L'éducation des collégiens aux violences intrafamiliales passe par le théâtre dans le Livradois Forez
La semaine dernière, le rideau est tombé sur les violences intrafamiliales avec la Colonie Bakakaï. Les deux comédiennes avaient rendez-vous avec les élèves de sixième du territoire d’Ambert Livradois Forez (Puy-de-Dôme) pour apprendre à dénoncer l’indicible.
Chloé Begou et Gaëlle Jeannard ne sont pas là pour amuser la galerie. Les deux comédiennes se tiennent debout face à des siècles de patriarcat, de banalisation du sexisme et des violences psychologiques, physiques et sexuelles. La semaine dernière, les deux comédiennes sont venues mettre des mots sur ces maux avec tous les élèves de sixième du territoire (1). Elles présentaient Ceci n’est pas de l’amour, de la Colonie Bakakaï, à Ambert en scène.
Aborder des sujets délicatsLes onze scènes se sont enchaînées pendant plus d’une heure, chacune sur un thème différent. Pas de changement de costumes et peu d’accessoires : les situations de violences conjugales, de harcèlement scolaire ou de négligence parentale se succèdent sans artifices. "Ce n’est pas facile d’aborder ces questions en classe. Là, on s’appuie sur ce que les enfants voient, ce qu’ils ressentent", chuchote l’une des enseignantes installées dans le public.
À côté d’elle, les enfants restent stoïques en attendant de pouvoir exprimer leur ressenti. "Nous sommes intervenus dans les classes en amont pour leur soumettre un questionnaire et permettre une première sensibilisation sur les violences intrafamiliales", précise l’une des membres du Planning familial d’Ambert, partenaire de cette action.
Apprendre à connaître les signesÀ la fin de la pièce, les lumières se rallument, et les applaudissements timides traduisent le sentiment laissé dans la salle. Assises sur leurs chaises, les deux comédiennes reprennent chaque situation avec les écoliers nombreux à lever le doigt. On parle de consentement, de viol, d’emprise psychologique, d’injonction à la virilité, d’homophobie et de pornographie.
"Nous ne sommes pas là pour infantiliser notre public parce que malheureusement, les enfants peuvent être confrontés à ces situations très jeunes. Et ils doivent pouvoir définir ce qui arrive pour le comprendre"
Face à un garçon "craignos" qui touche les parties intimes de sa cousine, l’un des élèves considère "qu’il l’embête". Non. "Il ne faut pas minimiser, répond Chloé, jamais." L’objectif de ces rencontres est aussi d’analyser les mécanismes qui mènent au silence. "Tout le monde doit connaître les limites et ne pas avoir peur ni honte de parler, c’est une nécessité."
Identifier des interlocuteursPour cela, les interlocuteurs sont identifiés, notamment les professeurs et les infirmières scolaires, mais aussi Coralie Lheureux, référente pour les violences intrafamiliales au sein de la brigade de gendarmerie d’Ambert. "Et si la première personne à qui vous parlez ne vous écoute pas, allez en voir une autre. Vous ne devez pas rester seuls", insiste Gaëlle, avant la distribution de violentomètres adaptés à leur âge.
Ces outils ont été édités par le réseau de protection de femmes victimes de violences (Reprof) de l’arrondissement d’Ambert, à l’initiative de la venue de la Colonie Bakakaï (2). "Cette rencontre s’inscrit dans la continuité de nos actions. Pour lutter contre les violences, il faut sensibiliser un maximum de personnes, et dès le plus jeune âge", insiste Émilie Faye, responsable du service solidarité d’Ambert Livradois Forez. Une idée, qui pourrait être reprise à l’échelle du Département.
(1) Jeudi et vendredi dernier, la pièce a été présentée aux élèves de sixième des collèges d’Ambert, Saint-Anthème, Arlanc, Saint-Germain-l’Herm, Cunlhat et Olliergues.(2) Cette action a été financée par le CIAS et le Conseil départemental, à hauteur de 4.000 €.
Angèle Broquère