Artemise, le recyclage à plein tube
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Fondée en 2011 et opérationnelle depuis 2014, cette entreprise auboise est devenue l'experte française du traitement des lampes et tubes fluorescents, en exploitant les matériaux résiduels pour leur donner une seconde vie.
Voilà un département qui porte bien son nom. Dans l'Aube, une jeune société a pris le pari de se placer à l'avant-garde du recyclage d'un certain type de D3E, comme on appelle communément les déchets d'équipements électriques et électroniques. Bienvenue à Vulaines, à une quarantaine de kilomètres de Troyes, sur le site industriel d'Artemise. L'entreprise, accompagnée par Bpifrance depuis ses débuts, est membre de la communauté du Coq Vert, qui regroupe des entreprises engagées dans la transition énergétique. "Nous sommes aujourd'hui le leader français du traitement des lampes usagées, des tubes fluorescents, tous ces équipements classés comme dangereux qui détiennent du mercure, dont les résidus sont impropres à l'environnement et présentent des risques sanitaires, indique Laure Clerget, directrice de cette usine où s'affairent 30 collaborateurs. Nous recyclons 2 900 tonnes par an de tubes et de lampes, qui proviennent de toute la France, y compris des territoires d'outre-mer."
Ici, pas de flotte de poids-lourds pour la collecte des déchets. Leur acheminement jusqu'à l'usine relais auboise est assuré exclusivement par l'éco-organisme Ecosystem, qui dispose du monopole de la récupération des bacs issus de déchetteries, de professionnels de l'électricité, d'industriels... "Toutes les semaines, nous recevons et déchargeons des camions. Commence ensuite une phase de stockage et de tri des flux, décrit Laure Clerget. Il faut s'imaginer qu'arrivent ici des poubelles également chargées de piles, cartouches d'encre, d'autres types de D3E comme des perceuses usagées, ou même de tickets de caisse. Une fois passé entre les mains de nos opérateurs de tri, ce flux va suivre notre procédé de recyclage."
Des taux de recyclage supérieurs à 80 %Ce dernier s'avère particulièrement innovant. Il permet en effet de recycler ces dispositifs d'éclairage mercuriels à plus de 90 % et d'obtenir divers matériaux : du verre bien sûr, mais aussi des métaux ferreux et non ferreux, des aluminiums, des plastiques. "La fraction plastique part alors en incinération, puisqu'il y a du brome, ce qui le place comme déchet dangereux, révèle la directrice d'usine. Les poudres fluorescentes vont quant à elles partir en démercurisation et subir un processus de chauffage à 800 degrés pendant huit heures. Tout ceci représente un coût important, d'autant que nous garantissons une traçabilité des déchets sur le sol français et via des filières appropriées." En contrepartie de ces postes de dépenses, le modèle d'Artemise repose sur la revente de déchets revalorisés en bout de chaine à des fonderies, affineurs de métaux, professionnels du verre, etc. La société revendique un taux de revalorisation à hauteur de 85 % pour les lampes et de 96 % pour les tubes fluorescents, grande source de matières premières pour l'industrie hexagonale.
Derrière son nom qui renvoie à la déesse grecque de la chasse et de la nature sauvage, se cache un acronyme. Artemise, pour Aube Recyclage et Traitement d'Éléments Mercuriels Issus de Sources d'Éclairage, existe juridiquement depuis 2011, mais le site opérationnel de Vulaines fête quant à lui ses dix ans en ce printemps 2024. À la tête de cette PME, Jean-Marie Bailly, un électricien qui avait créé puis revendu une première société. Au début de la dernière décennie, l'économie circulaire n'est pas encore un terme entré dans le langage courant ni un champ d'activités très exploré, mais l'entrepreneur pressent que la revalorisation et le réemploi de déchets mercuriels revêtent un enjeu à la fois de développement durable et de santé publique. Une idée avant-gardiste puisqu'au-delà de l'impact environnemental, le schéma d'Artemise s'avère également vertueux économiquement. Après plusieurs années passées à, d'une part, rembourser le crédit-bail souscrit auprès de la communauté de communes du pays d'Othe et, d'autre part, consentir de grands efforts financiers pour améliorer l'ergonomie des postes opérationnels et dévoiler un plan d'action afin de décarboner son activité, Artemise dégage enfin des bénéfices. Si, au niveau du capital, le fondateur est toujours majoritaire à ce jour, en 2016, le fonds BTP Capital Investissement a rejoint l'aventure.
Porter l'économie circulaire à l'échelle d'un territoireLa PME, qui sera pleinement propriétaire des murs de son site industriel en 2026, continue d'investir en R&D, avec notamment dans le viseur le recyclage de lampes à LED, "LE défi à horizon 2030", selon la directrice du site. "L'objectif pour nous, c'est d'adapter notre procédé pour pouvoir continuer à nous montrer indispensables demain, lorsque les tubes au mercure auront disparu des usages." En plus de sa participation à la communauté du Coq Vert, Artemise est par ailleurs particulièrement bien implantée dans son tissu local. Son dirigeant Jean-Marie Bailly siège au Medef de l'Aube alors que Laure Clerget préside le club d'écologie industrielle du département, une association qui réunit une trentaine de manufacturiers locaux dont Michelin ou Bonduelle. "L'intérêt de ce club, c'est que les déchets des uns peuvent devenir des ressources pour les autres, développe Laure Clerget. C'est ça, l'économie industrielle et territoriale, dans laquelle nous nous inscrivons. Par exemple : j'ai des résidus plastiques, est-ce qu'ils ne peuvent pas convenir à un process de fabrication pour l'usine d'en face ?" Quoi de plus logique que d'intégrer des cercles de réseaux, pour valoriser l'économie circulaire ?
Cet article a été publié initialement sur Big Média Artemise, le recyclage à plein tube