La voiture autonome, c'est pour demain ?

De nombreuses voitures offrent aujourd'hui des systèmes de conduite autonome, mais des technologies plus avancées sont déjà en cours d'expérimentation. Eclairage sur un marché en pleine mutation et état des lieux de la conduite autonome en 2024.

Tous les feux sont-ils au vert pour le développement de la voiture autonome ? Si depuis septembre 2022, les Français peuvent se munir de voitures d'une autonomie de niveau 3*, le marché semble manquer de maturité pour un développement plus profond de la technologie. Experts mandatés dans le cadre du projet DEMAIN soutenu par Bpifrance, Salah Eddine Echatoui et Vincent Roque ont dressé l'état des lieux et les perspectives possibles de la voiture autonome.  

Qu'est-ce que la voiture autonome ? 

Certains parlent de voiture intelligente, qui se conduit seule, qui roule toute seule... d'autres parlent de véhicule automatisé, sans conducteur, à délégation de conduite ou à pilote automatique... La voiture autonome, pour concilier toutes ces appellations, est un véhicule capable de se déplacer sans intervention humaine. Les technologies utilisées reposent sur des systèmes d'anticipation des comportements des autres usagers de la route et de cartographie en haute définition de l'environnement extérieur.   

Quels sont les différents niveaux de voiture autonome ? 

Les véhicules autonomes sont classés selon différents niveaux d'autonomie qui vont de 0 à 5.  

Le niveau 0 ne comprend pas assistance à la conduite, ce qui veut dire que le conducteur est entièrement responsable du contrôle du véhicule. Au niveau 1, certaines fonctions comme le régulateur de vitesse ou l'ABS (système anti-blocage des roues) assistent le pilote, mais la direction reste manuelle. Le niveau 2 offre une autonomie partielle où le système peut prendre en charge l'accélération, le freinage et la direction sur certaines routes. Le niveau 3 permet une conduite autonome limitée, où le conducteur doit être prêt à reprendre le contrôle en cas de problème. Le niveau 4 représente une autonomie quasi complète sur certains types de routes, comme les autoroutes, sans intervention humaine. Enfin, le niveau 5 correspond à une autonomie complète, où le véhicule peut se déplacer sans pilote sur n'importe quel type de route. 

Ces distinctions, qui résident dans le niveau d'indépendance de la voiture par rapport au conducteur permettent de différencier les voitures autonomes des voitures semi-autonomes.    

Voiture autonome de niveau 1 

Les voitures autonomes de niveau 1 représentent l'entrée de gamme de ces types de véhicules. Elles sont équipées de systèmes d'assistance à la conduite qui peuvent prendre en charge certaines fonctions, comme le régulateur de vitesse ou l'ABS, mais elles nécessitent toujours que le conducteur soit actif et attentif derrière le volant. Contrairement aux niveaux supérieurs d'autonomie, le pilote doit toujours gérer la direction du véhicule et être prêt à intervenir à tout moment.   

Voiture autonome de niveau 2 

Les voitures autonomes de niveau 2 sont déjà une étape importante dans la montée en gamme des véhicules autonomes. Les voitures autonomes de niveau 2 sont capables d'effectuer certaines actions de conduite sans une quelconque intervention du conducteur, telles que l'accélération, le freinage et le maintien de la trajectoire sur route. Cela revient à dire que, dans certaines conditions précises, le conducteur peut lâcher le volant et laisser la voiture gérer ces aspects de la conduite à sa place. Cependant, il doit rester attentif et se tenir prêt à reprendre le contrôle du véhicule à tout moment. 

Les voitures autonomes de niveau 2 combinent des fonctionnalités comme le régulateur de vitesse adaptatif et l'assistance au maintien dans la voie. Par rapport aux voiture autonome de niveau 2, la sécurité est améliorée grâce à la détection de dangers. Cette technologie est particulièrement utile dans les situations où le conducteur peut être amené à plus de fatigue : trafic dense, longs trajets sur autoroute.    

