Eugene Rogers, soldat américain enterré à Volvic, où il a vécu après la Seconde Guerre mondiale
Sur les dernières années de sa vie, passées à Volvic, Eugene Rogers n’a pas entendu que des mots plaisants à son sujet. Certains le surnommaient "l’Amerloque", d’autres "Chicago". Lui-même, d’ailleurs, n’aimait pas la France. Mais s’il est arrivé là, c’est par amour d’une Française, une jeune femme dont la famille habitait de longue date dans le hameau de la gare de Volvic. Leur rencontre, à Paris, s’est produite dans l’euphorie de la Libération. Mais avant cela, Eugene Rogers avait connu l’enfer.
Soldat engagé dans la 4e division d’infanterie américaine, il était de ceux qui,le 6 juin 1944, ont pris pied sur les plages du Débarquement avec la première vague. Selon sa fille, la barge transportant sa section a dérivé. Elle n’a pas abordé Utah Beach à l’endroit souhaité. Certains soldats se sont noyés, emportés vers le fond par le poids de leurs équipements. Les autres se sont trouvés sous le feu des Allemands.
Sur les cents hommes de sa section, il n’en est resté que trois. Il m’a dit que c’était une panique monstrueuse. Il s’en est sorti en se couvrant avec le corps de ses camarades tués, en s’en faisant un rempart.
L’unité est décimée et rapidement dissoute. Jusqu’à la fin de la guerre, Eugene Rogers est ensuite affecté à un poste moins exposé, dans les services de l’intendance (Post exchange) dans le quartier de La Madeleine, à Paris. C’est là qu’il a trouvé son âme sœur. "Ils se sont rencontrés et ils ne se sont plus quittés", sourit Emily Rogers.
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Les grandes lignes de ce parcours, sous les drapeaux, et ces heures de terreur, sur les plages de Normandie, c’est peu ou prou tout ce qu’Emily connaît de la carrière militaire de son père. Car celui-ci n’en parlait jamais. Il a conservé des liens très étroits avec les deux autres survivants de son unité (l’un d’eux, d’ailleurs, John Palombo, a également épousé une Auvergnate. Une Montluçonnaise). Son histoire - et sans doute son traumatisme - est restée sans mots, dans le silence et l’inconnu.
Jean-Baptiste Ledys