Développement bas-carbone et changement climatique: quels rôles pour les institutions financières de développement?
Le rôle des Institutions Financières de Développement pour favoriser un développement cohérent avec l'enjeu climatique
Dans ce contexte, et à l'occasion du lancement de l'initiative "Five voluntary Climate Mainstreaming Principles" le 7 décembre 2015 en marge de la COP21, cet éditorial discute les enjeux relatifs à l'intégration du climat par les Institutions Financières de Développement. En effet, les Institutions Financières de Développement (IFD) peuvent endosser un rôle important tant pour rendre ces transferts opérationnels que pour soutenir les politiques climatiques nationales. Déjà des acteurs importants par leur rôle de distribution de l'aide officielle au développement et par leur action de renforcement des capacités, elles apparaissent bien positionnées pour travailler à côté des gouvernements dans une transition pragmatique et efficace vers une économie bas-carbone et résiliente au climat, par les trois voies suivantes :
- Le soutien des modèles de développement bas-carbone et résilients au climat : en pratique les IFD peuvent : i) faciliter l'accès aux capitaux, ii) fournir un soutien au développement des stratégies nationales, régionales et locales et à des cadres réglementaires cohérents avec une transition bas-carbone, et iii) établir de lignes de crédit vertes avec les institutions financières locales.
- La généralisation de l'adaptation : les IFD peuvent aider à s'assurer que les changements actuels et futurs du climat et leurs risques associés soient systématiquement pris en compte dans toute décision d'investissement, et que les mesures d'adaptation adéquates soient entreprises.
- L'intégration des risques financiers et l'évaluation adéquate des investissements: les IFD peuvent aider à améliorer l'intégration des risques climatiques (physiques) et carbone (réglementaires) au sein de la prise de décision d'investissement et de la sélection des investissements.
Un changement du paradigme de la "finance climat" en faveur du "mainstreaming" pour soutenir la transition bas-carbone et résiliente au climat?
Les IFD nationales et internationales sont des contributeurs significatifs aux flux de finance climat publics mondiaux, dépassant les 100 milliards USD pour la seule année 2014. Par ailleurs, certaines IFD ont fait récemment des annonces importantes d'augmentation de leurs contributions à la finance climat dans le cadre de cet objectif commun. Il s'agit d'actions importantes et louables, mais pour atteindre le niveau de financement nécessaire à l'accomplissement des objectifs de long-terme, il faudra accomplir un mouvement vers l'échelle systémique alignant la majorité des activités avec un modèle de développement bas-carbone et résilient au climat.
Ceci impliquera que les IFD identifient les investissements spécifiques au climat et qu'elles s'appliquent à atteindre tous les objectifs de développement, non seulement en réduisant les émissions, mais aussi en augmentant la résilience. Par conséquent, il est nécessaire de sortir d'une vision "en silo" de la finance climat pour plutôt chercher à aligner toutes les activités de l'économie avec la transition bas-carbone et résiliente au climat. La généralisation ou "mainstreaming" de ces enjeux sera un passage important non seulement pour augmenter les flux orientés vers les investissements spécifiques au climat, mais aussi pour s'assurer que la majorité des investissements est cohérente avec cette transition de long-terme. Ce changement de paradigme demanderait des modifications dans la façon d'évaluer les financements.
Les clefs pour approfondir l'action des IFD
Un certain nombre d'IFD ont pris d'importantes mesures dans ce sens, aussi bien individuellement que collectivement. Qu'il s'agisse de fixer et de suivre des objectifs de finance climat, d'intégrer des critères liés au climat au sein des stratégies ou d'inclure les métriques adéquates dans l'évaluation des projets, d'importants progrès ont été observés sur le plan international. Sur le plan collectif, les IFD travaillent pour harmoniser leurs méthodologies, développer des principes et identifier les meilleures pratiques d'atténuation et d'adaptation.
Néanmoins, il est important de reconnaître que ces institutions ne fonctionnent pas dans le vide et sont souvent dépendantes des mandats qui leur sont attribués et des priorités des pays bénéficiaires qui peuvent faciliter - ou limiter - la généralisation accrue des modèles de développement bas-carbone et résilients au climat. Elles dépendent donc des orientations politiques dans la structuration de leurs activités. Ainsi, les IFD sont confrontées à des mandats et objectifs qui couvrent de multiples horizons de temps. Elles sont sujettes à des objectifs de performance de court-terme (signatures, déboursement et performance financière) et de contribution aux objectifs de développement de moyen à long-terme, et doivent établir un reporting sur chacun de ces objectifs. Il semble éminemment important d'assurer que les mandats, les priorités et les cadres de reporting comptables incitent à un meilleur alignement avec les objectifs climatiques de long-terme et de développement.
D'autre part, l'élargissement des réglementations, des incitations et des politiques est nécessaire pour intégrer les externalités négatives d'une économie fondée sur l'utilisation des énergies fossiles - en particulier du fait de l'aspect intergénérationnel et mondial de ce défi. L'engagement des pays bénéficiaires à faire du modèle économique bas-carbone et résilient au climat une priorité politique est essentiel. Les IFD peuvent ainsi travailler collectivement, avec chaque pays, pour développer des stratégies partagées qui dégagent des trajectoires privilégiées de transition vers des modèles de développement bas-carbone et résilients au climat. La publication des contributions nationales dans le cadre de la COP21 par les États apparait comme un élément essentiel dans ce domaine. Qu'il prenne la forme d'un soutien budgétaire ou d'une assistance technique, ce processus devrait permettre d'assurer que les interventions des IFD supportent ces transformations en coordination avec les gouvernements bénéficiaires.
La Fondation Jean-Jaurès et la Fondation européenne d'études progressistes (FEPS) s'impliquent dans les débats sur la lutte contre le réchauffement climatique, alors que Paris accueillera en décembre une conférence internationale décisive sur le sujet -la COP21, ou Paris Climat. Le projet "Progressistes pour le climat" a vocation à faire entendre des voix progressistes sur ces sujets, en faisant voir les enjeux politiques et de société qui sous-tendent ces négociations. A travers nos contenus en ligne et nos actions, notre ambition est de participer à la construction d'une vision partagée d'un avenir bas-carbone, respectueux de l'homme et de l'environnement, tout au long de l'année 2015, jusqu'à la conférence Paris Climat.
Lire aussi :
• Les lieux les plus pollués sur Terre
• Les projets écolos que pourraient financer les milliards de subventions aux énergies fossiles
• COP21: Le texte de l'accord est passé de 939 crochets à 367 crochets [et c'est bon signe]
• Tous les matins, recevez gratuitement la newsletter du HuffPost
• Retrouvez-nous sur notre page Facebook