Trop tatoué, trop barbu, trop grosse, trop petite... La discrimination liée à l'apparence physique est contraire à la loi
La discrimination, c’est un traitement défavorable dans un domaine prévu par la loi (l’emploi, l’accès à la santé, l’éducation, l’accès aux biens et services…), pose Mathilde Zylberberg, cheffe du pôle discrimination dans le secteur privé, auprès du Défenseur des droits. L’apparence physique, qu’elle soit corporelle ou vestimentaire, compte ainsi parmi les 25 critères de discrimination (avec le sexe, l’état de santé, la religion, l’opinion politique, le lieu de domiciliation…) définis par les textes de 2008.
Un sondage d’Opinion Way le révélait en début d’année : l’apparence physique (83 %) est derrière le handicap (84 %) la deuxième cause de discrimination que les Français relèvent le plus, devant l’origine (82 %) et l’âge (81 %). Des pourcentages énormes quant au ressenti des salariés qui cependant ne donnent pas forcément lieu à des dénonciations.
Unité de traitement entre les sexesÀ quelques exceptions près comme l’action intentée par un steward d’Air France qui portait des tresses nouées en chignon, comme le règlement de l’entreprise l’autorise pour les hôtesses. Au terme de la procédure (jusqu’en cassation, en 2022), il a été entendu dans sa demande mais pas sur le fondement d’une discrimination liée à l’apparence mais sur l’iniquité de traitement entre les sexes…
Un exemple qui corrobore le propos de Mathilde Zylberberg. « Nous ne sommes pas énormément saisis sur le fondement du critère lié à l’apparence physique parce que celui-ci peut se combiner avec d’autres critères comme l’origine », c’est-à-dire, par exemple, la couleur de la peau. « La grossophobie relève aussi d’une discrimination à l’apparence physique.
C’est un fait, une femme obèse a beaucoup moins de chances d’être embauchée qu’une femme non obèse. Mais là encore, le critère peut être rapproché de celui de l’état de santé.
Selon les statistiques de l’Organisation internationale du Travail, les femmes en surpoids indiquent avoir été discriminées 8 fois plus souvent que les femmes d’IMC normal.
« Talons hauts »« Nous avons été saisis, poursuit la juriste, pour des questions de tenues vestimentaires. Nous avons récemment rendu une décision sur le cas d’une hôtesse d’accueil à qui on voulait imposer le port de talons hauts, ce qui constitue une discrimination ».
Pour inciter le monde de l’entreprise à se mobiliser contre ces pratiques discriminatoires, le Défenseur des droits a rendu une décision-cadre (2 octobre 2019) dont l’objectif est de mettre à la disposition des employeurs et représentants des travailleurs un document de référence afin de leur rappeler les règles et la jurisprudence.
Souvent les discriminations reposent sur des stéréotypes
« Il faut des formations pour les Ressources humaines sur le droit de la non-discrimination. Souvent les discriminations reposent sur des stéréotypes - c’est l’hôtesse avec des talons hauts - et les personnes n’ont pas conscience de discriminer […] Toute restriction relative à l’apparence physique, dans l’entreprise, doit être écrite, transparente » pour mieux travailler sur leurs justifications.
« La protection de l’hygiène et de la sécurité est un but légitime, comme le port d’une charlotte dans une cuisine ». Mais l’exigence d’une tenue, d’un accessoire doit « être essentielle, déterminante » et « proportionnée ». Est-ce le cas de talons hauts pour une hôtesse d’accueil ? Dans tous les cas, insiste Mathilde Zylberberg, « le règlement intérieur d’une entreprise doit être conforme au droit ».
Former les ressources humainesPour pallier les risques de discriminations, dans le cas du recrutement professionnel, les candidatures sans photo et l’établissement de grilles de critères objectifs d’évaluation des compétences comptent parmi les solutions.
Le cas échéant, en matière civile, la personne qui s’estime discriminée, « doit apporter des éléments permettant de présumer la discrimination et c’est à celui qui est accusé de démontrer que la mesure prise est étrangère à toute discrimination » précise Mathilde Zylberberg. S’il y a faute reconnue, le contrevenant s’expose à des dommages-intérêts.
Dans le cas où l’infraction est constituée pénalement - se baser sur l’apparence physique pour refuser un emploi, ralentir une carrière, interdire l’accès à un restaurant...- « la peine encourue est de 3 ans d’emprisonnement et de 46.000 € d’amende ».
« La discrimination liée à l’apparence physique est quelque chose de très banal mais aussi de très violent » constate la juriste. Parce que cela touche « intrinsèquement qui vous êtes ».
Sophie Leclanché
Les blondes et les "belles" gagnent plus. Aux États-Unis, une étude sociologique (*) a pointé des écarts de rémunération à fonction et qualification égales entre les femmes salariées blondes et les brunes : les premières perçoivent 7 % de plus que les secondes… Elle a également révélé que, dans les mêmes conditions d’emploi, les femmes présumées « belles » ou dont les toilettes sont les plus apprêtées gagnent 20 % de plus que les autres. (*) Sur Le genre et les bénéfices de l’attractivité, par Jaclyn S. Wong et Andrew M. Penner.