Attentat de la basilique de Nice: le parcours de Brahim Aouissaoui détaillé devant la cour d'assises spéciale de Paris
Quand il quitte la Tunisie le 18 septembre 2020, à l'insu de sa famille, Brahim Aouissaoui a comme objectif de se rendre en France "pour tuer", affirme l'enquêteur de la Sous-direction antiterroriste (Sdat), identifié comme Sdat-268. "Il a la haine de la France", souligne l'enquêteur qui intervient en visio.
L'attentat de la basilique de Nice a été le troisième acte d'un automne meurtrier qui a débuté le 2 septembre 2020 avec la republication par Charlie Hebdo des caricatures du prophète Mahomet, le même jour que l’ouverture du procès de l’attentat du 7 janvier 2015, détaille Sdat-268.
Une semaine après la republication des caricatures, des médias proches d'Al-Qaïda appelaient à frapper la France, "porte-étendard des croisades en Europe". Le 25 septembre, un Pakistanais attaquait avec un hachoir deux personnes qui se trouvaient devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, rue Nicolas-Appert, à Paris. Le 16 octobre, un jeune Tchétchène poignardait et décapitait à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) le professeur d'histoire Samuel Paty qui avait montré en classe des caricatures du prophète.
Le 25 octobre, quatre jours avant l'attentat, un média pro Al-Qaïda, appelle à "égorger" des Français dans "leurs églises".
Sdat-268, qui déplore la "très faible coopération des autorités tunisiennes" à l'enquête, raconte le départ de Brahim Aouissaoui vers l'Europe sur une embarcation clandestine. Il débarque le 20 septembre sur l'île italienne de Lampedusa avant d'être mis en confinement, pour cause de Covid-19, sur un navire italien qui le débarque finalement à Bari, le 9 octobre, avec ordre de quitter le territoire italien sous sept jours.
En fait, Aouissaoui se rend en Sicile où il travaille dans une oliveraie.
L'enquêteur raconte qu'il fait part à ses proches dans des messages audio de son intention d'aller en France. Sur le téléphone de l'accusé, on retrouve notamment des photos d'Emmanuel Macron devant le cercueil de Samuel Paty et de l'assassin de ce dernier, Abdoullakh Anzorov.
"Assez symbolique"
Après avoir amassé assez d'argent, il quitte la Sicile pour la France, pays selon lui "des mécréants" et "des chiens", où il arrive dans la soirée du 27 octobre. Moins de 48 heures plus tard, il assassinera, en moins de 10 minutes, la paroissienne Nadine Devillers, le sacristain Vincent Loquès et la mère de famille Simone Barreto Silva.
"Il n’a pas été établi d’incitation, de la part d’un tiers, à passer à l’action terroriste, ni d’assistance opérationnelle consciente à son passage à l’acte", précise l'enquêteur. Brahim Aouissaoui aurait ainsi agi seul.
La date du 29 octobre, "assez symbolique", n'aurait pas été le fruit du hasard, selon l'enquêteur. Ce 29 octobre 2020 (le calendrier varie d'une année sur l'autre) célébrait la naissance de Mahomet, une fête importante pour les musulmans.
Après l'enquêteur de la Sdat, un responsable de l'administration pénitentiaire évoque "les multiples incidents" causés en prison par l'accusé. A l'isolement total depuis son incarcération, cela ne l'a pas empêché d'entrer en contact avec des jihadistes comme Reda Kriket, condamné à 24 ans de réclusion pour un projet d'attentat avant l'Euro 2016.
Affirmant devant les enquêteurs avoir tout oublié des faits, Brahim Aouissaoui se serait vanté en prison d'être l'auteur de l'attentat.
Le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, condamné à 16 ans de prison (il a fait appel) pour son rôle dans l'assassinat de Samuel Paty, a ainsi raconté à la Sdat que Brahim Aouissaoui lui avait dit qu'il était "fier" de "l'oeuvre" accomplie à Nice.
Dans sa déposition, lue à l'audience, Sefrioui qualifie Aouissaoui de "taré".
L'accusé qui demeure indifférent dans son box, encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Son procès doit s'achever le 26 février.