De l'époque gallo-romaine à nos jours, la place des Carmes livre ses secrets à Clermont-Ferrand

Dévoiler le passé de la place des Carmes. Voilà le défi qu’archéologues, anthropologues et autres experts sont en train de mener sur site, jusqu’en novembre.

Dévoiler les vestiges du passé pour en apprendre le plus possible sur ceux qui nous ont précédés, avant qu’ils ne disparaissent. Tel est l’objectif de la mission d’archéologie préventive déclenchée place des Carmes, à Clermont-Ferrand. De nombreux éléments découverts en disent déjà plus sur ceux qui ont vécu ici il y a des centaines d’années.

Au milieu du chantier de fouilles, un mur gallo-romain jouxté par des lambeaux de murs, probablement médiévaux, sert d’illustration à Jérôme Besson, archéologue et responsable d’opération, rattaché à Archeodunum SAS : 

Il y a un enchevêtrement de structures des différentes périodes. Notre travail, c’est de démêler tout ça, comprendre ces aménagements, ce qu’on a fait ici

Un travail qui s’inscrit dans la continuité de 2019, où une première phase a conduit à se poser cette question : « Est-ce qu’aux Carmes on est encore dans la ville antique ou est-ce qu’on est à la campagne?? La limite se situe dans ce secteur ». Les fouilles révèlent une densité de structures. « On est donc dans un secteur périphérique à la ville, mais clairement aménagé. Pour le moment, on ne peut pas répondre avec certitude. Est-ce que les personnes étaient plus tournées vers l’agriculture ou bien vers la vie urbaine?? »

Au Moyen-Âge, le secteur des Carmes est à tendance rurale, entre les villes de Clermont et de Montferrand. Il est marqué par la présence d’édifices religieux, notamment l’abbaye de Chantoin. Cette occupation médiévale en train d’être mise au jour montre qu’on est ici aux environs du XIIe siècle, avec certainement des lambeaux de bâtiments et particulièrement des silos. Ces gros trous creusés dans le sol, en forme de poire, servent à conserver les récoltes.

« On a une aire d’ensilage, avec une bonne quinzaine, voire vingtaine de silos. Il y en aura plus au fil de nos recherches. Ils sont peut-être à mettre en relation avec la présence de cette congrégation. Est-ce que ces structures d’ensilage sont en lien avec la présence de couvent ou d’abbaye, ou plutôt en lien avec des moulins qui étaient là pour traiter les récoltes et qui jalonnaient le cours de la Tiretaine?? Elle devait en effet passer à quelques centaines de mètres », s’interroge Jérôme Besson.

Un peu plus loin sur le chantier, deux collègues du responsable d’opération se livrent à un travail minutieux de mise au jour de sépultures. Il faudra attendre de dégager les murs et voir ce qu’il y a dessous pour pouvoir les dater. Les ossements vont être étudiés, en particulier par l’une de ses collègues, anthropologue, qui se penchera sur les soins apportés à ces sépultures et les datera.

Il faudra voir comment les corps se sont décomposés : dans des vêtements, des linceuls, en pleine terre, dans un cercueil… Un collègue paléopathologiste pourra également identifier s’il y a eu des maladies ou des traumatismes.

Dans plusieurs zones de la fouille, les équipes ont découvert une multitude de petits fragments d’os. « Peut-être que quelqu’un travaillait l’os (animal), pour fabriquer des épingles, des charnières pour de petits coffres… On pourra peut-être prouver la présence d’un atelier de tabletier ici. Ces os, glanés un peu partout sur la fouille, permettront également de savoir ce qu’on mangeait à l’époque. »

Idem avec la diversité de tessons, avec ici un reste de cruche, là de la vaisselle de service avec de la sigillée (de Lezoux), là plutôt de la belle vaisselle vernie produite dans la vallée de l’Allier. Les nombreux tessons de poterie seront récupérés pour obtenir des éléments de datation. « La vaisselle a évolué en fonction de modes », abonde Jérôme Besson.

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Ils sont une dizaine à fouiller aux Carmes. L’équipe va se renforcer dans les prochaines semaines pour explorer ces 3.200 m². Le temps est compté.

Un peu plus loin encore, sous le viaduc, les vestiges commencent tout juste à émerger. Notamment ceux d’une canalisation en terre cuite gallo-romaine. On est aussi sur une possible voie. Beaucoup de questions sont en suspens. Les experts ont jusqu’en novembre pour en découvrir le plus possible.

Les travaux ont débuté par un décapage le 13 mai dernier, place des Carmes. L’équipe de fouilles est arrivée deux semaines plus tard. La première phase se poursuivra jusqu’au milieu de l’été. « On va reboucher, puis décaper la zone située sous le viaduc », indique Jérôme Besson.

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La deuxième phase débutera à l’automne. Lors de la troisième, les équipes surveilleront les travaux d’enfouissement de réseaux prévus rue du Souvenir français. Le travail de terrain va durer jusqu’à début novembre. « Après, on a deux ans d’étude où intervient un cortège de spécialistes et d’experts. »

Texte : Gaëlle Chazal Photos : Thierry Lindauer