Pour le fondateur d'Europavox, "un festival, c'est l'incarnation du vivre ensemble"

Une année de travail pour trois jours de musique. En quoi consiste la direction d’un festival comme Europavox (28-30 juin à Clermont-Ferrand) ainsi que l’opère son fondateur François Missonnier ?

Et nous arriverons pour assister aux concerts, boire un verre, vivre l’expérience comme l’on dit désormais. Sans penser, et c’est assez normal, à tout ce qui a été mis en œuvre pour faire que ce moment soit spécial. C’est le travail d’une année qu’articule François Missonnier, fondateur et directeur d’Europavox à Clermont-Ferrand.

Votre définition d’un directeur de festival, François Missonnier ? Mon rôle est de concevoir un projet artistique, à savoir qu’est-ce que je veux présenter au public?? Ensuite, quel est le terrain de jeu – géographique, physique – pour opérer la rencontre entre le public et les artistes. Un festival, c'est la juxtaposition d’un projet artistique et de l’endroit où tu l’installes. Troisième point fondamental : comment j’ai envie d’accueillir, non pas le public, mais les publics ?

François Missonnier (à droite) ici aux côtés de l'un des programmateurs du festival, Didier Veillault. Photo Richard Brunel

C’est-à-dire ? Comment parler à ces publics en amont, leur donner envie, qu’ils se sentent bien, en sécurité, acceptés, chez eux sur le site, etc. L’an passé, Pedro Winter, dans une interview à La Montagne, a synthétisé tout cela en évoquant – ce qui peut résonner avec le contexte politique d’aujourd’hui –, « une incarnation du vivre ensemble ». Je trouve cela parfait.

Qu’est-ce qui fait que l’on est au même endroit, tous si différents et tous si respectueux les uns des autres. C’est génial de voir ça dans les attitudes et les yeux des gens. C’est ce que je veux pour Europavox. Que dans toute leur diversité, ces gens-là passent un moment de bonheur ensemble. Mon rôle est d’animer les équipes pour que tout aille dans cette direction. C’est là que je m’adresse aux personnes compétentes afin qu’elles mettent tout cela en œuvre. Si le son n’est pas bon, si tu as trop de monde, si la bière est tiède, si les files d’accueil ne sont pas assez nombreuses…, à un moment l’expérience peut devenir moins plaisante. Et puis, je suis aussi un chef d’entreprise… Donc il faut faire en sorte qu’économiquement, le festival fonctionne.

Vendredi 28 juin. Zola, Eddy de Pretto, The Libertines, Isaac Delusion, So La Lune, Melenas, Ash Olsen, Aupinard, Kid Simius, Koïkoï, Lucy Kruger & the lost boys ou encore Martha Da’ro, Par.Sek.Samedi 29 juin. Phoenix, Dionysos, La Fève, L’Impératrice, Eloi, Prince Waly, Anushka Chkheidze, Blackwave, Elizabete Balcus, Morgane Imbeaud, Sharktank, Pip Blom. Dimanche 30 juin. Shaka Ponk, Olivia Ruiz, Luther, Isha x Limsa, Solann, Uche Yara, Alo Wala, Ao, Foxhole, Jj Paulo, Loverman, Postman. 

À vos pass. Pass jour à partir de 38 euros. Pass samedi-dimanche à partir de 72 euros. Pass festival à partir de 99 euros. Tout sur europavox-festivals.com

Le festival est votre festival. Ce qui implique un engagement financier personnel ? Oui, effectivement. C’est moi qui, par exemple, en cas de déficit, fais ce qu’il faut pour remettre à flot.

À ce propos, quel est le budget et la part consacrée à l’artistique ? Le budget est d’environ 3,5 millions d’euros (2,5 pour Clermont). Si l’on évoque la part consacrée à l’artistique, concernant Clermont, le vaisseau amiral, c’est à peu près un tiers du budget. Du côté des recettes, nous avons entre 15 et 20 % de subventions (la Région et la Ville/Métropole de Clermont sont les deux principaux, puis l’Europe et le Département). Le Massif central vient de nous rejoindre également. Le reste, c’est ce que l’on appelle l’autofinancement, dont la partie principale provient des recettes de la billetterie. Entre 15 et 20 % sont assurés par le monde de l’entreprise (les sponsors d’un côté et les mécènes de l’autre, lesquels sont désormais une quarantaine…). Mais bon, la première clef, c'est vraiment le public?; il faut qu’il soit au rendez-vous.

PHOENIX @EMMA

Soit, toute une année de travail dont le résultat se mesure sur trois jours… Oui, il faut que cela se passe bien, donc il faut bien travailler, être bien entouré. Pour ce qui concerne la structuration de l’année, il y a trois temps en quelque sorte : le temps froid, nous sommes une demi-douzaine à être concernés – à partir du moment où l’on est sur un site que l’on connaît – où tu réfléchis à ces choses que tu dois faire évoluer (ça peut aller de la décoration de la scène, le nombre de files aux entrées, le positionnement des toilettes, la sélection des foodtrucks), de septembre à novembre/décembre. En parallèle, nous travaillons sur la programmation. L’ossature autour des têtes d’affiche que l’on présente avant la fin de l’année. Le temps tiède : la mise en vente, tu commences à louer ton matériel… Le temps chaud démarre avec le montage du festival, une dizaine de jours avant l’ouverture des portes. Ensuite, tout se joue là, sur les trois jours, quoi qu’il en soit. Il faut donc veiller au grain, être là… Ces trois journées, il y a un truc spécial dans la tête qui se passe.

Il reste un espace pour le plaisir ? Oui?! Et heureusement?! C’est très touchant de voir les gens en extase devant un groupe qu’ils ne connaissaient par la veille, où stupéfaits devant Zaho de Sagazan comme l’an passé. Tu prends ton pied de vivre ces moments.

Vous évoquez là, la programmation, quel est votre rôle dans ce qui fait le moteur du festival ? Je suis l’animateur d’un comité de programmation constitué de quatre personnes, en l’occurrence Didier Veillault, Ludovic Lefrançois, François Audigier et Perrine Delteil.

Vous êtes celui qui tranche ? S’ils sont unanimes (*), je les écoute même si mon choix aurait pu être différent (sourire). Le comité est fait de personnalités tellement différentes et complémentaires que ça fonctionne parfaitement.

Justement, quand pouvez-vous dire qu’un festival se termine et qu’un autre débute ? C’est une boucle sans fin en quelque sorte. Une édition démarre lorsque tu fermes les portes de la précédente. Je me balade alors avec mon calepin mental pour “noter” ce qui m’a plu, ce qui a fonctionné, ce que l’on peut faire évoluer, etc. Je laisse dormir ensuite jusqu’à l’automne pour reposer le squelette de la suivante.

L’édition prochaine est donc déjà engagée ? Oui, nous avons déjà regardé des choses?; nous suivons les mouvements du secteur et commençons à avoir des idées, même s’il n’y pas encore d’offres fermes et de confirmations. Mais ça débutera réellement début septembre. 

Julien Dodon