Xynthia: fin du procès en appel, la défense plaide à nouveau la relaxe
"Boucs émissaires" d'un "cataclysme", les anciens élus de La Faute-sur-Mer (Vendée) ne sont pas responsables de la mort de 29 personnes en 2010 lors du passage de la tempête Xynthia, ont plaidé mercredi leurs avocats, au dernier du jour du procès en appel à Poitiers.
Dénonçant les réquisitions "violentes" et "injustes" prises la veille par le ministère public à l'encontre de René Marratier, maire de 1989 à 2014 de la station balnéaire vendéenne dont il est toujours conseiller municipal, et de Françoise Babin, son ancienne adjointe à l'urbanisme, leurs avocats ont exhorté la cour d'appel de Poitiers de les relaxer pour mettre fin à une "chasse aux sorcières".
La cour rendra son arrêt le 4 avril 2016 à 10H00.
"Une peine d'emprisonnement ferme (...) tuera" M. Marratier, contre lequel ont été requis mardi quatre ans de prison, dont deux ferme, et une interdiction définitive d'exercer toute fonction publique, a assuré l'un de ses avocats, Matthieu Hénon, qui a dépeint l'ancien maire comme un homme "arrivé au soir de sa vie".
Ce "garagiste sans instruction, fils d'ouvrier, patron de PME aujourd'hui ruiné", dont la maison est en voie d'expropriation, a "toujours pensé ?uvrer pour le bien de ses concitoyens", a insisté Me Hénon devant la cour d'appel de Poitiers, en présence de plusieurs dizaines de soutiens à l'ancien maire et de parties civiles.
La veille, l'avocat général Thierry Phelippeau a estimé qu'il avait "trahi l'intérêt général", en n'informant pas ses administrés des risques d'inondation, et en faisant preuve le soir de la tempête "d'amateurisme et de légèreté", en ne prenant pas connaissance des messages d'alertes météorologiques, et en n'organisant pas de surveillance de la digue Est.
- "Ni plus intelligent, ni plus bête" -
Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la submersion de cette digue avait causé la mort par noyade de 29 personnes, essentiellement des personnes âgées, mais aussi trois jeunes enfants, surpris par la brusque montée des eaux dans leurs maisons de plain-pied, qui auraient dû comporter un étage en raison du risque de submersion.
"Ce soir là, personne n'avait conscience que le risque était celui d'une submersion marine. M. Marratier n'est ni plus intelligent, ni plus bête que les autres. (...) S'il avait su, il aurait bien évidemment fait différemment", a plaidé Antonin Lévy, autre avocat de l'ancien maire de la station balnéaire vendéenne.
Comme avant eux les défenseurs de l'ancienne adjointe à l'urbanisme et de son fils, Philippe Babin, contre lesquels ont été requis respectivement deux ans de prison, dont 15 mois ferme, et 75.000 euros d'amende, et 18 mois de prison, dont neuf ferme, pour "homicides involontaires", ils ont à nouveau pointé du doigt les responsabilités de l?État dans le drame.
"On a jeté en pâture à l'opinion (...) des personnes qui n'y sont pour rien", ont martelé les avocats des Babin.
Les permis de construire, délivrés par l'ancienne adjointe à l'urbanisme et M. Marratier dans la zone endeuillée, faisaient référence à une hauteur minimale pour l'édification des maisons qui "n'existait pas", à la suite de "carences grossières et impardonnables" des services de la préfecture, des services pourtant "spécialisés", a notamment soutenu Me François Rocheron-Oury.
Déplorant l'absence de fonctionnaires sur le banc des prévenus, depuis la relaxe en première instance d'Alain Jacobsoone, ancien directeur départemental adjoint des Territoires et de la Mer, il a affirmé que "dans ce dossier, l?État préfère une injustice à un désordre".
Alors que le tribunal correctionnel des Sables d'Olonne avait lourdement condamné le 12 décembre 2014 M. Marratier à quatre ans de prison ferme et Mme Babin à deux ans ferme et 75.000 euros d'amende, leurs avocats ont demandé à la cour d'appel l'annulation du jugement, "partial parce qu'il a été rendu +ab irato+, sous le coup de la colère", a plaidé Me Hénon.
En condamnant M. Marratier, "honnête homme pour qui tout s'est écroulé", "vous créerez la peur" chez les autres élus, a conclu Didier Seban, autre avocat de l'ancien maire de La Faute-sur-Mer.