Les opérateurs mobiles, intermédiaires clés de la police après les attentats
Juste après les attentats de Paris comme pour chaque enquête, les opérateurs mobiles ont été mis à contribution pour mettre en ?uvre la géolocalisation et le placement sur écoute des suspects, un service sur lequel ils restent très discrets et qu'ils facturent à l?État.
C'est une obligation légale. Bouygues, Orange, Free, SFR, tous les opérateurs de téléphonie mobile ont un service chargé spécifiquement d'accéder aux demandes de l?État, qu'elles soient judiciaires ou administratives.
"Il y a une forte activité ces derniers jours mais il est impossible de vous donner des chiffres", confie à l'AFP une porte-parole de Bouygues Telecom, qui souligne que l'opérateur "n'aime pas trop parler de ça".
Les opérateurs n'écoutent jamais les conversations mais donnent accès à leurs réseaux aux enquêteurs, seuls habilités à le faire.
Le soir des attentats de Paris, le 13 novembre, où 130 personnes sont tuées par des jihadistes, Bouygues met en place une cellule de crise au sein de son service "obligations légales", qui compte moins de 100 personnes.
"Ce sont des gens habilités secret défense qui sont sous astreinte en permanence et que nous avons fait revenir de façon importante", a décrit sur France Info Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom.
"Ce ne sont pas des agents secrets", assure une porte-parole, "tout passe tout simplement par fax. On se contente d'être un support pour la police".
"La réactivité des opérateurs est fondamentale dans le cadre des enquêtes antiterroristes ou lorsqu'il s'agit de traquer des suspects en fuite", souligne à l'AFP une source policière.
Pour travailler dans cette équipe, les salariés doivent avoir deux ans d'expérience au sein de l'entreprise, selon la loi. "Il y a un turn-over et ce n'est pas toujours facile, notamment pour les opérateurs les plus petits", déplore un responsable de la Fédération française des telecoms.
- 2.000 réquisitions adressées par jour -
Interception, géolocalisation ou identification d'un numéro, chaque service est facturé selon une tarification définie dans un arrêté du 21 août 2013.
Une interception coûte 24 euros et le suivi en temps réel des appels émis et reçus, 17,5 euros par numéro.
Ces sommes paraissent peu élevées mais deviennent vite astronomiques lorsqu'il s'agit d'identifier sur les lieux d'un crime les portables qui ont pu être utilisés par des criminels.
Chaque année, cela coûte à l?État plusieurs dizaines de millions d'euros, pris en charge notamment par les frais de justice de la Chancellerie.
"Le coût des interceptions est tel que les juges, contraints financièrement, demandent de plus en plus des devis pour décider de réaliser ou non les interceptions demandées par les enquêteurs", regrettent des sources policières.
Les opérateurs ne gagnent pas d'argent, assure pourtant le Pôle de la sécurité des technologies de l'information et de la communication, rattaché à Bercy. "Les mieux organisés couvrent leurs frais, ceux qui le sont moins en perdent", soutient son responsable Constant Hardy.
Au total, il y a en moyenne 2.000 réquisitions adressées chaque jour à l'ensemble des opérateurs (fixe, mobile et internet). La plupart concerne l'accès à des données de connexion ou d'identification.
Pour les écoutes proprement dites, 6.182 interceptions administratives ont été effectuées en 2013, selon la Commission nationale de contrôle. Et le nombre d'interceptions judiciaires annuelles est au moins "quatre fois plus élevé", estime Constant Hardy.
Depuis début 2015, rien que pour la lutte antiterroriste, 1.753 interceptions administratives et 128 géolocalisations ont été réalisées.
Pour les réquisitions de la justice, l'interlocuteur des opérateurs est désormais la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), opérationnelle depuis octobre et qui vise à remplacer l'ancien système où six PME assuraient les écoutes.
Mise en place par le groupe de défense Thales, elle doit permettre d'"obtenir dans des délais très brefs, de l'ordre de quelques minutes à quelques dizaines de minutes, les réponses à la majorité des prestations demandées", selon la Chancellerie.
L'investissement initial du gouvernement pour le lancement de la plateforme avoisine les 50 millions d'euros, pour un projet évalué au départ à 17 millions.