Allemagne: les conservateurs en difficulté tentent de rebondir
Alors que les démocrates-chrétiens (CDU) de Friedrich Merz, favoris des sondages, semblaient se diriger vers une large victoire le 23 février, le tollé des derniers jours autour de leur pas de deux avec l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) injecte une dose d'incertitude.
Entre 160.000 et 250.000 personnes ont manifesté dimanche à Berlin pour dénoncer la décision la semaine dernière des conservateurs de s'appuyer par deux fois sur l'extrême droite pour tenter de faire passer des textes contre l'immigration à la chambre des députés.
Friedrich Merz a réussi la première fois mercredi et échoué de peu vendredi, ressortant affaibli politiquement de cette séquence.
En agissant ainsi, le nouvel homme fort de la CDU, décidé à droitiser le programme du mouvement après le départ de la chancelière centriste Angela Merkel en 2021, a brisé un tabou d'après-guerre dans le pays. Jusqu'alors, les partis traditionnels refusaient toute alliance au plan national avec la droite radicale.
Programme "immédiat"
Friedrich Merz entend malgré tout maintenir son cap. Il affirme vouloir avant tout réduire l'immigration et régler les problèmes des citoyens, sans se soucier du reste.
"Ce n'est pas parce que les mauvaises personnes votent les textes que ces textes deviennent mauvais", martèle-t-il.
Lors du congrès à Berlin, qui lance à partir de 11H00 GMT la dernière ligne droite de la campagne électorale, la CDU va faire adopter un catalogue de 15 mesures qu'il promet de mettre en oeuvre "immédiatement" en cas de victoire au scrutin législatif.
Les mesures visant à réduire l'immigration en constituent la colonne vertébrale et Friedrich Merz garantit "un tournant dans la politique d'asile".
Il veut notamment mettre en oeuvre la motion non-contraignante qu'il a fait voter mercredi dernier en s'appuyant sur les voix de l'AfD après que plusieurs agressions meurtrières commises par des étrangers dans le pays ont ébranlé l'opinion.
Il s'agit d'établir des contrôles permanents aux frontières, de renvoyer tous les étrangers qui s'y présentent sans papiers, y compris les demandeurs d'asile, et de placer en rétention illimitée les étrangers délinquants et "dangereux".
"Nous voulons un changement de politique en Allemagne, en matière de politique de sécurité, d'immigration et d'économie", assure Friedrich Merz dans un message pour le congrès.
Pari risqué
L'offensive des conservateurs est un pari risqué, qui vise à envoyer des appels du pied à la partie croissante de l'électorat tentée ou votant déjà pour l'extrême droite.
Elle a été lancée à un moment où la CDU plafonne, voire recule dans les sondages. Le parti est crédité désormais de 29 à 30%, contre jusqu'à 35% en fin d'année dernière.
Pendant ce temps l'AfD progresse, donnée à entre 20 et 22%, devant les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz (16 à 17%).
Le pari des conservateurs réussira-t-il ? Les dernières enquêtes ne montrent pas de progression de la droite.
L'extrême droite appelle de son côté les Allemands à voter pour l'original plutôt que la copie en matière d'immigration, tandis que la gauche, en dépit des dénégations de M. Merz, met en garde contre le risque de voir bientôt la droite s'allier à l'AfD pour gouverner le pays.
C'est ce qui a fait descendre la semaine dernière plusieurs centaines de milliers d'Allemands dans la rue pour dénoncer cette perspective, lors de manifestations qui se sont étalées sur plusieurs jours et ont culminé dimanche à Berlin. Un nouveau rassemblement est prévu lundi matin devant le bâtiment du congrès.
En mal de popularité avant le scrutin, Olaf Scholz y a trouvé un argument de mobilisation de son électorat. "Jamais avec l'extrême droite, nous nous y opposons", a-t-il lancé dimanche soir sur X.