Véloroutes : et si on partait cet été en vélo à la mer… ou même à Limoges ?
Vélidéale, Via Fluvia, Vagabonde, ces noms qui chantent sont ceux d’itinéraires vélo. Le succès de la Loire à vélo fait des émules : le voyage et les vacances à bicyclette sont tendance. Les territoires coopèrent pour aménager des véloroutes et les rendre attractives. Pour cet été, nous en avons sélectionné six et quelques boucles à faire en solo, entre copains ou en famille...
1,8 million de cyclistes ont roulé sur les pistes de la Loire à vélo en 2022 et c’est un nouveau record. De Nevers à l’océan Atlantique, ces 630 km balisés sont plus que jamais l’artère-mère, la voie royale sur laquelle s’appuie le développement du tourisme à vélo en France. Construit sur vingt ans, ce succès ne précipite pas La Charité-sur-Loire, Sancerre, Gien, Beaugency ou Saumur dans les affres du « surtourisme ». Même au cœur de l’été, la circulation reste fluide sur ce « boulevard » ligérien.
« Les vacances à vélo, ça reste une niche, on est loin du tourisme de masse », relativise Nicolas Pinson, qui pilote la plate-forme de l’association France vélo tourisme, créée par des organisations professionnelles du secteur.
Des cyclistes sur la véloroute de La Loire a Velodans la Nièvre.. Photos Pierre Destrade. Le site web de cette association se veut une porte d’entrée promotionnelle pour les territoires qui souhaitent développer leurs itinéraires vélo. « On a une croissance de la fréquentation du site à deux chiffres chaque année », se félicite Nicolas Pinson.L’accélération se poursuit : régions, départements et communautés de communes coopèrent pour jalonner de nouveaux itinéraires. Les véloroutes du « schéma national » ne sont plus des numéros. Des agences de communication sont sollicitées pour leur trouver un nom. La Vélofrancette, la Vélomaritime, la Régalante, la Flow velo la Vagabonde, la Belle Via… La géographie s’efface devant le marketing. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse de fendre le paysage et de découvrir la France nez au vent.
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Notre sélection de véloroutes sillonnant le centre de la France
L'itinérance à vélo , à pratiquer entre amis ou en famillle. Photo Pierre Destrade
1. la Véloscénie, la véloroute préférée de Stéphane Bern
Paris-Le Mont-Saint-Michel/450 km. Difficile d’espérer une plus forte densité patrimoniale rapportée au nombre de coups de pédale : entre le parvis de Notre-Dame de Paris (du moins lorsqu’il sera à nouveau accessible) et le Mont-Saint-Michel s’égrène un chapelet de monuments et de sites. La traversée de Paris à vélo n’est pas si compliquée et périlleuse grâce aux voies aménagées (et même tranquille le dimanche). Par les voies vertes des vallées de la Bièvre et de Chevreuse, la Véloscénie permet d’accéder ou de quitter la capitale en toute sécurité. Maison d’Aragon et d’Elsa Triolet, Rambouillet (variante vers le château de Versailles), Maintenon, cathédrale de Chartres, Illiers-Combray et Marcel Proust : il faudra choisir entre toutes les étapes culturelles si on veut rouler un peu ! Et c’est Stéphane Bern, dans son village de Thiron-Gardais, qui ouvre la route du Perche.
La Véloscénie n’est pas complètement plate mais les reliefs du Perche et du PNR de Normandie-Maine se traversent par une voie verte sans dénivelé (une ancienne voie ferrée). Alençon, Bagnoles-de-l’Orne ou Domfront offrent de belles étapes à travers le bocage normand jusqu’à l’une des plus célèbres baies du monde.
La Veloscenie entre Epernon et Maintenon (Eure-et-Loir). L'Echo républicain
2. Saint-Jacques par la voie de Vézelay pour les pèlerins pressés
Vézelay-Limoges/420 km. Comme point de départ, la colline éternelle de Vézelay ne peut que donner de l’élan à un voyage. L’itinéraire vélo de Saint-Jacques via Vézelay vient d’être balisé jusqu’à Limoges, il suit fidèlement le chemin pédestre de Compostelle et ses panneaux sont ornés de la coquille. L’objectif n’étant pas d’arriver avant les marcheurs à l’étape ! Les pèlerins sur deux roues pourront constater que le Nivernais, ce n’est pas plat que ses collines sont hérissées d’arbres majestueux (forêt des Bertranges) .
