Blinken presse les Haïtiens à s'engager sur la voie des élections
Plus haut responsable américain à se rendre dans ce pays meurtri depuis 2015, M. Blinken est arrivé à Port-au-Prince deux mois après que le Kenya a envoyé des policiers dans le cadre d'une force internationale longtemps attendue et censée rétablir l'ordre.
Arrivé dans la matinée à l'aéroport Toussaint Louverture, récemment rouvert aux vols commerciaux après sa fermeture liée aux violences des groupes armés, M. Blinken a traversé en cortège blindé des rues bondées et parsemées de nids-de-poule de la capitale haïtienne pour se rendre à des réunions dans la résidence de l'ambassadeur américain.
Lors de sa rencontre avec le Premier ministre intérimaire Garry Conille, il a estimé que le travail initial des forces internationales avec la police haïtienne constituait "des étapes très importantes et de réels progrès".
"La sécurité est la base de tout ce qui va arriver ensuite, y compris la préparation des élections de l'année prochaine, mais aussi pour fournir des services de base au peuple haïtien", a-t-il affirmé.
Le Premier ministre haïtien a lui reconnu que la situation était "extrêmement complexe" mais fait part d'un certain optimisme.
"Si nos partenaires nous soutiennent et s'engagent à nos côtés, nous atteindrons nos objectifs. Les progrès que nous avons réalisés jusqu'à présent sont en fait tout à fait remarquables", s'est-il félicité.
"Moment de défi et d'espoir"
"C'est un moment de grand défi mais aussi d'espoir pour Haïti", a ajouté M. Blinken. "La prochaine étape cruciale dont nous avons parlé est la mise en place d'un conseil électoral. Nous espérons qu'il sera bientôt mis en place", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse avec le coordinateur du conseil présidentiel de transition, Edgard Leblanc Fils.
Ce dernier a assuré qu'il espérait être en mesure de "présenter" ce conseil électoral dès la semaine prochaine. L'objectif est, selon lui, d'organiser des élections en novembre 2025 et un transfert de pouvoir en février 2026.
Haïti n'a plus connu d’élection depuis 2016.
La visite de M. Blinken survient, selon Washington, à un "moment crucial" pour Haïti, pays pauvre des Caraïbes secoué par des violences sans répit couplées à une grave crise humanitaire, économique et politique.
Le gouvernement haïtien a étendu mercredi l'état d'urgence dans l'ensemble du pays.
Le secrétaire d'Etat américain se rendra également au quartier général de la Mission multinationale d'appui à la sécurité (MMAS), la force de police sous commandement kényan censée restaurer la sécurité dans la capitale notamment.
Washington, qui ne fournit pas de troupes à cette force mais en est le principal contributeur financier et en équipements, presse ses alliés d'augmenter leurs contributions afin d'assurer la pérennité de son financement.
"Gangs même pas inquiétés"
Avec quelque 400 policiers arrivés cet été, sur les 2.500 prévus à terme, la MMAS tarde à se déployer, même si les responsables assurent qu'elle a permis de reprendre "le contrôle d'infrastructures essentielles, comme l'aéroport" de la capitale, et de rouvrir des routes qui ont favorisé le retour de milliers d'Haïtiens déplacés.
Mais deux mois après son arrivée, les habitants de la capitale commencent à perdre patience face à l'absence de résultats concrets et son déploiement reste pour l'instant limité.
"Les exactions des gangs se poursuivent et les bandits ne sont même pas inquiétés", avait déploré récemment à l'AFP Watson Laurent, un chauffeur moto-taxi de 39 ans.
La venue de M. Blinken coïncide aussi avec une panne d'électricité géante à Port-au-Prince ces derniers jours, après qu'un groupe de manifestants a pris d'assaut une centrale électrique.
La violence des groupes armés avait redoublé en début d'année et poussé le Premier ministre contesté Ariel Henry à démissionner.
Jeudi soir, le secrétaire d'Etat américain se rendra en République dominicaine, pays aux relations compliquées avec son voisin haïtien.
M. Blinken y rencontrera vendredi le président nouvellement réélu Luis Abinader, quelques jours après que son pays a autorisé les Etats-Unis à saisir l'avion utilisé par le président vénézuélien Nicolas Maduro dans le cadre des sanctions américaines imposées contre Caracas.