Un 13 novembre culturel pour célébrer la vie
Les attaques du 13 novembre au Bataclan et dans les lieux de vie nocturne parisiens, qui font écho à la tuerie de Charlie Hebdo en janvier, au carnage du Musée du Bardo à Tunis en mars, à l'attentat dans le Musée juif de Bruxelles en mai, à la destruction du temple de Bêl à Palmyre en septembre, nous rappelent à quel point la culture est politique.
Elle l'est indéniablement pour les terroristes. Elle devrait l'être davantage pour nous, qui finissons par ne plus la voir et la considérons, à tort, comme acquise.
Nous avons la chance de vivre dans un pays riche de sa diversité culturelle. Il est fréquent de critiquer l'action politique de ces trente dernières années, mais en l'occurrence, depuis trente ans, la décentralisation a permis que tous les territoires, à de rares exceptions près, soient pourvus en salles de spectacles, en festivals, en cinémas, en bibliothèques, avec dans l'orbite de ces derniers une galaxie d'artistes, d'auteurs, de créateurs indépendants, de bénévoles, d'associations et d'entreprises, qui représentent ensemble plus de 3% du PIB de la France. Cette politique d'aménagement culturel du territoire est un véritable succès -l'égalité d'accès à ces lieux étant un autre sujet.
La France a su, grâce à l'action du ministère de la culture et des collectivités territoriales, structurer des filières créatives notamment sur le cinéma et le spectacle vivant, préserver l'exception culturelle française face au rouleau-compresseur de l'uniformisation libérale, consolider l'emploi culturel grâce au régime particulier de l'assurance-chômage des intermittents du spectacle.
Le numérique a encore accru notre appétence culturelle, constitutive de notre art de vivre, en particulier chez les jeunes qui ont aujourd'hui une culture musicale bien plus étendue que celle de leurs parents au même âge, qui lisent et écrivent beaucoup plus que les générations précédentes grâce à l'avènement des réseaux sociaux, et qui utilisent les outils numériques de manière beaucoup plus active et intuitive que leurs aînés pour exprimer leur créativité.
Cette richesse culturelle, dans laquelle nous piochons pour nous cultiver, nous divertir, nous élever, est bien trop peu mise en avant. La fête de la musique et les journées européennes du patrimoine sont des événements fédérateurs indispensables, mais la création au sens large -qu'elle soit musicale, littéraire, cinématographique, audiovisuelle, plastique, théâtrale, chorégraphique, numérique-, cette création qui rend nos vies plus belles, n'a pas "son" moment de célébration dans l'année.
Les lieux culturels de proximité sont ouverts toute l'année, et il nous faut les faire vivre toute l'année, mais il nous manque un jour dédié à la culture dans sa diversité, un jour où nous nous affranchirions de notre rapport mercantile avec la culture pour ne garder que les moments de partage et de communion qu'elle seule rend possible, un jour pour découvrir les lieux qui nous intimident, pousser la porte d'un atelier d'artiste ou d'un centre d'art, discuter avec les professionnels de la culture qui nous entourent comme nous le faisons avec le boulanger ou le fleuriste du coin, découvrir la richesse de la création indépendante et goûter d'autres saveurs que celles imposées par les multinationales du divertissement, se laisser surprendre par l'inattendu et mettre en veilleuse les algorithmes qui nous disent quoi voir, quoi lire et quoi écouter, s'interroger sur le sens de chaque euro que nous consacrons à la culture, se faire les alliés des créateurs lorsque ceux-ci sont mis en danger ou délégitimés dans leur travail par l'arbitraire politique.
Le 13 novembre, qui n'en doutons pas s'effacera tôt ou tard de nos mémoires, serait le jour idéal pour mettre à l'honneur la culture et brandir celle-ci comme une arme -notre arme- contre les obscurantismes et la haine. Nous rendrions ainsi le plus bel hommage aux 130 victimes des attaques terroristes de Paris, et apporterions une réponse politique à cet acte méprisable, une réponse autant si ce n'est plus pertinente que les mesures sécuritaires décidées ces derniers jours.
En allant plus loin, comme je l'ai proposé dans une pétition sur change.org au lendemain des attentats et qui a recueilli 18.000 signatures à ce jour, pourquoi ne pas réfléchir à l'instauration d'un jour férié le 13 novembre, un jour férié dédié à la culture, à la fête et au partage?
Cela supposerait bien entendu de revoir le calendrier des jours fériés, dont certains posent réellement question dans un pays laïque, mais il est sûr que cette initiative, par sa portée universelle, renforcerait l'unité nationale et permettrait de brandir avec fierté les valeurs de notre devise républicaine, des valeurs à la fois précieuses et fragiles qui fondent ce que nous sommes.
Pour aller plus loin:
Vous pouvez signer la pétition d'Olivier Tur sur le site Change.org.
Lire aussi:
• Pour la création d'un mémorial en l'honneur des victimes des attentats
• Les victimes des attentats du 13 novembre
• Des dessins à la craie sur le sol en hommage aux victimes des attentats
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