Marina Viotti et Benjamin Bernheim, stars du lyrique et des JO, réunis dans "Werther"
"Charlotte, c'est un des rôles que j'attendais le plus dans ma carrière", confie à l'AFP Marina Viotti, qui l'endosse pour la première fois. "Avec +Carmen+, c'est un des piliers dans la carrière d'une mezzo. J'avais vraiment envie d'être prête", ajoute celle qui a enflammé la cérémonie d'ouverture des JO le 26 juillet, avec le groupe de metal Gojira.
Sur le plateau, Marina Viotti et Benjamin Bernheim chantent les états d'âmes et sentiments ambivalents de ces deux amants empêchés de s'aimer, un opéra créé en 1892 inspiré du roman épistolaire de Goethe "Les souffrances du jeune Werther".
Co-produit avec la Scala de Milan, il est joué à partir de samedi au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, jusqu'au 6 avril, une première (en version scénique) dans cet établissement plus que centenaire. Dans la fosse, l'orchestre Les Siècles, jouant sur instruments d'époque, est dirigé par Marc Leroy-Calatayud.
"Emotionnellement, je n'étais pas préparée à ce que ce soit un tel chamboulement. J'ai beaucoup l'habitude de faire rire les gens, de faire des rôles légers", décrit Marina Viotti. "Charlotte, c'est affreux ce qui lui arrive: se marier par devoir, avoir cette culpabilité que quelqu'un meurt à cause de soi, quelqu'un qu'on aime, qui en plus vous fait vous sentir tout le temps coupable". "Tout ça, je le vis à travers elle."
"Ca va être une étape importante pour me faire grandir dans un nouveau répertoire", ajoute-t-elle.
La chanteuse à la double casquette lyrique-metal entend poursuivre dans cette voie et fera "quatre à cinq dates" avec Gojira sur leur tournée française (fin novembre-décembre), interprétant le titre des JO "Mea Culpa (Ah ça ira)", lequel a reçu un Grammy en février, à Los Angeles.
Elle travaille en outre à "un projet metal-baroque" qui aura "pour vocation d'aller à la fois dans des salles classiques et dans des festivals de metal", prévu, "idéalement, à l'été 2026". "C'est pas encore très défini, mais je pense qu'il y aura un orchestre, un groupe de metal, une revisite de titres baroques, de titres metal, des arrangements, des compositions".
"Il faut créer une histoire, un spectacle, un disque", ajoute l'artiste de 38 ans, qui dit "se nourrir" des deux univers.
- "Lettres de noblesse" -
Pour le ténor franco-suisse Benjamin Bernheim, interpréter "Werther" signifie d'abord "redonner ses titres de noblesse" à une oeuvre et un répertoire de moins en moins proposés au public.
"Ce que j'ai observé ces 20-30 dernières années, c'est que beaucoup de maisons d'opéra, et parmi souvent les plus prestigieuses, ont commencé à faire de moins en moins le grand répertoire français, pour faire ce qui était plus facile et qui se vendait plus". "C'est plus facile de vendre cinquante +Tosca+ que de vendre dix +Contes d'Hoffmann+."
Pour lui, Werther "est un jeune de tout temps. C'est tout simplement le mal-être d'un jeune homme amoureux, qui ne comprend pas" que Charlotte soit promise à un autre homme, Albert, "et qui devient obsessionnel".
A la cérémonie de clôture, le ténor, en noir, revêtu d'une cape transparente, avait interprété "l'Hymne d'Apollon" d'après Gabriel Fauré.
"J'ai participé à un événement historique, celui d'être au bon moment, au bon endroit dans sa carrière", s'enthousiasme l'artiste de 39 ans, qui a aussi chanté à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris.
Ses projets? Après dix années à "enchaîner les productions lyriques en Europe et aux Etats-Unis", après avoir fait ses débuts au Japon, il prévoit de se produire en Amérique du Sud et de trouver un nouveau "point d'équilibre" entre opéras, récitals avec piano et concerts avec orchestre.