Après un petit replat le long de la Loire à partir de La Charité, La grande traversée du sud-Berry, du Val de Germigny au Boischaut (Saint-Amand-Montrond, Vallée noire de Georges Sand) ondule aussi un peu. Comme les marcheurs, les cyclistes attaqueront le massif granitique à Gargilesse et Crozant (Creuse). Avant d’arriver à Limoges, la traversée des monts de Saint-Goussaud et d’Ambazac fait monter le niveau encore d’un cran. Après Limoges ? Eh bien, il faudra vider les sacoches, transférer ses affaires dans un sac à dos… et continuer à pied. Ou attendre que l’itinéraire vélo soit balisé jusqu’aux Pyrénées…La vue sur le moment au départ de Vézelay (Yonne). Photo Jean-Jacques Gelbart
3. La Via Allier : un crescendo vers les gorges sauvages
Nevers-Langogne/455km. De Nevers jusqu’à la Lozère, c’est l’aventure en remontant l’Allier « comme les saumons » ! Il se peut, au vu des derniers comptages dans les passes à poisson, que les cyclistes prennent progressivement l’ascendant sur les grands migrateurs. Cette véloroute, qui n’est que très peu en « site propre », sauf aux abords de Vichy, offre l’opportunité de pénétrer au coeur du Massif central. En partant de Nevers, on passe sur la rive berrichonne au bec d’Allier. Les ondulations du Val de Germigny, du Bourbonnais puis la traversée de la Limagne constituent une mise en jambes. On ne présente plus Vichy mais les vieux quartiers de Moulins méritent une belle halte. Quand on arrive à hauteur d’Issoire et que se dessine au loin la chaîne du Sancy, on se doute que ça va se corser. Pas de chemin de halage pour rouler sans effort, la Via Allier grimpe parfois sur les coteaux, notamment passé Brioude. Ce «crescendo » est récompensé : la halte s’impose à Lavoute-Chilhac, l’un des plus beaux villages de France ; on domine les gorges à partir de Prades , on croise le chemin de Compostelle à Saint-Privat avant de rallier celui de Stevenson à Pradelles. Entre les deux coule une rivière sauvage longée par l’une des plus belles lignes ferroviaires de France ( Clermont-Nîmes). C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de top de place pour une véloroute ( ni pour les voitures d’ailleurs). Pour arriver à Langogne et au lac de Naussac, terminus de la Via Allier, on se sera hissé, progressivement, à 1.100 mètres d’altitude.
4. La Via Fluvia : en pente douce du Velay au Rhône.
Lavoûte-sur-Loire (Haute-Loire)-Sarras (Ardèche)/120 km. Relier la Loire au Rhône à travers le volcanique Velay, le massif du Pilat et le nord des monts du Vivarais, c’est ce que propose la Via Fluvia. Souvent en surplomb, cette voie verte emprunte de nombreux viaducs et tunnels : son tracé s’appuie sur une ancienne voie ferrée, ce qui permet de fendre des massifs montagneux sans trop transpirer. Parmi les curiosités du parcours : l’étonnant ravin de Corbœuf, le château fort de Saint-Julien-du-Pinet sur son piton rocheux (979 mètres) ou les sucs, ces buttes volcaniques du Velay. Il reste deux tronçons à aménager sur cette voie verte : le tunnel du Tracol et le « raccordement » à Annonay et à la vallée du Rhône. Ce qui implique des déviations sur le réseau routier un peu plus « sportives » que la voie verte.
Passage d'un viaduc sur la véloroute Via fluva en Haute-Loire . Photo Un monde à vélo
5.La Vélidéale : la biodiversité en étendard à travers cinq parcs naturels régionaux
Royère-de-Vassivière (Creuse)Saint-Nazaire/655 km. Du cœur du Limousin à l’océan, une invitation à une grande chevauchée dans l’Ouest. Ce débouché maritime constitue en soi un objectif attrayant mais ce voyage à travers les bocages de l’ouest et ses milieux humides met en avant une dominante « ruralité et biodiversité », étayée par les cinq parcs naturels régionaux (Millevaches en Limousin, Périgord-Limousin, Marais poitevin, Brière et bientôt pays de Gâtine en Poitou) qui jalonnent le parcours. L’accent est mis sur les espaces naturels sensibles mais aussi sur les Petites cités de caractère (Saint-Léonard-de-Noblat, Nantheuil, Melle, Parthenay, Clisson…) et des villes qui peuvent donner lieu à de belles étapes culturelles : Limoges, Niort ou Nantes. Cette grande transversale « est connectée à dix autres itinéraires vélo », souligne Carole Richard-Leparoux, chargée du développement de la Vélidéale, ce qui permet d’envisager des combinaisons et boucles. La Vélidéale s’aventure dans des petits pays méconnus, telle la Charente limousine et ce n’est pas le moindre de ses attraits. Au départ du lac de Vassivière (740 mètres), il y a du dénivelé, mais ensuite La Vélidéale descend paisiblement… jusqu’au niveau de la mer.
