Peut-on en finir avec le sida en 2030 ? Une nouvelle molécule pourrait changer la donne
Nous avons des outils qui se sont ajoutés à notre arsenal de prévention", commente Yazdan Yazdanpanah, à quelques jours de la tenue, à Munich, de la 25e Conférence internationale sur le sida. Pour le directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et des Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE), "dans ces outils, il y a le fait de dépister tôt, pour traiter tôt, car cela empêche la transmission du VIH".
Mais dans la lutte contre le virus, il y a également la nouveauté introduite par la molécule lenacapavir développée par le laboratoire américain Gilead. "Jusqu’à présent, pour éviter la contamination, nous donnions un traitement quotidien ou pour entourer la prise de risque, par voie orale. Or, ce qu’il est ressorti de la conférence, c’est que le fait d’avoir un traitement par voie injectable - à raison de deux injections par an avec l’antirétroviral lenacapavir - s’avère très efficace".
"Pour le traitement curatif, il faut encore avancer"Une efficacité "à 100 %" qui a été démontrée "par une étude clinique préliminaire, chez les femmes de 16 à 25 ans, en Afrique du Sud et en Ouganda" dans le cadre préventif.
"Pour le traitement curatif, il faut encore avancer", souligne le chef du service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Bichat-Claude-Bernard. "D’une part, d’autres études doivent le confirmer mais il faut négocier autour des prix car il y a un vrai sujet autour de cela".
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Un sujet à 40.000 dollars, le prix annoncé par le laboratoire pour les deux injections. Ce prix élevé tient au fait qu’en curatif, cet antirétroviral est utilisé pour peu de personnes, celles qui sont résistantes aux autres traitements. La production en plus grand nombre "pour une autre indication, sur différentes populations" induirait une baisse du coût.
Sachant également que si elle était autorisée par Gilead, la production en version générique du traitement reviendrait à une quarantaine de dollars pour un traitement annuel, selon l’évaluation présentée par des chercheurs présents à Munich, sur une hypothèse de commandes pour 10 millions de personnes…
Le traitement par injection, note encore l’épidémiologiste, est moins stigmatisant, notamment pour les femmes, que celui par voie orale, c’est une des raisons qui font qu’il est plus efficace".
Infections en baisse, mais...Dans le monde, "le nombre d'infections par le VIH a beaucoup baissé, mais on reste à des chiffres élevés avec 1,3 million de contaminations", poursuit Yazdan Yazdanpanah. Mais d’autres chiffres sont encourageants.
"La baisse de 60 % des contaminations depuis une quinzaine d’années mais cela ne suffit pas. Si l’on veut aller vers une éradication en 2030, il faudra faire plus. En Afrique du Sud et de l’Est où les taux d’infection étaient les plus importants, on a plus progressé qu’en Europe de l’Est et en Asie centrale […] Il faut avoir des objectifs et 2030 est un objectif qui permet de progresser". Question de moyens, mais aussi "de volonté politique"
Yazdan Yazdanpanah
Si quelque 30 millions de personnes vivant avec le virus du sida dans le monde bénéficient d’un traitement antirétroviral, quelque 10 millions en sont privées. Environ 1,3 million de personnes ont été nouvellement infectées par le VIH en 2023. En France, "on note 4 à 5.000 nouvelles infections par an, c’est en baisse, mais pas assez. Nous avons les outils, il faut juste travailler sur leur développement. Il y a des populations plus touchées, il faut se concentrer sur elles. 40 % des nouvelles infections, par exemple, concernent les hommes qui ont des relations avec des hommes". Aujourd’hui "il y a aussi les migrants" qui n’ont pas forcément accès aux soins et à l’information".
Si la maladie "ne fait plus peur aux jeunes générations", Yazdan Yazdanpanah insiste sur le dépistage comme outil de prévention. "Dans les labos, cela se fait sans ordonnance et c’est gratuit".