"Dans tous les cas, je n’avais plus rien à perdre" : pour cet artisan, le travail devient un salut
Erwan Laurent est devenu couvreur à son compte à Courpière (Puy-de-Dôme), en 2021. Construire des toits pour les autres. Ironie du sort ou prédestination, pour celui qui n’en a pas toujours eu un au-dessus de la tête ? Car ce père de deux enfants a subi bien des épreuves par le passé, et aujourd’hui encore, continue de se battre pour ce qu’il a.
Devant son atelier, rue de l’Industrie, à Courpière, la camionnette d’Erwan Laurent arbore fièrement et en gros caractères le nom de son entreprise : L.E. Couvreur. Un métier devenu une passion au fil des années, mais qu’il a failli ne jamais exercer. Erwan Laurent est originaire de Tours. "J’ai grandi sans père." Une enfance compliquée et des conflits familiaux qui forcent le jeune garçon à peine âgé de dix ans et sa mère à passer des nuits dehors. "On nous a foutus à la rue et on a dormi dans la voiture. Ils sont forcés de déménager à Clermont-Ferrand. Dans des quartiers "un peu chauds". "J’ai fait quelques conneries, un peu de délinquance."
Une formation prestigieuse chez les CompagnonsC’est alors que sa mère décide de l’envoyer chez les Compagnons Bâtisseurs de France. Il a 13 ans. "À la base, je n’étais pas trop chaud de partir loin de chez moi. Et puis la formation coûtait assez cher." Une fois sur place, pour s’assurer que sa mère n’ait pas dépensé toutes ses économies en vain, Erwan n’a d’autre choix que de travailler. Même si, de son propre aveu, il n’est pas le plus assidu. Ses résultats trop faibles ne lui permettent pas d’accéder à la formation de charpentier, comme il le voulait initialement.
Qu’importe. Dans ce cas, il sera couvreur. Et plus qu’une profession, c’est une révélation. Malgré un premier chantier difficile.
L’endroit était vraiment insalubre, le propriétaire antipathique. Mais une fois sur ce toit en tuiles plates, j’ai tout oublié. La liberté d’être au-dessus du sol, ce sentiment d’accomplissement quand on finit son boulot. Ça m’a tout de suite plu.
Alors Erwan s’accroche. Obtient un emploi dans une entreprise de monuments historiques basée à Clermont-Ferrand. Il participe notamment à la rénovation de la basilique Notre-Dame d’Orcival, de l’église de Saint-Saturnin, et même de celle de Courpière. Mais très vite, les mauvaises habitudes reviennent, et un an et demi plus tard, l’artisan se retrouve à la rue. Et là, c’est la rechute de trop. Le rappel d’une enfance brisée. Une cicatrice qui ne guérira jamais complètement.
À ce moment-là, j’ai deux solutions. Soit j’en finis avec la vie, soit je me retrousse les manches. Dans tous les cas, je n’avais plus rien à perdre.
Alors il donne le peu qui lui reste. Et Erwan parvient à rejoindre une entreprise, où il travaillera pendant cinq ans. "Ça m’a remis sur les rails." Aujourd’hui, Erwan Laurent est à son compte. Installé à Courpière avec sa compagne et ses deux enfants, il est parvenu à reprendre sa vie en mains, et a la tête sur les épaules. Deux mains en permanence à la tâche et une tête toujours pleine de projets. La première rose en matériaux recyclés qu’a fabriquée Erwan Laurent, c’était pour la fête des mères.
"Je n’ai pas de passion. Je ne fais pas de moto, pas de foot. Ma seule passion, c’est mon boulot." Alors pour se vider la tête, le couvreur réalise des petites créations artistiques, à partir de ses chutes. Du support de téléphone au porte-clefs, en passant par le mini-bateau, tout y passe. "Dès que j’ai quelque chose dans les mains, je le transforme." Et sa pièce signature, c’est la rose. "La première fois que j’en ai fait une, c’était pour la fête des mères."Des pièces qu’il revend à la demande, mais qu’il fabrique surtout pour offrir lors de tombolas. Ou bien pour récolter des fonds pour des causes qui lui tiennent à cœur, comme le Téléthon.
Des maladies héréditaires contraignantes au quotidienCar derrière ses lunettes légèrement teintées se cache une autre blessure, intrinsèque. "Je suis atteint de deux maladies. Celle de Crohn et de cœliaque." Deux affections qui entravent son quotidien, rendant son travail parfois difficile. Le manque de moyens de sa mère durant son enfance ne lui avait pas permis de se soigner. Ainsi, depuis l’enfance, Erwan se forçait à vivre "normalement", faisant fi de ses intolérances. Mais tout a changé à la naissance de sa fille, elle aussi atteinte de ces maladies héréditaires. "Cela me pousse à faire attention, à ne pas reprendre mes mauvaises habitudes. Je dois lui montrer le bon exemple." Et de travailler toujours plus dur pour s’assurer que ses enfants aient, eux, toujours un toit au-dessus de la tête.
Fanny Rodriguez
Contact. Facebook : L.E.Couvreur.