Le rugby peut bien multiplier ses temps de jeu sans laisser ses gladiateurs respirer. Il peut nourrir l’inflation des masses musculaires et des salaires. Il peut
se professionnaliser, se footballiser,
s’ultra-téléviser, se jouer devant une poignée de spectateurs comme devant
150 millions, comme la finale de Twickenham entre Nouvelle-Zélande et Australie... Quelque chose ne changera jamais dans sa virile et poétique alchimie: il restera l’esclave d’un bout de matière difforme, indomptable, capricieux, d’une véritable diva à qui tout est finalement et systématiquement pardonné: son ballon. Ovale comme une vessie de porc recouverte de cuir, déformée pour plus de maniabilité, la balle de rugby n’a pas fini de mettre à genoux des générations de grands costauds. Pour elle, ils s’aplatissent. Pour elle, ils acceptent de se faire passer sur le corps et lacérer la chair. Pour ses faveurs passagères, des vies entières ont été abandonnées à s’abreuver de XV, comme on revient à la source d’une éternel émerveillement –sportifs, entraîneurs, mais aussi journalistes, écrivains, dirigeants. «Le ballon, c’est ce qui fait mon attachement à ce jeu, à sa formidable fantaisie.» Jean Lacouture, auteur de ces paroles en 1994 dans un docu sonore «Le rugby ou le mystère de la balle ovale», n’a pas seulement laissé au monde une monumentale biographie de De Gaulle: il a aussi signé
Voyous et gentlemen, Une histoire du rugby. «Vous ne savez ...
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