Familles expulsées : des patrons d'hôtels dénoncent une situation "inhumaine" dans le Puy-de-Dôme
Témoins directs d’expulsions de familles, à Clermont-Ferrand, des responsables d’hôtels se désolent de devoir mettre dehors des mères célibataires, des enfants ou des personnes malades. « Les gens ont la trouille, ils sont paumés, habités par la peur », assurent-ils.
Ils représentent un graal pour les dizaines de sans-abri. L’espoir d’une nuit au chaud, d’un lit pour des enfants parfois très jeunes, un conjoint malade, une mère essorée par la rue. Faute de place, la réponse du « 115 » est souvent négative. La saturation des centres d’hébergement d’urgence a conduit le SIAO-63, le service d’accueil et d’orientation dont dépend le « 115 », à s’accorder avec plusieurs hôtels de la métropole pour ouvrir leurs chambres aux sans logements.
Des hôteliers surpris par la "brutalité" de la mesurePlusieurs d’entre eux dénoncent auprès de La Montagne le durcissement de la préfecture du Puy-de-Dôme et l’expulsion de familles. Tous ont requis l’anonymat et s’insurgent d’une « situation inhumaine ». L’un des responsables d’établissement assure qu’il ne « s’attendait pas à devoir mettre dehors des enfants si jeunes, des femmes enceintes ». « C’est brutal, comment on leur explique ? »
Car le séjour de ces résidents - « ce ne sont pas des clients », insiste un hôtelier - ne se résume pas à une réception et au ménage du personnel.
« On est là pour les aider, on est face à des situations de vulnérabilité, de violence. On n’est pas des marchands de sommeil, cela existe, mais on les accompagne au quotidien. C’est tout sauf de l’abattage. »
Ils ont senti la pression s’accroître ces dernières semaines, sans réaliser que le couperet tomberait. « On nous a dit que d’ici la fin avril, au moins une centaine de personnes sortiraient des hôtels, se désole une employée. On parle de quatre familles par semaine. » Dans un hôtel, des salariés en pleurs ne comptent plus leurs heures pour soutenir les familles. « Nous, le soir, on rentre chez nous, on ne peut pas les regarder partir sans se mettre en colère, appuie un dirigeant. Cette période est pesante. »
« Les gens ont la trouille »Photo Rémi Dugne.Dans certains hôtels, des familles ont passé des années à attendre une régularisation, avant d’être déboutées. Des enfants sont nés en France. « Un lien s’est tissé, on se voit au quotidien. Et, du jour au lendemain, on doit leur demander de partir », répètent des collègues abasourdis qui tentent de plaider la cause de certains. « Même au 115, ils nous disent qu’ils ne comprennent pas », souffle-t-on dans un hôtel.
Les bagages qui défilent dans l’entrée ont fini de propager la nouvelle dans les chambres. « Les gens ont la trouille, ils sont paumés, habités par la peur, résume un responsable. Ils ont compris que leur tour viendrait. »
Malik Kebour
Simon Antony