialement annoncés par Donald Trump début avril, mais un arbitrage toujours jugé pas assez "équilibré" par la France. Le week-end dernier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'était déplacée en personne en Écosse pour rencontrer le président américain afin de conclure cet accord.
Des pays asiatiques soulagés
En Asie, de nombreux États se sont aussi activés pour mener des négociations de dernière minute avec les États-Unis. Corée du Sud, Indonésie, Japon... Depuis début juillet, Washington a annoncé plusieurs accords avec des pays du continent, qui limitent la casse par rapport aux taux des tarifs douaniers annoncés au printemps. Les marchandises exportées par Séoul vers le marché américain seront donc imposées à hauteur de 15% (contre 25% prévus initialement), celles exportées par Jakarta à 19% (contre 32%) et celles exportées par Tokyo à 15% (contre 24%).
Le Cambodge et la Thaïlande étaient parmi les plus fortement ciblés lors des premières attaques douanières début avril. Finalement, les produits des deux pays, d'abord visés par des surtaxes de 49% et de 36%, devront chacun faire face à un taux bien moindre de 19%. Selon le secrétaire américain au commerce, Howard Lutnick, interrogé sur Fox News mercredi, Phnom Penh et Bangkok auraient trouvé ces accords commerciaux avec les États-Unis après avoir signé un cessez-le-feu mettant en pause leur conflit transfrontalier.
Parmi les grandes puissances asiatiques, l'Inde, autrefois qualifiée de "reine des droits de douane" par Donald Trump, n'a en revanche signé aucun accord avec Washington. Le taux des surtaxes appliqué à ses marchandises demeure presque le même que prévu, passant simplement de 26% à 25%. Partenaire stratégique par rapport à sa relation avec le rival chinois, mais aussi au vu de sa force de frappe dans la fabrication de semiconducteurs, Taïwan connaît par contre une diminution du montant des droits de douane américains par rapport à avril (20% aujourd'hui contre 32%). Le pays a néanmoins signifié espérer un geste supplémentaire de la part de Washington.
Le Canada, la Suisse et le Brésil très touchés
D'autres puissances sont loin d'être aussi bien loties. Parmi les principaux perdants des dernières déclarations du président américain, le Canada figure en bonne place. Ottawa reste dans le collimateur du milliardaire, qui a encore augmenté le taux des surtaxes sur ses produits importés aux États-Unis. Celui-ci s'élève désormais à 35%, contre 25% indiqués en avril. Contrairement aux autres pays mentionnés dans son décret, ces nouvelles règles sont par ailleurs directement applicables dès ce 1er août. Les produits englobés par l'accord de libre-échange ACEUM signé en 2019 par les États-Unis, le Mexique et le Canada, ne sont en revanche pas concernés.
Pour justifier ce traitement sévère à l'égard de son voisin, Donald Trump cite "les représailles" économiques prises par le gouvernement du pays en rétorsion aux précédentes surtaxes américaines, ainsi que "l'inaction continue" du Canada. Le dirigeant lui reproche aussi son prétendu rôle dans le trafic de fentanyl, cette drogue qui fait des ravages de l'autre côté de l'Atlantique. Pourtant, selon les services frontaliers américains, seul 1% du fentanyl saisi aux États-Unis l'an dernier provenait du Canada. Jeudi, Donald Trump avait également estimé qu'il était désormais "très difficile" pour son camp de trouver un accord avec le Premier ministre canadien, Mark Carney, en réaction à la volonté de ce dernier de reconnaître l'État de Palestine.
En Europe, la Suisse a aussi subi les foudres douanières du président américain. Selon le décret du 31 juillet, les surtaxes imposées à la confédération helvétique devraient grimper à un niveau de 39%, contre les 31% annoncés au préalable. Malgré cette déconvenue, la Suisse "reste en contact avec les services compétents des USA", a indiqué sur X le Conseil fédéral suisse. "Elle aspire toujours à trouver une solution négociée qui soit compatible avec l'ordre juridique suisse, engagements internationaux compris."
Autre grand perdant : le Brésil, visé plus tôt dans la semaine par Donald Trump par des droits de douane... de 50%. En cause ? Les poursuites engagées par la justice du pays contre l'ex-président brésilien d'extrême-droite Jair Bolsonaro, accusé de "tentative de coup d'État". Le décret spécifique signé par Donald Trump concernant ces mesures évoque "la menace inhabituelle et extraordinaire que constitue le Brésil pour la sécurité nationale, l'économie et la politique étrangère des États-Unis". Une démarche qualifiée d'"arbitraire" par Brasilia.
Négociations en cours avec le Mexique et la Chine
Laos (40%), Syrie (41%), Serbie (35%)... Certains États, d'une taille plus modeste, vont également devoir affronter des taux douaniers très importants. D'autres, dont la relation est bien plus stratégique pour Washington, demeurent dans un certain flou. La Chine continue de négocier avec le clan trumpiste pour tenter de trouver un accord sur leurs échanges commerciaux. La pause dans leur guerre tarifaire, qui a culminé jusqu'à 145% de surtaxes américaines sur les produits chinois, court jusqu'au 12 août.
Le Mexique, lui, a obtenu in extremis jeudi un nouveau délai pour éviter une nouvelle hausse des droits de douane de 25% qui lui sont aujourd'hui appliqués. Le Royaume-Uni finalise pour sa part actuellement son accord avec les États-Unis, annoncé en grande pompe début mai.
Enfin, au-delà de ces droits de douane réciproques et du taux universel de 10% appliqué à l'ensemble des États de la planète, des mesures sectorielles sont toujours aujourd'hui en place. Le cuivre, l'acier et l'aluminium demeurent par exemple surtaxés à un niveau de 50%. Également dans le collimateur de Donald Trump : les biens "transbordés", c'est-à-dire en transit d'un pays à un autre en passant par un État tierce. L'objectif ? Éviter de trop importantes surtaxes. Une méthode notamment utilisée par Pékin. La Maison-Blanche promet de taxer ces produits de 40% de droits de douane supplémentaires. Elle devrait prochainement publier "une liste des pays et installations utilisés dans les systèmes de contournement" afin d'appliquer ces sanctions.