Allergies : se faire désensibiliser est-il une bonne solution ?
Exit les injections. Désormais, la désensibilisation s’effectue sous la langue, avec un comprimé ou des gouttes. Mais au regard de la durée du traitement (entre trois à cinq ans), vaut-elle le coup pour les personnes allergiques ? Une experte du CHU de Limoges répond à nos questions.
Dans quels cas l’immunothérapie allergénique, plus connue sous le nom de désensibilisation, est-elle intéressante ?
L’éclairage du docteur Élisabeth Bellet-Fraysse, pneumologue et allergologue au CHU de Limoges.
Toutes les personnes allergiques peuvent-elles être désensibilisées ?
« L’immunothérapie allergénique est possible dès l’âge de cinq ans et proposée sans limite d’âge pour les personnes qui souffrent d’une allergie avérée par un bilan allergologique, c’est-à-dire des tests cutanés et/ou une prise de sang. Cette allergie se manifeste par des signes cliniques gênants qui s’accordent avec les tests : rhinite persistante – et pas intermittente ou légère –, asthme, anaphylaxie [réaction généralisée avec baisse de la pression artérielle, gonflement, etc]. Chez beaucoup de personnes, le test aux acariens est positif, mais si le patient n’est pas gêné, il ne sert à rien de le désensibiliser.
La désensibilisation consiste à apporter de petites quantités d’allergènes pour modifier la réponse immunitaire vers une tolérance de l’organisme. Elle est utilisée pour traiter l’allergie aux pollens, aux graminées, aux acariens, aux hyménoptères (guêpes, abeilles), au chat et aux moisissures.
Il y a des contre-indications : un asthme non contrôlé, un cancer actif, une immunodéficience sévère, une maladie auto-immune, un démarrage au cours de la grossesse… Il faut évaluer au cas par cas. »
Est-ce que cela fonctionne ?
« On a longtemps considéré que la désensibilisation était inefficace et qu’il n’y avait pas assez de preuves scientifiques démontrant que ça marchait, or c’est le seul traitement “curatif” des allergies.
On a aussi un moment dit qu’il ne servait plus à rien de désensibiliser au chat, que la seule solution, c'était l’éviction de l’animal, mais c’est compliqué de s’en séparer. Aujourd’hui, on ne désensibilise plus pareil : les protocoles ont évolué, le dosage est plus important. Et on a de bons résultats : entre 80 et 85 % de réussite pour la désensibilisation aux abeilles, 90 et 95 % pour les guêpes. C’est moins pour les autres : plutôt 60 %. Observance, présence de plusieurs allergènes, protéines majeures ou mineures dans les pollens jouent aussi sur la réussite du traitement.
Il est possible de désensibiliser à deux ou trois allergènes, mais pas plus, et il ne faut généralement pas les mélanger : un, le matin, un autre le soir par exemple, mais pas en même temps.
En tout cas, si ça ne marche pas au bout d’un an, s’il n’y a pas d’amélioration constatée, car chez certains individus, on ne parvient pas à reprogrammer le système immunitaire, alors on arrête. »
Sous quelles formes est-elle administrée ?
« La voie par injection sous-cutanée n’est plus commercialisée en France, elle a disparu, sauf pour les hyménoptères, où elle s’effectue toutes les quatre à six semaines à l’hôpital.
Le reste se fait à domicile par voie sublinguale, avec des gouttes ou des comprimés dispersibles sous la langue. »
Est-ce qu’il y a une période idéale pour suivre le traitement ?
« Pour ce qui est des acariens et du chat, qui sont des allergies perannuelles, c’est une désensibilisation tous les jours, tout au long de l’année. Pour les pollens, c’est pré- et co-saisonnier : la personne commence deux à quatre mois avant l’exposition et poursuit pendant toute la période de présence du pollen.
Par exemple, pour les pollens du noisetier et du bouleau qui sont de la même famille, on démarre vers la mi-octobre, car la saison du noisetier débute en janvier et on s’arrête fin avril et même fin mai. Pour les graminées, fin janvier-début février et jusqu’à fin août-fin septembre. »
Quel est l’intérêt d’une désensibilisation à laquelle un patient doit s’astreindre durant trois à cinq ans ?
« Il a été prouvé qu’elle diminue l’intensité des symptômes et donc la charge thérapeutique. Cela évite l’évolution d’une rhinite persistante vers un asthme, l’aggravation d’un asthme existant vers une forme plus sévère et peut prévenir l’apparition de nouvelles allergies, d’autant qu’actuellement, les pollens changent et sont de plus en plus agressifs.
L’efficacité perdure sept à quinze ans après l’arrêt de la désensibilisation. La qualité de vie du patient est clairement améliorée. »
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Propos recueillis par Hélène PommierPhoto : Stéphane Lefèvre