Ni politique, ni "propagande féministe": un jeu vidéo chinois demande d'éviter certains sujets
Lancé mardi, le jeu a connu l'une des meilleures journées de lancement de l'industrie du jeu vidéo, devenant ainsi l'un de jeux chinois les plus populaires de l'histoire par le nombre de personnes y jouant sur la plateforme Steam.
"Black Myth", qui s'inspire du roman chinois du XVIe siècle "La Pérégrination vers l'Ouest", est un jeu coédité par Hero Games.
Il est considéré comme le premier titre "Triple A" développé en Chine, c'est-à-dire un jeu indépendant à gros budget.
Dans "Black Myth", les joueurs se glissent dans la peau d'un personnage semblable au roi singe Sun Wukong, connu dans le roman pour sa force et ses pouvoirs magiques extraordinaires.
Des streamers -- qui diffusent en vidéo pour leurs abonnés des parties de jeux pour les commenter -- ont raconté avoir reçu de Hero Games un document leur demandant d'éviter d'évoquer pour leur public certains sujets comme "la politique" ou "la propagande féministe", selon des échanges de mails consultés par l'AFP.
Le coéditeur cite aussi "le Covid-19", "le placement en isolement" et "la quarantaine" comme sujets à ne pas mentionner, des termes qui font référence aux mesures très strictes prises par la Chine durant la pandémie.
"Quel scandale!"
Autre sujet tabou: tout commentaire sur "la politique de la Chine dans le secteur des jeux vidéo, les opinions et actualités autour de la Chine, etc".
Benoît Reinier, créateur français de contenus sur les jeux vidéo, a confirmé mercredi à l'AFP avoir reçu ces consignes et a partagé ses échanges de mails avec un représentant de Hero Games.
Dans une vidéo postée sur YouTube, il annonce qu'il ne fera pas de streaming du jeu sur sa chaîne, dénonçant la "censure" qu'on veut lui imposer: "En 15 ans de métier, je n'ai jamais vu un truc aussi honteux".
"C'est très clairement un document qui nous explique qu'il faut se censurer, qu'il ne faut pas parler de sujets jugés négatifs comme la politique ou la +propagande féministe+, non mais quel scandale de dire des trucs pareils!", déclare-t-il dans cette vidéo.
"+Black Myth: Wukong+, avec ce document, moi j'ai décidé de ne pas vous en parler, il n'y aura pas de test du jeu, il n'y aura pas de live sur le jeu", conclut-il.
Ni Hero Games ni le développeur du jeu Game Science n'ont répondu aux sollicitations de l'AFP mercredi à ce sujet.
"Objectifs anti-Chine"
En ligne, des joueurs chinois ont eux pris la défense de "Black Myth: Wukong", certains estimant que les critiques à son égard, notamment sur le manque de diversité du jeu, sont des préjugés d'étrangers.
"Les féministes essaient depuis toujours d'atteindre leurs objectifs anti-Chine en traînant dans la boue la culture chinoise traditionnelle, mais je pense qu'elles vont forcément échouer", écrit l'un d'eux sur le réseau social chinois Weibo.
Alors que le site spécialisé canadien Screen Rant n'a attribué au jeu qu'une note de 3 sur 5, regrettant son "manque d'inclusivité et de diversité", des internautes chinois s'indignent.
"Comment est-ce qu'il peut manquer de diversité alors qu'il y a tellement de monstres dedans?", réagit l'un d'eux sur Weibo.
Un autre accuse les plateformes étrangères notant les jeux vidéo de "rejoindre les rangs de ceux qui salissent la Chine".
"Comme elles voient que la Chine a sorti un jeu à gros succès, elles commencent à mettre en avant des idéologies comme les LGBTQ et le féminisme", dénonce-t-il.
Le jeu vidéo restait mercredi l'un des plus joués sur la plateforme Steam, avec jusqu'à 2,2 millions d'utilisateurs simultanés depuis sa sortie mardi.