A la COP21, les très subtiles (et moins subtiles) nuances de l'accord
Et ce qualificatif de "technique" n'est pas là pour rien. Vous avez certainement entendu un commentateur évoquer des discussions sur "des mots, des virgules". Il faut bien comprendre que c'est vraiment ce qu'il se passe. Dans les salles de réunions privées du Bourget, ou ni les journalistes, ni (souvent) les ONGs ne peuvent accéder, on se demande s'il ne faut pas dire "décisions pertinentes" plutôt que "décisions" tout court.
Bien sûr, certaines modifications sont bien plus lourdes de sens et peuvent changer la teneur même de l'accord escompté. Petite plongée dans les arcanes de la COP21.
Annotations à la marge
Pour commencer, il faut savoir que ces négociateurs ne travaillent pas à partir de rien. Cela fait des années que des centaines de personnes peaufinent ce texte. La dernière version date du 10 novembre et a été établie après d'ultimes négociations à Bonn, en Allemagne.
Un pavé de 54 pages qui est maintenant découpé et annoté par les fameux négociateurs techniques. Mardi, 25 réunions ont eu lieu pour discuter d'un ou plusieurs articles. Mercredi, rebelote avec 23 réunions, et ce jusqu'à jeudi soir.
Si ces réunions sont privées, il est tout de même possible de savoir (en résumé) ce qui s'y dit. Si on fouille (beaucoup) sur le tentaculaire site de la CCNUCC (si c'est du chinois, vous n'avez pas bien regardé notre glossaire façon scrabble), on peut suivre l'avancée des travaux.
Chaque jour, des rapports sont publiés, dans ceux-ci, on peut (enfin) trouver les articles modifiés de la journée. On a alors l'impression de se retrouver devant une dictée corrigée par notre professeur (d'anglais) il y a quelques décennies:
Le diable est dans les détails
Derrière la plupart de ces modifications, des "pinaillages". Remplacer le mot "établir" par "partager", ou "vision à long terme" plutôt qu'"objectif mondial". Les rapports de ces groupes de travail sont remplis de détails qui semblent anodins. Sauf que derrière un détail sémantique se cache souvent un arbitrage sur une question importante. Un simple changement de terme peut bousculer pas mal de chose.
Exemple? Dans l'article 3, le pic d'émissions de gaz à effet de serre devait être atteint à un moment, mais pas vraiment défini. Au choix: En 2030, en 20XX ou "aussi vite que possible". C'est finalement cette dernière option qui a été retenue mardi. Une option bien moins contraignante, car elle laisse aux Etats le choix dans la date. Mais cela n'est pas encore gravé dans le marbre, ces modifications sont temporaires et chaque article sera corrigé et annoté jusqu'à la fin de la semaine, précise la Fondation Nicolas Hulot qui, plutôt optimiste, estime que "les choses avancent".
"Les Etats doivent trancher entre des options parfois contradictoires, ou trouver des zones de convergences, explique Fanny Petitbon, de l'ONG Care, qui suit les négociations de près. Et elle n'est pas très optimiste sur les jours à venir.
"Pour l'instant, il n'y a pas trop de mouvement, pas de dialogue, la confiance s'effrite", regrette-t-elle. Si le président de la COP Laurent Fabius est plus optimiste, il n'a pas moins exhorté les négociateurs à "accélérer le processus", demandant des "compromis". Le ministre des Affaires étrangères doit recevoir samedi midi ce nouvel accord pour que les ministres puissent trancher les derniers (et plus importants) points de blocage la semaine suivante. Bienvenue dans le monde merveilleux de la technocratie.
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