Réfugiée politique, Lara Haj Yheia vient d’obtenir brillamment à Limoges son brevet des collèges
En 2024, dans l’académie de Limoges, 6.663 candidats ont été admis à l’examen du brevet des collèges. Parmi eux, il y a Lara Haj Yheia dont les résultats sont excellents. Rencontre avec une jeune fille déterminée.
Avec 767,5/800, Lara Haj Yheia a décroché son brevet des collèges mention très bien, soit avec une moyenne supérieure à 19/20. Une véritable performance pour cette jeune fille d’origine syrienne, arrivée en France il y a seulement cinq ans.
Élève au collège Pierre-Donzelot de Limoges, elle intégrera le lycée Gay-Lussac à la rentrée. Mais d’ici là, la jeune fille a décidé d’apprendre l’espagnol. En effet, Lara apprend des langues comme d’autres marquent des paniers de basket… « Les grandes vacances, c’est tellement ennuyeux, lance-t-elle, il faut bien que je m’occupe. »
« Je parle arabe puisque c’est ma langue maternelle, anglais (sa maman était professeur d’anglais en Syrie), allemand à l’école, mais aussi le coréen et le japonais et là je me suis mise à l’espagnol », raconte-t-elle en toute simplicité. Comme si c’était naturel.
Arabe, français, anglais, coréen, japonais, espagnol...Cette jeune fille travaille tout le temps. Elle apprend. Elle révise. Tantôt l’histoire-géographie et le français, tantôt les mathématiques et les sciences : « Ça me rassure de savoir », souligne-t-elle.
Arrivée à Limoges en mai 2019 avec sa petite sœur Lamar et sa maman Hanan, elle y a rejoint son papa, Feras. Originaires de Syrie (la petite fille a quitté son pays à l’âge de quatre ans), ils ont fui la guerre et ses bombardements pour protéger leurs vies avec seulement quelques affaires, en direction de l’Égypte. « C’est le seul pays qui donnait des visas pour les réfugiés syriens », explique sa maman.
Quelques années après, ils ont tenté l’aventure en France, sous le statut de réfugiés politiques. « L’un de mes cousins vivait à Limoges, c’est pour cette raison que nous avons choisi cette ville », se remémore Hanan.
« Je suis arrivée en mai, mais je n’ai pas pu aller à l’école avant le mois de septembre, se souvient Lara. Alors, j’ai commencé seule à apprendre les bases du français en regardant des vidéos sur Internet et en lisant des livres. En CM2, j’avais des cours de français le matin et l’après-midi, j’allais en classe comme tout le monde. Au début, j’avais du mal à communiquer avec les autres élèves, mais j’avais tellement envie de m’intégrer que ça m’a encore plus motivée pour apprendre vite. » Cinq ans plus tard, elle parle et écrit dans un français impeccable.
Dans la famille Haj Yheia, le travail et l’excellence sont un art de vivre. Ses parents sont très fiers d’elle. « Elle est courageuse et fait des efforts en permanence », reconnaît sa maman. « Jusqu’en 3e, j’ai toujours eu 18/20 de moyenne », avoue Lara.
Il faut dire qu’en rentrant de l’école, elle révise, reprend ses notes environ deux heures. Et le week-end, elle travaille entre quatre et cinq heures. « Quand je vois ma sœur travailler aussi bien, ça donne envie de faire pareil et d’utiliser sa méthode », indique, admirative, Lamar.
« Je travaille pour l’avenir, pour avoir une place, pour être cultivée », pointe Lara.
Elle a de qui tenir. Feras et Hanan Haj Yheia ont créé leur restaurant, il y a un an : l’Aladdin au 8 rue d’Aguesseau, à Limoges. « Pour nous, être indépendants, vivre de notre travail et non des aides de l’État, c’était très important », précise le couple. Et en plus de cuisiner et de servir des plats du Moyen-Orient, comme le poulet shawarma, les falafels ou les Kebbés, ils poursuivent leurs études.
Lui était avocat à Damas, il est actuellement en master de droit environnemental à la faculté de Limoges et hésite à poursuivre un doctorat. Elle est en troisième année de licence d’anglais. « Ce restaurant, c’est notre projet professionnel désormais. J’ai choisi le nom Aladdin [avec deux “d”, précise Lamar] comme un clin d’œil à ma vie passée. Pendant mes études de droit à Damas, je travaillais dans un restaurant du même nom qui avait une excellente réputation », se souvient Feras Haj Yheia.
Et la petite sœur qui a un an de moins est sur la même voie. Comme son aînée, elle est première de la classe. « Quand les professeurs font l’appel et lisent mon nom, j’ai tout le temps droit à un sourire, car ils connaissent ma sœur et savent que, comme elle, je vais être une élève sérieuse », apprécie Lamar.
Feras, lui, est reconnaissant de l’accueil que sa famille a reçu en France. « L’association Welcome Limoges a appris le français à toute la famille, nous a accompagnés. C’est une chance. Eux et l’administration française nous ont permis de réussir notre intégration, de nous aider à construire notre nouvelle vie », plaide-t-il. Ils réfléchissent désormais à demander la nationalité française.
« Je veux être un modèle pour les réfugiés »Lara, elle, veut « être un modèle pour les réfugiés. Je veux dire qu’avec du travail et de la détermination, on peut poursuivre ses rêves. Il ne faut jamais abandonner ». Si cette jeune fille n’a pas de souvenirs de son pays d’origine, elle n’oublie pas d’où elle vient. Elle est curieuse de savoir, de comprendre, mais elle se sent aussi française.
Dans quelques semaines, elle retrouvera ses amis au lycée. Lara a la même vie qu’eux, peut-être la détermination en plus….
Texte et photo Stéphanie Barrat