Le bitume de Judée, un négatif qui dure
Beaucoup de médias occidentaux ont publié la photographie du jeune Muhammad al-Matouq qu’ils ont présenté comme la victime d’une famine, sans préciser qu’il souffrait d’autres conditions médicales. En revanche, le traitement par beaucoup de médias des images des deux otages israéliens, Rom Braslavski et Evyatar David, rendues publiques par le Hamas, a été très différent. Preuve que ce sont moins les images qui mentent que ceux qui les publient.
No Jews, no news. Cette phrase, qui est elle-même devenue un cliché, j’y ai pensé en visitant le Musée Nicéphore Niepce, inventeur de la photographie, à Chalon sur Saône où m’avaient amené des pérégrinations estivales.
Nicéphore cherchait à fixer l’image produite par la lumière traversant l’orifice, le sténopé, d’une chambre noire. Avec du papier recouvert d’argent, cette image s’effaçait trop vite échecs aussi avec la pierre, le verre ou le cuivre, mais il finit par trouver une substance qui, étalée sur une plaque de métal, remplissait les conditions exigées : les zones exposées à la lumière durcissent alors que les zones sombres restent molles. Il suffisait de les évacuer en rinçant la plaque pour que l’image soit fixée définitivement. Cette substance que Niepce connaissait car il y a des gisements près de Chalon, porte un nom exotique ; on la trouve près de la Mer Morte et elle aurait servi à imperméabiliser l’arche de Noé et la corbeille du bébé Moïse. On l’appelle le bitume de Judée ; il fut vite remplacé par les sels d’argent, mais on lui doit la première photographie de l’histoire. Cette photographie était évidemment un négatif. Je me suis demandé si c’est pour cela que personne n’avait proposé de le renommer bitume de Palestine…
Cette découverte a eu des conséquences gigantesques : que serait le monde d’aujourd’hui sans la circulation des images ? Niepce voulait figer la vérité d’un instant, mais l’image peut véhiculer l’émotion plus encore que l’information, et la manipulation de ces émotions influence largement les sociétés contemporaines.
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Le 23 juillet 2025, le Daily Express, un tabloïd britannique, a publié en une la photo dramatique d’un bébé gazaoui squelettique dans les bras de sa mère. Quelques heures plus tard la BBC, Sky News, CNN, le Guardian, le Daily Mail et le New York Times reprennent la photo, comme preuve de la famine massive à Gaza. On a vite établi que le bébé souffrait d’une anomalie génétique gravissime, mais aucun de ces médias prestigieux ne s’est excusé. Bien au contraire, le New York Times qui a signalé ce détail une semaine plus tard, a félicité ses journalistes d’apporter cette nouvelle précision. Encore plus grave, personne n’a mentionné que la photo avait été recoupée d’un plan plus large où apparaissait un frère plus âgé, parfaitement nourri en apparence. C’est ce qu’on appelle la vérité du contexte, classique mensonge du journalisme idéologique. Une enquête du journal allemand Bild révèle comment des images trafiquées de Gaza aboutissent aux journaux occidentaux. Le maitre d’œuvre en serait l’agence de presse turque Anadolu, profondément antisémite. En Judée, il n’y a pas que le bitume qui soit un repositoire du négatif…
Les vidéos de Rom Braslavski et Evyatar David sont malheureusement authentiques. Pourtant, devenue pour une fois prudente quant à ses sources, la chaine américaine NBC a prétendu ne pas garantir leur origine. Aucun journal, et en particulier ceux qui s’étaient précipités sur la photo de l’enfant gazaoui, n’a mis en une les photos des Israéliens décharnés. Certains ont eu le culot de prétendre qu’ils s’en étaient abstenus par respect pour les familles. La BBC quant à elle, parle des deux Israéliens comme de simples prisonniers et, comme le Guardian, un autre bastion de la détestation anti-israélienne, suggère que leur état représente peut-être celui de la population de Gaza en général, mettant en doute la volonté du Hamas de les affamer. Il est difficile de faire plus dans la manipulation vicieuse de l’information visuelle.
Les motivations de l’organisation terroriste à diffuser ces vidéos sont multiples. Outre qu’elle cherche à engendrer des pressions sur le gouvernement israélien, elle veut montrer au monde que le Hamas continue d’être le maitre des horloges malgré les déclarations israéliennes sur son affaiblissement. Mais il ne faut pas négliger la volonté d’humiliation. Celle-ci est omniprésente dans la rhétorique de l’organisation, qui s’exprime noir sur blanc dans sa charte et les déclarations de ses dirigeants.
Cette semaine a montré en France les effets de cette rhétorique et cette fois, il s’agit d’écrits et pas d’images.
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Nour Attala a, en même temps que 37 autres étudiants et étudiantes de Gaza, été sélectionnée par le Consulat de Jérusalem et le quai d’Orsay pour son excellence académique. A son arrivée à Lille, le directeur de Sciences Po lui a obligeamment prêté son propre appartement, ce qui ne doit pas arriver à tous les étudiants boursiers.
Il a fallu que ce soit le compte X Sword of Salomon qui exhume les textes de glorification de Hitler et du 7 octobre dont Mlle Atala était coutumière. Ces textes sont-ils passés sous le radar des services diplomatiques censés donner les garanties de sécurité, ou bien ces déclarations ont-elles été considérées comme si généralisées qu’elles ne méritaient pas de considération particulière ?Car la réalité que tant de nos décideurs apparemment bien intentionnés tiennent à laisser sous le tapis, c’est que sous l’effet de l’endoctrinement auquel contribuent d’innombrables et ignobles vidéos infantiles, la haine des Juifs est depuis des dizaines d’années une façon d’être dans la société gazaouie. C’est probablement là une cause majeure du dramatique échec de l’armée israélienne à libérer les otages. C’est à coup sûr un poison à longue durée dont l’effet ne disparaitra pas avec la reconnaissance française d’un Etat palestinien…
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