Elles sont de plus en plus nombreuses dans les métiers du bâtiment, mais encore trop peu !
Plombières, carreleuses, plâtrières, menuisières… Les métiers sont désormais conjugués au féminin dans le bâtiment. La progression est lente mais réelle. Le centre de formation des apprentis du BTP du Puy-de-Dôme veut convaincre les jeunes femmes de rejoindre les métiers du bâtiment.
Seulement 28 femmes sur 750 alternants au Centre de formation des apprentis (CFA) du bâtiment et des travaux publics du Puy-de-Dôme, la marge de progression est grande. Tant sur le nombre de femmes que sur les métiers qu’elles s’imaginent pouvoir occuper.
Il n’y a par exemple aucune alternantes dans les diplômes du gros œuvre (maçons, charpentiers, coffreurs, couvreurs…). Elles se dirigent plus vers les métiers de finition « peintre majoritairement, un peu plomberie, un peu électricité » liste Catherine Fessard, responsable du développement territorial du CFA BTP à Clermont-Ferrand.
Si l’on voulait chercher une explication à ce constat, il faudrait presque remonter à l’enfance. À ce moment où l’on offre une dînette aux filles et des tracteurs aux garçons. « Les métiers du bâtiment sont des métiers genrés. Les jeunes filles ont intériorisé qu’ils ne sont pas pour elles. Au moment des choix d’orientation, elles n’y pensent même pas ».
Des freins dès l’orientationCe jour-là, Julia, 14 ans, en stage de troisième à La Montagne, est présente sur le reportage. Catherine Fessard se tourne vers elle. « Qu’en penses-tu ? ». Julia admet que si elle a entendu parler de l’apprentissage « qui est un peu moins une voie de garage », on ne lui a jamais présenté des métiers du bâtiment.
La féminisation des métiers de la construction progresse, mais reste lente :- 24 % des TPE/PME du secteur de la construction sont dirigées par des femmes, selon la Fédération française du bâtiment (FFB).- En 2022, elles étaient 13 % à travailler dans le bâtiment et 11,5 % dans les travaux publics, selon les derniers chiffres disponibles de l’Observatoire des métiers du BTP.- Elles sont plus nombreuses parmi les employés et techniciens (46,3 %) et les cadres (21 %) que parmi les ouvriers (1,8 %).- Dans l’artisanat, seules 4 % des femmes sont cheffes d’entreprises et 13 % salariées.
Pire, ajoute Catherine Fessard, « lorsque les jeunes filles, pour une raison ou une autre, veulent se diriger vers ces métiers, on les en dissuade ». Soit le système scolaire, parce qu’elles ont de bons résultats « mais c’est aussi valable pour les garçons, on a un jeune apprenti qui a dû beaucoup insister, il voulait faire maçon mais ses enseignants le dirigeaient vers une seconde générale ». Soit les parents, qu’ils soient du milieu ou non.
Réfléchir autrement la place des femmesComme Julie Biteau. Aujourd’hui, elle est l’une des deux formatrices au CFA, après dix ans en entreprise, dans le gros œuvre en plus ! « Mon père était conducteur de travaux et m’a emmenée toute petite sur les chantiers. Mais il ne voulait pas de ça pour moi ». Un bac économique et social et une année de fac d’histoire après, « j’ai osé l’affronter. Je suis partie à Égletons préparer mon bac pro STI Génie civil en un an ».
Elle commence manœuvre et finit chef de chantier au stade Vélodrome de Marseille. Aujourd’hui, elle veut bien porter la bonne parole. Mais, en dix ans au CFA, « je n’ai eu que deux filles en 2014 ! ».
Pourtant, « des femmes dans une équipe d’hommes, ça apaise. C’est cliché mais c’est du vécu, ça pacifie. C’est vraiment un plus en entreprise, d’autant que les freins physiques sont maintenant levés par des systèmes automatiques. La pénibilité n’est plus un problème dès que l’on adapte les pratiques ».
Elle ne nie pas que les entreprises ont encore besoin d’évoluer et de réfléchir autrement la place des femmes dans les métiers du gros œuvre. Par exemple en concevant des bases de vie adaptées.
Déconstruire des stéréotypes« Ce qu’il faudrait aussi, c’est qu’il y ait plus de femmes formatrices » ajoute Caroline Dolivet, électricienne et cheffe de l’entreprise Mada Elec. Comme elle, dans les métiers de la finition, les femmes sont de plus en plus nombreuses. « Surtout en seconde partie de vie, après une reconversion professionnelle. Sur 27 femmes alternantes au CFA, moins d’une dizaine sont arrivés à 17 ans » illustre Catherine Fessard. D’autant qu’il n’y a pas de limite d’âge à 30 ans si le candidat veut créer son entreprise.
Pour faire bouger les lignes, le CFA du BTP du Puy-de-Dôme a répondu à appel à projet pour tenter d’améliorer l’attractivité des métiers du bâtiment pour les femmes.
Portes ouvertes le 16 marsEn plus de la journée portes ouvertes du CFA BTP le 16 mars, ouverte à tous mais avec un accueil spécifique pour les jeunes filles, tout un programme sera mené en mars pour toucher les candidates à une reconversion professionnelle et les demandeuses d’emploi.
De la présentation des métiers jusqu’à des journées de stages sur les plateaux techniques en passant par la déconstruction des stéréotypes. « Nous travaillons pour cela avec le CIDFF, France Travail, les Missions locales, les Restos du cœur… » explique Catherine Fessard.
Et d’ajouter que « la pénurie de main-d’œuvre dans beaucoup de métiers du bâtiment ouvre des opportunités. Les femmes sont de plus en plus présentes. Les lignes bougent ».
Cécile Bergougnoux