Affaire Tefal: une inspectrice du travail condamnée au pénal
Le tribunal correctionnel d'Annecy a condamné vendredi à 3.500 euros d'amende avec sursis l'inspectrice du travail Laura Pfeiffer, qui supervisait l'entreprise Tefal, pour violation du secret professionnel et recel de courriels de cette filiale du groupe Seb.
Le jugement a été qualifié de "honteux" par les syndicats qui s'étaient mobilisés pour la jeune femme.
Christophe M., ancien informaticien de Tefal, a été condamné à la même peine pour détournement de courriels et accès frauduleux à un système informatique.
Il était reproché aux deux prévenus d'avoir rendu publics des mails internes à l'entreprise Tefal montrant que la direction avait cherché à entraver le travail de l'inspectrice.
Lors de l'audience du 16 octobre, le procureur d'Annecy Éric Maillaud avait requis une peine de 5.000 euros d'amende, éventuellement assortie de sursis, à l'encontre de Laura Pfeiffer, et une amende "symbolique" intégralement assortie du sursis à l'encontre de Christophe M.
"Ça me choque. J'avais toujours l'espoir qu'on sorte de l'absurde. Comme ce n'est pas le cas, j'en prends acte et je vais voir avec mon avocat pour la suite", a réagi Mme Pfeiffer. "J'ai le sentiment de n'avoir commis aucune erreur (...), d'avoir juste fait mon métier, ce qui apparemment dérange", a-t-elle ajouté, aux côtés d'une centaine de syndicalistes venus la soutenir.
Les deux prévenus ont également été condamnés à verser un euro symbolique à chacune des cinq parties civiles au procès (la société Tefal et quatre personnes physiques) ainsi qu'à payer 2.500 euros au titre des frais de justice.
Les syndicats CNT, CGT, FSU, SUD et FO du ministère du Travail ont dénoncé un "jugement honteux" et annoncé qu'ils poursuivraient "le combat en appel pour la relaxe", dans un communiqué.
"C'est un coup très dur", a réagi Ian Dufour de la CGT, en notant que la condamnation serait inscrite au casier judiciaire de Mme Pfeiffer. "Ça veut dire qu'elle risque, si la ministre le décide, la sortie de son travail. On va prendre rendez-vous immédiatement avec la ministre pour savoir comment elle se positionne par rapport à ce jugement et comment elle protège l'agent", a-t-il ajouté.
- 'A poêle Tefal' -
Ce procès avait suscité l'émoi des syndicats, qui sont mobilisés depuis des mois contre les poursuites intentées à Mme Pfeiffer.
En octobre, un millier de personnes avaient manifesté devant le palais de justice, scandant "A poêle Tefal! A poêle!".
L'affaire a commencé en octobre 2013, quand Christophe M. a trouvé un document dans une photocopieuse de Tefal indiquant que sa société avait l'intention de le licencier sans motif sérieux. "Lui fixer des objectifs inatteignables?", était-il écrit sur ce papier.
L'informaticien, qui demandait le paiement d'heures supplémentaires, voit "le ciel (lui) tomber sur la tête", avait-il déclaré à la barre. Il cherche alors d'autres documents pour "se défendre" et tombe sur des mails concernant le travail de Laura Pfeiffer.
Dans un de ces messages, une cadre de Tefal, basée à Rumilly (Haute-Savoie), remarque ainsi que le directeur départemental du travail (DDT), Philippe Dumont a "le pouvoir" de changer Laura Pfeiffer "de section administrative pour que Tefal ne soit plus dans son périmètre". "Intéressant, non?", souligne-t-elle.
S'ensuivent plusieurs échanges troublants, M. Dumont remerciant par exemple Tefal d'avoir pris un membre de sa famille en stage. L'informaticien décide de les transmettre anonymement à Mme Pfeiffer, à l'époque arrêtée suite à un conflit avec M. Dumont.
La jeune femme saisit le conseil national de l'inspection du Travail et transmet parallèlement les documents à sept syndicats. Ces documents se retrouvent très vite sur internet puis dans la presse, à la "surprise" de Mme Pfeiffer.
C'est cette transmission qui est reprochée à l'inspectrice. "Elle ne peut pas dire qu'elle ignorait que ces documents étaient de provenance douteuse", avait estimé le procureur, en soulignant que "la loi lui impose une énorme responsabilité de loyauté et de rigueur morale".
Me Henri Leclerc, avocat de l'inspectrice, avait lui dénoncé des "poursuites injustes" et une "affaire absurde", en estimant que les documents en question "n'étaient pas soumis au secret professionnel" et en plaidant la relaxe.