Le voyage à vélo a toujours un petit goût d'aventure... et on peut avoir des passagers. Photo Pierre Destrade
6. La Vagabonde serpente entre Combraille, Limousin et Quercy jusqu’au canal du Midi
Montluçon-Montech (Tarn-et-Garonne)/520 km. Si vous annoncez à vos amis que vous allez relier Montluçon à Montauban durant vos vacances, pas sûr qu’ils vous disent « quelle chance ! ». De façon plus imagée, cet itinéraire part du canal de Berry et rejoint le canal du Midi. Entre ces deux chemins plats, La Vagabonde, nouveau nom de la V87, rebondit sur pas mal de bosses. « C’est déjà un peu sportif. Nous le recommandons pour des cyclistes qui ont l’habitude de rouler », convient Romain Conversin, chargé du développement des sports nature dans la Creuse, département « tête de file » sur cette nouvelle véloroute. La peinture sur les panneaux est encore fraîche : « Nous l’avons présentée dans des grands salons du vélo et cette traversée de 500 km au milieu de la France suscite un bel intérêt », se félicite son promoteur. Sans tutoyer les sommets (point culminant à 840 mètres), la Vagabonde relie des pays fameux. Depuis la vallée de la Creuse et Aubusson, elle grimpe pour traverser tout le plateau de Millevaches. La Corrèze est fendue de part en part et la Vagabonde plonge vers la vallée de la Dordogne, avant de sillonner les causses du Quercy, en offrant des étapes dans des villages classés comme Rocamadour.
La magie intacte de Rocamadour (Lot).
Voyage à vélo : on a testé la Via Allier
Bonus : des idées de boucles
Le réseau de plus en plus dense des véloroutes permet d’effectuer des boucles. Un seul point de départ et d’arrivée, ça peut simplifier la logistique. Rappelons que la combinaison véloroute-train est possible sur de nombreux itinéraires. Et d’autant plus facile s’il s’agit de lignes TER assez peu fréquentées. Sur les lignes Intercités, il faut réserver une place pour son vélo. . Au carrefour des chemins de halage en Bourgogne. La Nièvre et l’Yonne offrent un grand terrain de jeu pour l’itinérance à vélo, grâce au réseau des voies fluviales et de leurs chemins de halage. Le tour de Bourgogne à vélo constitue une « grande boucle » classique qui emprunte notamment l’Eurovéloroute 6 (Nevers-Bâle) et le canal du Nivernais. Ce petit canal hors gabarit, l’un des deux plus prisés de France pour le tourisme fluvial, prête son chemin de halage aux cyclistes. Ces derniers peuvent ainsi sillonner les paysages verdoyants des contreforts du Morvan et leurs petites villes au riche patrimoine (Decize, Châtillon-en-Bazois, Corbigny, Clamecy…).
La Charité-sur -Loire, au carrefour de plusieurs itinéraires cyclables. Photo Jean-Jacques Gelbart À noter que Nevers est devenu un important nœud « véloroutier », entre Loire, Allier et canaux. Briare (Loiret), est aussi un point de jonction. La ville dont le pont-canal est le plus majestueux de France peut être le point de départ d’une boucle empruntant la Loire à vélo, le Loing (Eurovélo3-Scandibérique) et le canal d’Orléans. Une boucle entre Velay et Vivarais. La Via Fluvia (lire ci-contre) a une « sœur » en Ardèche, la Dolce Via, qui s’appuie aussi sur une ancienne voie ferrée et offre des paysages somptueux. Elle suit la vallée de l’Eyrieux entre Saint-Agrève et La Voulte-sur-Rhône. Ce qui permet d’envisager une boucle en reliant ces deux voies par la Via Rhôna (La Voulte-Sarras). À la belle saison une jonction est possible en embarquant les vélos dans le train touristique du Velay (Saint-Agrève-Raucoules). Le Tour de la Creuse. La Vagabonde (Montluçon-Montauban) suit le tronçon est du Tour de la Creuse, une boucle de 327 km (également un peu sportive) bien balisée et accessible en train (La Souterraine et Felletin). À noter également la bifurcation possible vers la Vélidéale à Royère-de-Vassivière (Creuse).
Comment organiser son voyage ?Le site de l’association des véloroutes et voies vertes (AF3V) tient à jour une carte de France avec les itinéraires cyclables (revêtement, état d’avancement tronçon par tronçon). Le site France vélo tourisme présente une sélection de véloroutes adhérentes à cette association de promotion. Il existe des topoguides sur le modèle des itinéraires de randonnée pédestre (par exemple aux éditions Chamina). Michelin vient de publier sa première carte de France des véloroutes.
Julien Rapegno