En Haute-Loire, les dernières analyses des cours d’eau montrent un recul de leur qualité

Les abondantes précipitations de ces derniers mois ne doivent pas faire oublier la santé fragile des cours d’eau suite au déficit hydrologique de 2022 et 2023.

Les services du Département avaient choisi dernièrement de se retrouver sur les bords de la Gagne à Peyrard (Saint-Germain-Laprade) pour parler qualité des cours d’eau en Haute-Loire et dresser un bilan de celle-ci en 2023. Là où l’on enregistrait en juillet 2022 à cet endroit un débit de 70 litres/seconde, voire un peu plus l’an passé, ce ne sont pas moins de 3.500 litres/seconde qui étaient relevés sur cette même rivière à la suite des orages de jeudi. En juillet, il coule en moyenne 400 litres/seconde sur La Gagne. La semaine dernière, le débit a donc été multiplié par dix en quelques heures. Ces très grandes variations de débits influencent la qualité de l’eau sous l’effet de la dilution, de la température, des ruissellements et des apports divers.

Depuis plus de 30 ans le Département de la Haute-Loire dispose d’un réseau qui surveille la qualité des cours d’eau (au sens écologique) et leur capacité à héberger de la vie. En 2023, 46 points de mesure étaient établis, 272 prélèvements réalisés (sur 26 cours d’eau). Chaque année est proposé un focus sur l’un des trois bassins- versants : Loire, Lignon, Allier. C’est sur ce dernier que l’accent était mis l’an passé. Sont pris en compte des paramètres physico-chimiques tels que température, PH, nitrates, phosphore… Des paramètres biologiques : invertébrés (meilleure est l’oxygénation, plus ils sont nombreux), diatomées (algues), poissons. Ces indicateurs permettent de classer le cours d’eau dans une catégorie, du très bon au mauvais.Ces suivis viennent compléter ceux réglementaires pilotés par l’Agence de l’eau. La pollution ou un débit insuffisant peut expliquer le mauvais état d’une rivière.« En 2022, année de grande sécheresse, la température est apparue comme un facteur très déclassant de la qualité, ce qui jusqu’ici était encore un peu masqué. 2022 pourrait représenter une moyenne de ce que l’on connaîtra dans les prochaines années », analyse Rémi Massardier chef du pôle eau assainissement rivière au sein d’Ingé 43, l’agence d’ingénierie des territoires mise en place l’an dernier par le Conseil départemental. En 2023, comme en 2022, seulement 54 % des sites suivis présentaient une bonne qualité de l’eau. La situation était encore plus préoccupante en observant les différentes espèces : 34 % des sites suivis affichaient un bon état écologique. Les résultats étaient toutefois moins alarmants qu’en 2022. Le Brivadois a été particulièrement affecté par la sécheresse l’an dernier, avec des cours d’eau complètement à sec. Le Céroux (Vieille-Brioude) est resté sec durant plusieurs mois. Si l’état écologique physico-chimique était globalement meilleur en 2023 par rapport à 2022, il était constaté une détérioration sur le plan biologique. « La casse sur les poissons s’est retrouvée sur 2023. On n’a pas eu de crue amenant un nettoyage des fonds et la réoxygénation des sédiments », indique Ludovic Beyeler, hydrobiologiste à Ingé 43, référent cellule rivières.Le Département produit un document de synthèse sur la qualité des rivières avec l’Agence de l’eau et d’autres partenaires.Dans le document de synthèse publié par le Département* auquel a participé le laboratoire Terana, la Fédération de pêche ou encore l’Office Français de la biodiversité, on peut lire par exemple concernant la Loire : « Un état écologique biologique très bon pour la station la plus en amont. L’indice biologique diatomées s’avère ensuite mauvais à l’aval du Puy-en-Velay en période automnale. Pour les affluents de la Loire, des états globalement moyens à médiocres notamment pour les stations du bassin-versant de la Borne ».Martin Gutton, directeur de l’Agence Loire Bretagne rappelle : « Il convient de sécuriser l’alimentation en eau. L’agence a travaillé à des accords de résilience en lien avec les collectivités, pour la protection des captages, la recherche des ressources, l’interconnexion. Six accords ont été signés en Haute-Loire ». Les têtes de bassin comme dans le département payent un lourd tribut au changement climatique et aux hivers secs.La présidente Marie-Agnès Petit, précise que le Département, même s’il n’a pas la compétence sur l’eau veut être « un facilitateur », agir que la qualité des cours d’eau, lutter contre les réseaux fuyants, remédier aux problèmes d’approvisionnement (37 communes ont dû être alimentées par citerne en 2022) grâce aux interconnexions.« Face au changement climatique, il faut essayer de se projeter », propose Martin Gutton. Les contrats territoriaux signés par l’Agence de bassin sont là aussi pour restaurer les berges, en les arborant. Les ripisylves participent au bon état du cours d’eau : stabilisation des berges, atténuation des inondations, amélioration de la qualité de l’eau, refuge de biodiversité, corridors écologiques… La végétation permet de baisser de 1,5 à 3°C la température de l’eau. 

Philippe Suc

(*) Les données sont accessibles depuis le portail cartographique du département https ://car to.hauteloire.fr/Rubrique eau et assainissement.

Ne pas oublier les têtes de bassins et leur besoin d’eau

Face aux situations « d’à sec » prolongées et de plus en plus fréquentes, il convient de s’interroger. D’autant plus que la Haute-Loire est très sensible avec peu de réserves souterraines du fait des sols granitiques et volcaniques. « On avait jadis l’habitude en zone de montagne d’avoir un peu de pluie durant l’été. Or, nous avons de l’air chaud y compris la nuit. La conséquence, c’est que la vie piscicole, et la flore sont abîmées », regrette Nathalie Rousset, déléguée à l’eau au sein du Département, conseillère départementale du canton du Mézenc, très engagée sur la thématique de l’eau et qui rappelle que la Haute-Loire loin de l’estuaire « a aussi des besoins ». Il reste aussi beaucoup à apprendre du milieu naturel. Le Lac du Bouchet en est un bel exemple. Le suivi des hauteurs d’eau mis en place en août 2022 a permis de constater qu’il n’y avait pas de lien systématique direct entre le niveau du plan d’eau et la pluviométrie. Le mois dernier, malgré le record de pluie enregistré au Bouchet (depuis 1950), le lac n’a pas retrouvé son niveau de plein bord !