La chronique politique de Chloé Morin : "La responsabilité des sondeurs est majeure, peut-être plus que jamais"

Nous entrons dans la dernière ligne droite de cette campagne inédite, largement dominée par la peur. Peur du RN à gauche, peur de La France insoumise à droite, peur des extrêmes au centre.L’antisémitisme et la violence extrême dominent le débat public, la crainte d’un effondrement économique ou bien de hausses d’impôts massives transpire partout.

Dans la grande lessiveuse médiatique, nous voyons surgir nombre de sondages, pourcentages, projections, les chiffres valsent et plus personne ne sait où donner de la tête. Le RN peut-il vraiment gagner ? Oui, pour 73 % des Français.

Mais se rend-on vraiment compte de ce que serait le RN au pouvoir ? J’en doute.

Car les Français croisés par les candidats en campagne semblent aussi hébétés qu’angoissés, comme si le film qui se déroule devant eux leur paraissait trop incroyable pour être réel. Nous vivons au cœur d’une série dont nul n’aurait osé écrire le scénario. 

Dans cette campagne purement émotionnelle, tout se jouera sur la capacité des modérés de chaque bord à mettre de côté leur colère envers un Emmanuel Macron dont ils ne comprennent pas la stratégie, pour comparer froidement les menaces. Pour les accompagner dans leurs choix, le rôle des médias est essentiel. Comparer les programmes, passer les propositions au crible, tester la solidité des candidats. Mais la responsabilité des sondeurs est elle aussi majeure, peut-être plus que jamais compte tenu des risques encourus, et de la brièveté de la campagne. À ce compte-là, nous mesurons que la faible culture statistique de beaucoup de journalistes politiques (et des Français plus encore) peut contribuer à épaissir le brouillard plutôt qu’à éclairer les enjeux.

Sachez, chers lecteurs, qu’il est très tôt pour établir des projections en sièges (pour des raisons méthodologiques et des questions de temps nécessaire pour modéliser les résultats).

Les instituts sérieux qui s’y risquent commencent tout juste à le faire et insistent sur le fait qu’avant des législatives, les projections sont encore très fragiles. Il ne faut donc ni se rassurer à bon compte, ni se décourager à ce stade de la campagne. Il faut tenter, si c’est possible, de regarder les options qui se présentent à nous froidement.Et surtout voter, voter en conscience dimanche prochain. Car tout risque de se jouer dès le premier tour pour le camp de ceux que l’on dit les « modérés ».

Chloé Morin