Voiture autonome de niveau 3 

*Les voitures autonomes de niveau 3 représentent une avancée significative dans le domaine de l'automatisation et plus globalement de la mobilité. Ces véhicules sont dotés de systèmes avancés de détection des dangers et de perception de l'environnement qui leur permettent de prendre le contrôle complet de la conduite dans certaines conditions, tout en nécessitant la supervision d'un conducteur humain prêt à intervenir si nécessaire. Les pilotes peuvent donc déléguer la conduite du véhicule dans des situations comme les embouteillages ou sur de longs trajets. Ces voitures sont souvent plus efficaces sur le plan énergétique, contribuant ainsi à une réduction de l'empreinte environnementale.   

Voiture autonome de niveau 4 

Les voitures autonomes de niveau 4 sont capables de gérer la majorité des situations de conduite sans intervention humaine, bien que le conducteur doive rester prêt à reprendre le contrôle si nécessaire. La technologie est si avancée que le véhicule peut naviguer dans des environnements urbains complexes, comme des zones de construction ou des rues très fréquentées. Les systèmes de niveau 4 utilisent une combinaison de capteurs, de caméras et d'intelligence artificielle pour interpréter les données de l'environnement, prendre des décisions de conduite et apprendre de nouvelles situations pour améliorer continuellement leurs performances.   

Voiture autonome de niveau 5 

La voiture autonome de niveau 5 représente la technologie la plus avancée dans le domaine de la mobilité. Ce type de véhicule est capable de fonctionner sans aucune intervention humaine, quelle que soit la situation ou l'environnement. Cela signifie que le conducteur peut se livrer à d'autres activités, comme lire ou regarder un film, pendant que la voiture s'occupe de la navigation, la gestion du trafic, et même des conditions routières complexes. Les bénéfices de cette technologie sont vastes, allant de la réduction des accidents de la route causés par l'erreur humaine à l'optimisation des flux de trafic, ce qui pourrait conduire à une diminution significative des embouteillages et de la pollution. Les voitures autonomes de niveau 5 sont également susceptibles de changer radicalement l'urbanisme et la planification des villes, car les besoins en stationnement et en infrastructures routières pourraient être réduits.   

Quel est le rôle de l'intelligence artificielle dans les voitures autonomes ? 

L'intelligence artificielle (IA) joue un rôle central dans le développement des voitures autonomes, car c'est la collecte et l'analyse des données de conduite qui permet aux véhicules en étant pourvus de percevoir, d'analyser et de réagir à leur environnement. Grâce à l'IA, ces voitures peuvent traiter d'énormes quantités de données en temps réel. Et ce, via de capteurs variés comme les caméras, les radars et les lidars (télédétection par laser, ndlr), pour comprendre leur environnement immédiat et prendre des décisions de conduite sûres et efficaces, par rapport à la voirie, les autres usagers. L'intelligence artificielle  permet aux véhicules de reconnaitre les panneaux de signalisation, de détecter les obstacles, de naviguer dans le trafic complexe et d'adapter leur comportement en fonction des conditions routières. Elle est également essentielle pour le développement de systèmes de conduite autonome fiables et robustes, capables de fonctionner dans diverses conditions météorologiques et géographiques. Également, l'IA contribue à améliorer la sécurité routière en réduisant les erreurs humaines, qui sont responsables d'une grande partie des accidents de la route.   

Voitures autonomes : des problématiques juridiques et éthiques complexes 

L'utilisation de voitures autonomes soulève des problématiques juridiques complexes, notamment en ce qui concerne la responsabilité en cas d'accident. La question de savoir qui est responsable - le fabricant, le propriétaire du véhicule, ou le concepteur du logiciel - reste débattue et pourrait nécessiter une réforme législative pour adapter les règles de responsabilité civile et pénale aux spécificités des véhicules autonomes. De plus, la sécurité des passagers et des autres usagers de la route est un enjeu majeur, nécessitant des systèmes de sécurité performants et régulièrement mis à jour pour garantir leur fiabilité. 

