Angoissés par la guerre, des pèlerins iraniens de La Mecque veulent rentrer chez eux
"Tous ceux qui sont ici sont inquiets pour leurs familles, leur pays, leur ville", déclare cette quinquagénaire tout de blanc vêtue, tradition oblige pour le pèlerinage de la ville sainte en Arabie saoudite.
Autour d'elle, sur une aire de repos à une heure de Kerbala, dans le centre de l'Irak, environ 400 personnes se remettent d'un long périple en autocar depuis la frontière saoudienne.
Une seule priorité: demander un partage de connexion internet pour obtenir des informations d'Iran.
Une femme, tout de noir vêtue, s'effondre en larmes. Elle est originaire de Téhéran. Un message sur son portable l'informe que son fils est porté disparu depuis les derniers bombardements israéliens sur la capitale.
Il y a aussi les funérailles organisées en son absence pour son beau-fils --un responsable officiel tué dans une frappe.
A l'inverse, d'autres femmes ne peuvent réprimer un sourire de soulagement quand elles arrivent à joindre par vidéo un fils ou un petit-fils, pour la première fois depuis la nuit passée.
"Internet coupé"
Amna Hammoudi, mère de quatre enfants, est restée deux jours dit-elle avant de finalement pouvoir parler à ses proches mardi: "l'internet était coupé, on ne pouvait pas les contacter par téléphone".
Au sein du petit groupe, la majorité sont Kurdes Iraniens originaires de Kermanshah, ville dans l'ouest de l'Iran, où les autorités ont accusé Israël d'avoir pris pour cible l'hôpital Farabi.
Après plus de dix heures d'attente, ils devront embarquer à nouveau dans dix autobus pour rallier la frontière iranienne via le poste de Mehran.
Pris par surprise par l'offensive israélienne contre leur pays et la fermeture en cascade des aéroports au Moyen-Orient, quelque 76.000 pèlerins iraniens doivent rentrer chez eux via les routes d'Irak, a indiqué à l'AFP Sami al-Massoudi, directeur de l'Autorité irakienne pour le Hajj, qui coordonne ces transferts.
Il s'agira, dit-il, de passages en plusieurs vagues, avec quotidiennement 2.500 personnes.
Depuis l'Arabie saoudite, Aziz Youssef, 55 ans et père de trois enfants, tous mariés, a appris qu'un bombardement israélien était tombé à "environ mille mètres" de sa maison.
"Ils ont frappé un concessionnaire de voitures", lâche ce commerçant de tissus, originaire de Kermanshah.
"Jusqu'à maintenant, grâce à Dieu, notre famille va bien", soupire-t-il, appelant l'Irak à accélérer les procédures "pour que nous puissions rentrer le plus vite possible".
Quand elle le peut, son épouse suit les informations à la télévision ou sur son téléphone.
"Peur pour nos proches"
"Nous avons peur pour nos proches et eux aussi ont peur pour nous", renchérit M. Youssef. "Ils nous demandent quand nous allons rentrer".
Il affirme "ne pas aimer la guerre" et espère qu'elle se termine "au plus vite".
"C'est eux qui veulent nous faire la guerre", assène-t-il, en accusant Israël. "Ils font la guerre pas seulement à nous, mais à Gaza, en Syrie", égrène-t-il.
"Et les Américains ne les en empêchent pas", pense M. Youssef.
Israël a lancé le 13 juin une offensive d'une ampleur sans précédent contre l'Iran, visant sites nucléaires et militaires mais aussi villes et quartiers résidentiels.
Plus de 224 personnes ont été tuées, et plus d'un millier blessées, selon un bilan officiel.
Téhéran a riposté avec des dizaines de drones et des salves de missiles sur des zones résidentielles, faisant au moins 24 morts en Israël.
Kadir Ansari, 70 ans, tente régulièrement de joindre ses proches par téléphone.
"Ils vont bien", souffle-t-il.
"Il y a de la peur, vous dormez dans vos maisons, et Israël bombarde", déplore-t-il.
Alors que dans les secteurs résidentiels, plaide-t-il, "il n'y a ni armées, ni bombes, rien".