Ultraconservateur ou réformateur, quel président pour l'Iran après la mort de Ebrahim Raïssi ?

Le second tour des élections présidentielles anticipées se déroule aujourd’hui en Iran. D’un côté un candidat ultraconservateur, de l’autre le souffle d’un vent réformiste.

La République islamique d’Iran connaîtra demain le nom de son prochain président pour les quatre prochaines années. Un mois et demi après la disparition du  président Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère, cette nouvelle élection intervient précipitamment. Un premier tour organisé le 28 juin dernier entre quatre candidats a permis à deux d’entre eux de se qualifier. D’un côté, le candidat réformateur Massoud Pezeshkian arrivé en tête avec 42,4 % des voix. De l’autre, Saïd Jalili, 38,6 % des voix, connu pour ses positions ultraconservatrices.

Des candidats triés sur le volet

Seuls quatre des 80 Iraniens enregistrés pour se porter candidats aux présidentielles ont pu accéder au scrutin. « Les candidats sont préalablement triés par le Conseil des Gardiens de la Constitution », explique la sociologue Amélie-Myriam Chelly. Parmi les critères, « la reconnaissance de l’autorité du guide suprême », l’ayatollah Ali Khamenei qui est à la tête de l’État. 

Massoud Pezeshkian, candidat réformateur

Ce vendredi, 61 millions d’Iraniens choisiront qui de Massoud Pezeshkian ou de Saïd Jalili prendra la tête de l’exécutif. Massoud Pezeshkian, est député réformateur au sein d’un Parlement dominé par les ultraconservateurs. Au cours de sa campagne, l’homme de 69 ans « n’a pas hésité à évoquer certains thèmes sensibles touchant aux mœurs », précise Thierry Coville, chercheur à l’IRIS (*). Parmi eux, la question du port du voile qui cristallise la société iranienne depuis la mort de Mahsa Amini, tuée par la police des mœurs en 2022. 

Saïd Jalili, un ultraconservateur

Face à lui, Saïd Jalili, 58 ans, est identifié comme ultraconservateur. À l’inverse de Pezeshkian qui défend le projet d’une Iran plus ouverte sur l’Occident, lui est farouchement opposé aux États-Unis. Il s’était opposé aux accords nucléaires conclus en 2015 avec les États-Unis restreignant l’activité nucléaire iranienne.Malgré leur opposition marquée, les deux candidats restent fidèles à l’autorité de l’ayatollah Ali Khamenei. Amélie-Myriam Chelly rappelle à ce sujet que ce dernier avait pris la parole avant même l’élection « pour rappeler que peu importe le résutat de l’élection, la politique de soutien aux milices voisines et notamment au Hezbollah libanais ne changerait pas ».

La désillusion du peuple iranien

Après un premier tour marqué par une abstention record de 60 %, l’ayatollah Ali Khamenei a appelé mercredi les électeurs à se rendre aux urnes. Sous le signe d’un « scepticisme grandissant » envers le pouvoir, la population iranienne semble « abandonner la perspective d’un changement », constate Thierry Coville. Plusieurs figures de l’opposition ont ainsi appelé au boycott du scrutin, considérant conservateurs et réformateurs comme les deux faces d’une même médaille. 

« La population iranienne semble abandonner la perspective d’un changement »

Pour le chercheur à l’IRIS, « cette déception est notamment due à la profonde crise économique qui touche le pays ». Largement dépendante du pétrole qui représente 20 à 30 % des recettes budgétaires de l’État, l’Iran souffre du rétablissement des sanctions sur le pétrole après le retrait des États-Unis des accords sur le nucléaire en 2018. Le pays connaît depuis une inflation galopante de 40 à 50 % chaque année. Face à un chômage élevé et un taux de pauvreté de 22 % dans le pays selon la Banque mondiale, la population iranienne peine à retrouver confiance dans ses institutions.

(*) Institut de relations internationales et stratégiques. 

 

Victor Delair