Sur le plan éthique, les voitures autonomes posent des questions fondamentales, comme la prise de décision en cas de dilemmes moraux. Par exemple, en cas d'accident imminent, le véhicule doit-il privilégier la sécurité de ses passagers ou celle des piétons ? Cette problématique est exacerbée par le fait que les décisions du véhicule sont prédéterminées par des algorithmes, ce qui soulève des inquiétudes quant à l'absence de libre arbitre et la dépendance à des critères scriptés dans le code source de la voiture.

Véhicule autonome : des difficultés techniques à surmonter   

Quand va sortir la voiture autonome ? Pour les constructeurs, envisager une démocratisation des véhicules autonomes ou semi-autonomes implique tout d'abord de lever un certain nombre de barrières technologiques. Les premières concernent l'anticipation des comportements des autres usagers. Les experts DEMAIN font notamment état de "distances de détection encore insuffisantes, et de l'impossibilité de la détection dans certaines conditions". Une difficulté à laquelle s'ajoute la nécessité pour ces nouveaux engins d'être en mesure de cartographier en haute définition leur environnement - un enjeu qui n'est "pas encore totalement maitrisé" attestent Salah Eddine Echatoui et Vincent Roque.   

  Au-delà de la détection de son environnement, d'autres challenges techniques se mettent dans le chemin de la voiture autonome. C'est notamment le cas de l'interprétation de la situation par l'IA, de la complexité des schémas de "prises de décisions" ou encore de la protection des données récoltées pour prévenir d'éventuelles cyberattaques.    

Aux défis technologiques s'ajoutent aussi les sujets de réglementation et d'acceptation sociétale de la commercialisation à grande échelle des véhicules autonomes. D'après Salah Eddine Echatoui et Vincent Roque, on retrouve à ce niveau "(un) besoin d'homogénéiser les pratiques de validations (normes, homologation, etc.)", d'autant plus aigue que pour les constructeurs, la question de la confidentialité des informations à partager se pose (base de données des scénarii, code source). Face à ces difficultés, au niveau européen, les acteurs concentrent leurs efforts de recherche et développement dans l'objectif d'une mise en circulation la plus rapide possible de véhicules, dans un domaine de conception fonctionnelle bien défini. À titre d'exemple :  Une vitesse réduite de moins de 30 kilomètre-heure, un centre-ville avec la présence de piétons, ou des segments autoroutiers.   

Un développement probable pour la logistique et les mobilités partagées  

Dans un avenir proche, l'idée de la voiture individuelle totalement autonome semble s'écarter. Aujourd'hui le coût que nécessitent les besoins de R&D d'un tel véhicule ne semble pas permettre aux constructeurs de converger vers un modèle économique viable. Les experts du projet DEMAIN, nuancent tout de même ce constat en précisant qu'on pourrait prochainement retrouver des véhicules disposant d'une haute autonomie, mais uniquement en de faibles proportions, notamment pour le premium.  

Mais alors quel avenir peut-on attendre pour cette technologie ? D'après Salah Eddine Echatoui et Vincent Roque, un business model viable se dégagerait d'abord au travers de solutions de logistiques. "Dans un futur proche, nous écartons la complexité liée aux humains à bords du véhicule". Dans un second temps, c'est la mobilité partagée qui profitera de ce mode de transport, avec une plus grande possibilité pour amortir les couts de développement. "Le stade de la désillusion est dépassé et la filière est beaucoup plus mature, nous assistons à la naissance d'une spécialisation des acteurs et à la constitution d'alliances permettant de partager les risques et mutualiser les coûts de R&D. Face aux géants américains et asiatiques, il est primordial d'accompagner cette filière et de continuer de construire une réponse européenne", analysent-ils.   

Cet article a été publié initialement sur Big Média La voiture autonome, c'est pour demain ?