Cet été, une louve géante veillera sur le pont Régemortes, à Moulins
Le sculpteur Thomas Monin, spécialisé dans l’art monumental, expose pour la première fois cet été dans l'Allier : une louve assise de 4,5 mètres de hauteur, sur le toit de la Maison de la rivière Allier à Moulins. L'inauguration est prévue le 3 juillet.
Pendant trois mois, Olympia veillera sur le pont Régemortes, à Moulins. Ce grand fantôme de louve assise, monumentale, de 4,5 mètres de hauteur créée par l’artiste bourbonnais Thomas Monin, va trôner, tout l’été, sur la toiture de la Maison de la rivière Allier, surplombant le pont pluricentenaire. Le regard tourné vers Moulins, elle fera face aux promeneurs et aux automobilistes qui quittent la ville, sur le pont Régemortes et sera aussi visible depuis les berges, depuis le nouveau pont…Une sculpture blanche, le jour. Le spectacle prendra tout son sens de nuit, ce fantôme de louve sera en effet luminescent, grâce aux tubes de silicone.Thomas Monin, diplômé de l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Nancy, s'est formé auprès de l’artiste chinois d’avant-garde Chen Zhen de 1994 à 2000, dont il fut l'assistant. Il a développé son concept utopique d’art animal depuis plusieurs décennies, et, crée depuis 2014, une série d’animaux fantômes luminescents à la nuit tombée.
Le projetThomas Monin dans son atelier à Gennetines avec la tête de la louve Olympia. Photos Séverine TREMODEUXCette installation invoque des références historiques, symboliques et culturelles et interroge les rapports intimes que nous entretenons avec le monde vivant et les animaux.Point de départ du projet, la concomitance, en 2024, de l’anniversaire de la Libération de Moulins et de la commémoration des 40 ans de la disparition de Simone Léveillé, résistance moulinoise. "Je l’ai découverte l’été dernier grâce à une exposition à la Malcoiffée. Née en 1919, elle était de la même génération que ma grand-mère, Marie-Louise Bultez. Je cherche actuellement à savoir si elle faisait partie de son groupe de copines, si elles se sont côtoyées dans la Résistance".
Pourquoi une louve ?Pourquoi une louve ? "Elle est porteuse de symboles", répond Thomas Monin. "C’est d’abord un symbole assez féministe, pas éloigné de la figure de la femme résistante. Une évocation de son courage. L’association du souvenir de cette héroïne, du pont Régemortes et de ce grand animal luminescent, fait apparaître la notion de franchissement. Franchir l’eau, la frontière, du jour à la nuit, de la mort à la vie, de l’obscurité à la lumière, de l’animalité à l’humanité… Chacun y verra ce qu’il voudra".
Car l’œuvre pose aussi la problématique, indissociable de son travail, de notre rapport à notre animalité et à la nature sauvage. "Ce loup ressurgissant, comment faire pour vivre avec… Nous qui avons artificialisé, sous-naturalisé le monde, nous qui nous demandons, dans nos milieux exsangues, où est passée la clé des champs. Mais elle est pourtant là, dans la coexistence pacifique avec la nature sauvage"."Ami. e, entends-tu ?". L’installation porte le nom des premières notes du Chant des partisans, mais avec la marque de l’écriture inclusive, qui constitue, selon l’artiste, "une tentative plus ou moins adroite d’inclusion des oubliées".Car la sculpture sera installée tout près de l’ancienne ligne de démarcation entre zone libre et zone occupée. Tout près du pont sur lequel passait Simone Léveillé, résistante de la première heure, lieutenant au service des Forces françaises combattantes pour transporter à bicyclette des informations cruciales. Non loin, aussi, de la rue qui porte le nom de la résistante. Et, cette louve-là, triomphante, s’imposera au regard de tous.
Remise en beautéThomas Monin dans son atelier à Gennetines. Chaque tige métallique doit être repeinte. Photos Séverine TREMODEUXD’ici là, la louve se refait une beauté, dans l’atelier de l’artiste, à Gennetines. Thomas Monin repeint en blanc, ressoude les tiges métalliques, et décape au liquide vaisselle les tubes de silicone de la sculpture créée en 2018 et déjà exposée dans plusieurs lieux. Un travail de patience, compter plusieurs heures pour un seul tube... Les quatorze éléments ligaturés entre eux seront acheminés jusqu’au toit terrasse de la Maison de la rivière, et installés avec les services techniques de la ville.
De nouveaux projets d'expo pour l'hiver prochainThomas Monin dans son atelier à Gennetines avec une partie de la louve.Après sa dernière exposition, cet hiver, à Monaco, Thomas Monin travaille sur de nouveaux projets d’exposition, à Lyon, pour l’hiver prochain.Le sculpteur, qui s’est fait connaître dans tout l’Hexagone et en Allemagne, y avait déjà exposé, notamment lors de la Fête des lumières et de la Biennale d’art contemporain.L’artiste, dont le travail intéresse des critiques d’art et des universitaires spécialisés en sciences de l’art, philosophes et écrivains, nourrit une autre envie, un pari fou : construire des loups en nombre, cette fois grandeur nature. « Cent à deux cents loups sont abattus en France chaque année. J’ai envie de les faire revenir, sous forme de fantômes de loups assis, de leur faire regarder le monde. Je vais commencer par en produire quelques-uns".Première étape, la création d’un gabarit de loup.
Il y a un travail de stylisation. Comment signifier une truffe, paraître réaliste tout en étant simple, avec une économie de moyens. Plus c’est simple, plus c’est compliqué. Et il faut cacher ce travail
Reste à trouver un endroit pour les exposer. L’artiste, dont une œuvre gigantesque, une abeille transpercée d’un clou, est exposée en permanence au Museum d’histoire naturelle de La Rochelle, recherche toujours aussi un local autour de Gennetines ou de Moulins pour abriter ses œuvres monumentales. Comme sa baleine Aurora, une de ses créations emblématiques, inspirée par le plus grand animal vivant,"Arche de Noé métaphorique", qu’il avait exposée cet hiver à Monaco.
Olympia. Sculpture de 2018. Tiges métalliques et silicone phosphorescent. Collection personnelle de l’artiste. Elle a déjà été exposée à Villejust (Essonne), au festival We Love Green (Paris), au Museum d’Histoire naturelle de La Rochelle (Charente-Maritime), à l’Abbatiale de Saint-Jean d’Aulps et sur les toitures d’Avoriaz (Haute-Savoie).
Ariane Bouhours