Le Venezuela sous tension attend le résultat de la présidentielle
Peu avant 20H00 locales, la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado, déclarée inéligible et qui n'a donc pu se présenter, a appelé ses compatriotes "à rester dans les centres de vote", dans une déclaration publique depuis son quartier général de campagne à Caracas.
"Nous voulons demander à tous les Vénézuéliens de rester dans leur bureau de vote, d'être là pour surveiller. Nous nous sommes battus toutes ces années pour ce jour, ce sont les minutes cruciales", a-t-elle lancé, très souriante aux côtés du candidat Edmundo Gonzalez Urrutia.
Sans vouloir non plus donner de chiffres, Mme Machado a précisé que le QG de campagne recevait les bordereaux en provenance des scrutateurs de l'opposition des 30.000 bureaux de vote, soulignant: "Nous ne spéculons pas, nous parlons avec des preuves en main".
Les résultats sont attendus dans la nuit.
Les experts jugent que la participation est une des clés du scrutin, l'opposition ayant besoin d'une forte mobilisation pour l'emporter.
"Dans tous les centres de vote du pays, nous voyons une participation en apothéose. J'en suis très fière. Nous sommes en train de réaliser un rêve (...) Nous allons être libre", avait déclaré Mme Machado dans l'après-midi.
Le CNE n'a donné aucune indication chiffrée mais selon Mme Machado, la participation à 13H00 (17H00 GMT) s'élevait à "42,1% ce qui représente 9,3 millions de personnes". "C'est énorme et si ça se maintient, le chiffre (de participation) sera historique".
Portant un survêtement aux couleurs du Venezuela, le président Maduro, héritier d'Hugo Chavez, ancien président d'inspiration socialiste de 1999 jusqu'à sa mort en 2013, a voté dès l'ouverture des bureaux à 06H00. "Je reconnais et je reconnaîtrai l'arbitre électoral, les communiqués officiels et je les ferai respecter", a-t-il promis alors que l'opposition craint des fraudes ou une manipulation.
"Continuer à avancer dans l'harmonie"
Le président sortant a décrit une "bataille (...) entre ceux (...) qui souhaitent la violence et ceux d'entre nous qui aiment le Venezuela, qui ont surmonté toutes les tempêtes et qui veulent continuer à avancer dans l'harmonie".
Très applaudi au bureau de vote où il s'est déplacé en fin de matinée, M. Gonzalez Urrutia avait lui assuré: "Nous sommes prêts à défendre jusqu'au dernier vote".
Griselda Barroso, avocate de 54 ans, s'est rendue à son bureau de vote à 04H30. "J'espère qu'Edmundo Gonzalez Urrutia triomphera. J'espère qu'il y aura de la démocratie" au Venezuela, dit-elle.
Dans le quartier 23 janvier, bastion du pouvoir, Maria de Rivero, 83 ans, se dit "Madurista" et fière du bilan du président sortant.
"Je suis avec lui (...) tout va s'améliorer. Je suis heureuse parce qu'il y a eu beaucoup d'éducation, ce qui n'était pas le cas auparavant. Les pauvres, les enfants ne pouvaient pas entrer à l'université".
Dans l'Etat pétrolier de Zulia (ouest), une étudiante assure elle que le pouvoir achète les votes. "Quand je suis allée voter, une femme se tenait à côté de la machine (...). Elle a fait signe à une autre personne pour lui dire que j'avais voté pour Edmundo", explique-t-elle.
"Après quoi ils ont apposé un autocollant jaune sur ma carte d'identité. Ils apposent un autocollant noir sur les cartes de gens ayant voté Maduro. Cet autocollant noir donne droit à un sac Clap (d'aide alimentaire, ndlr) à la sortie du bureau de vote", raconte-t-elle.
Caracas a limité l'observation du scrutin. Le Venezuela, qui avait déjà retiré en mai son invitation à l'Union européenne pour observer le scrutin, a bloqué ou refusé à la dernière minute de nombreux observateurs internationaux, dont quatre ex-présidents latino-américains dont l'avion a été retenu au Panama vendredi.
Dix candidats sont en lice mais le scrutin se résume à un duel entre MM. Maduro et Gonzalez Urrutia.
Attitude de l'armée
Les sondages donnent l'opposition largement en tête (maximum de 30% pour M. Maduro; opposition entre 50 et 70%). Le pouvoir, lui, se montre confiant en sa victoire.
M. Maduro, qui s'appuie sur l'armée et un harcèlement policier de l'opposition, a régulièrement promis qu'il ne cèdera pas le pouvoir. Pendant la campagne, il a évoqué un possible "bain de sang dans une guerre civile fratricide provoquée par les fascistes".
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a déclaré dimanche que "le peuple vénézuélien mérite une élection qui reflète réellement sa volonté, à l'abri de toute manipulation".
Le pays pétrolier, longtemps un des plus riches d'Amérique latine, est exsangue, empêtré dans une crise économique et sociale sans précédent: effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, hyperinflation, pauvreté et systèmes de santé et éducatif totalement délabrés.
Le pouvoir accuse le "blocus criminel" d'être à l'origine de tous les maux. Les Etats-Unis avaient durci leurs sanctions pour tenter d'évincer M. Maduro après sa réélection contestée de 2018, lors d'un scrutin entaché de fraudes selon l'opposition, et qui avait débouché sur des manifestations sévèrement réprimées.
Une des clés sera l'attitude de l'appareil sécuritaire. "La force armée nationale bolivarienne me soutient", a affirmé M. Maduro. M. Gonzalez Urrutia s'est lui dit "convaincu que les forces armées veilleront à ce que la décision de notre peuple soit respectée".