A la veille des 250 ans de l'armée américaine, les vétérans craignent pour leurs avantages sociaux
En tant que vétéran, Scott Konopasek bénéficie d'un accès à la santé gratuit grâce au Veteran Affairs (VA), le ministère chargé des anciens combattants aux Etats-Unis, pays où il faut généralement avoir une onéreuse assurance privée pour accéder aux soins de santé.
"Je ne peux plus obtenir de rendez-vous médical. Le système a été brisé, pas seulement le VA, mais une grande partie du gouvernement fédéral (...) il faudra des générations pour s'en remettre", confie-t-il, une casquette "US Army" sur la tête.
Le VA, deuxième plus gros ministère après celui de la Défense, permet aux vétérans de se soigner, d'avoir une retraite ou d'aller à l'université gratuitement.
Début mai, Douglas A. Collins, ministre à la tête de ce ministère qui emploie 500.000 personnes, dont 90% travaillent dans la santé, a annoncé sa restructuration. Une note interne a fuité, selon laquelle 15% des employés du VA seraient remerciés, suscitant la colère des anciens combattants.
Privatisation de la santé
Et les vétérans ont également souffert des coupes de Doge, la Commission à l'efficacité gouvernementale chargée de tailler dans la dépense publique pilotée par Elon Musk. S'ils représentent 6.1% de la population, les vétérans constituent un quart des employés fédéraux, selon Jamie Rowen, professeure de sciences politiques à l'Université du Massachusetts.
Joe Plenzler a servi 20 ans comme Marine. Pour lui, les vétérans licenciés par Doge sont "des Américains patriotes". "Beaucoup d'entre eux servent leur pays pour la deuxième fois. Alors qu'ils soient renvoyés à cause d'une soi-disant mauvaise performance est une insulte", lâche-t-il.
Autre sujet d'inquiétude, le "Projet 2025", la feuille de route pour la refonte de l'Etat fédéral sous l'administration de Donald Trump, qui veut "privatiser les soins de santé au VA" pour "réduire les dépenses fédérales", pointe Jamie Rowen.
Or "la qualité des soins dispensés par les prestataires privés n'est pas aussi bonne que ceux dispensés par le VA", poursuit la chercheuse. Cela sera "plus cher, les temps d'attente seront plus longs et la qualité des soins moindre".
"Je ne pense pas que ce que l'administration fait aux vétérans qui se sont battus pour notre pays est juste", tonne Ydelka Schrock, 47 ans, ancienne combattante venue manifester à Washington du Maryland voisin.
"Mon mari est également vétéran, il est handicapé et souffre d'arthrite parce qu'il était parachutiste", poursuit-elle, ajoutant que les prestations dont il bénéficie "ne doivent pas disparaître".
Ydelka Schrock craint que l'accès aux soins ne devienne plus difficile faute de personnel. "Ceux qui veulent demander des prestations vont probablement avoir plus de difficultés pour trouver quelqu'un à qui parler".
"Losers"
Il y a aussi les sorties désobligeantes de Donald Tump à l'égard des anciens combattants. Il aurait, rapportait le magazine The Atlantic en 2020 qualifié les Marines tombés lors de la bataille du bois de Belleau (France) en 1918 de "nuls" et de "losers".
"Ces hommes et ces femmes servent honorablement, et maintenant ils sont abandonnés (...) par un homme qui n'a pas même pas fait son service militaire (...) un lâche. Il a traité les vétérans de +nuls+", c'est une honte", gronde John Tyler, 76 ans, ancien combattant afro-américain de la guerre du Vietnam, qui déplore l'invisibilisation des soldats noirs par l'administration.
Même constat pour Ydelka Schrock, d'origine hispanique, selon qui il y aura moins d'aspirants soldats à cause des menaces sur le VA et de la suppression des politiques de diversité et d'inclusion dans le recrutement (DEI). "Les gens ne voudront pas servir un gouvernement qui ne défend pas les intérêts de la population", dit-elle.
Samedi, lors de la parade militaire organisée par le président pour célébrer les 250 ans de l'armée américaine, elle participera à la manifestation "No Kings" contre Donald Trump, avec son mari et sa fille. La vétéran refuse de perdre espoir: "Nous sommes un peuple de rebelles!", sourit-elle.