JO Paris 2024 : du Puy à la médaille de bronze, le fabuleux destin de Johanne Defay
Il était deux heures du matin en métropole, dans la nuit de lundi à mardi, et déjà l’après-midi sur place à Tahiti, quand la nouvelle est tombée. Après un ultime combat dans l’eau face à la Costaricienne Brisa Hennessy, Johanne Defay a offert la première médaille olympique de son histoire à la Haute-Loire, en décrochant le bronze. Un exploit qui a permis de mettre fin à plus de 120 années de disette.À 30 ans, la native du Puy-en-Velay a sans doute atteint le sommet de sa carrière. Si son lieu de naissance prête à sourire quand on connaît sa discipline de prédilection, ce n’est pas vraiment un hasard de la voir performer à ce niveau. À l’âge de deux ans, la Ponote était partie vivre sur l’Île de la Réunion avec ses parents. Et forcément, dès l’enfance, elle partait à l’assaut de l’océan sur la planche.
Déjà impressionnante chez les jeunesC’est donc assez loin de sa Haute-Loire natale que la championne a bâti l’essentiel de son parcours. À l’adolescence, suite à son passage au pôle France de Bayonne, ses résultats impressionnaient. En 2009, elle devenait la plus jeune championne d’Europe jamais sacrée chez les moins de 21 ans, alors qu’elle était seulement âgée de 15 ans.C’est en 2013 que sa carrière a pris un véritable tournant, lorsqu’elle intégrait le circuit WCT, soit l’élite de son sport. C’était également à cette période qu’elle rencontrait Simon Paillard, lui qui est encore son entraîneur aujourd’hui. Et qui est même devenu son compagnon, depuis. « Il y avait des choses à revoir car elle n’était pas suffisamment organisée pour gérer sa carrière, confiait-il à L’Équipe en 2021. Il fallait un temps pour son entraînement, un autre pour sa communication et ses partenaires. Pour tout ça et sa préparation mentale, on est partis de zéro. » La championne assurait de son côté avoir trouvé un véritable équilibre professionnel et personnel, grâce à cette relation. « On a une capacité à switcher assez facilement, je ne pense pas que cela soit le cas de tout le monde. On se dit aussi que le jour où cela mettra notre couple en péril, on arrêtera cette collaboration professionnelle », confiait-elle au quotidien sportif.La surfeuse a parfaitement maitrisée sa petite finale. (Photo by Ed Sloane / POOL / AFP)Les premiers résultats semblaient déjà leur donner raison. Pour son arrivée au meilleur niveau planétaire, la Vellave confirmait toutes les attentes placées en elle, terminant « rookie » de l’année, soit meilleure débutante à ce niveau, grâce à une huitième place au rang mondial. En 2015, l’ascension se poursuivait avec sa première victoire sur le circuit WCT. Ce succès en appelait d’autres et au fil des années, Johanne Defay parvenait à se construire l’un des plus beaux palmarès de l’histoire du surf français. Autre grande évolution, son sport était ajouté au programme, lors des Jeux de Tokyo en 2021. Invitée à cette grande première, la Ponote avait dû se contenter d’une neuvième place. Mais il faut dire que les vagues japonaises n’avaient pas emballé la majorité des concurrents.La surfeuse altiligérienne ne tardait pas à se relever suite à cet échec, avec la perspective de participer aux Jeux olympiques à domicile, en 2024. Et si le spot des JO de 2020 avait quelque peu déçu, on ne pouvait pas rêver meilleur cadre que Tahiti et plus particulièrement Teahupoo pour accueillir les plus grands riders de la planète, cette année.La joie de la Ponote. (Photo by Jerome BROUILLET / AFP)Qualifiée dès avril 2023, Johanne Defay a pu se consacrer sereinement à cet objectif majeur, multipliant notamment les séjours en Polynésie afin de s’acclimater et de mettre toutes les chances de son côté. Réputée à l’aise sur les vagues de corail, elle a tout de même reconnu appréhender de surfer à Teahupoo. Notamment lorsque les conditions deviennent difficiles. « C’est un lieu assez particulier, magique pour les gens qui aiment l’océan comme moi, décrivait-elle à nos confrères de L’Équipe, en juin dernier. Tout le monde craint cet endroit, même chez les locaux, il ne faut pas se leurrer. Tu choisis la vague et il y a plein d’ondes que tu laisses passer. »Vainqueure d’une manche au Portugal en mars et finaliste en Australie au mois d’avril, la Tricolore avait fait le nécessaire pour se rassurer à quelques semaines des JO.
Du sang au bronzeMais, dès son entrée en lice dans ces Jeux, la Vellave a frisé la correctionnelle. La première vague de sa compétition l’envoyait au tapis. Et l’on craignait alors le pire quand la Réunionaise sortait de l’eau avec le visage ensanglanté. Elle terminait tant bien que mal sa série, en deuxième position. Ce résultat l’obligeait à passer par les repêchages, mais l’essentiel était ailleurs. Il fallait d’abord se rassurer concernant son état de santé. Un protocole commotion permettait finalement de statuer sur une reprise de la compétition.Après cet aléa physique, la championne française devait aussi se remobiliser mentalement, pour surmonter toutes les craintes et exploiter pleinement son potentiel.Équipée d’un casque afin de protéger ses quatre points de suture, Johanne Defay est tout de suite repartie à l’abordage, en éliminant la prometteuse Molly Picklum lors des repêchages. Elle s’ouvrait alors les portes des huitièmes de finale, mais dans une partie de tableau très compliquée, avec des adversaires redoutables.Johanne Defay avec sa médaille de bronze. (Photo by Ed Sloane / POOL / AFP)La suite de la compétition était finalement perturbée, en début de semaine dernière, par une météo capricieuse. Les jours de repos imposés permettaient au moins à la concurrente française de faire sécher ses points de suture et de voir son hématome se résorber. Jeudi dernier, elle était donc regonflée à bloc pour écarter sa compatriote Vahine Fierro, annoncée comme l’une des favorites, car locale de l’étape.Elle montait encore en gamme, quelques heures plus tard, afin de surclasser Carissa Moore, en quarts de finale. L’Américaine, médaillée d’or en titre et quintuple championne du monde, était pourtant candidate à sa propre succession pour aller décrocher la victoire finale.
Une demi-finale cruelleGrâce à ce nouveau succès de prestige, la surfeuse du Puy-en-Velay ralliait le dernier carré de la compétition, avec la manière. Elle se retrouvait donc à une victoire d’offrir la première médaille olympique de l’histoire, à son département d’origine. Mais là encore, il a fallu patienter pour suivre son évolution, puisque la météo a fait des siennes, à Tahiti, en fin de semaine dernière.Les organisateurs avaient finalement fixé les toutes dernières séries de ces JO, dans la nuit de lundi à mardi (fuseau horaire de Paris). La confirmation est tombée seulement quelques minutes avant le début des épreuves.En demi-finale, Johanne Defay avait encore hérité d’un gros morceau, avec l’Américaine Caroline Marks, championne du monde en 2023. La Française se montrait plus offensive que son adversaire durant l’entame de ce tour, pour prendre les devants. Grâce à deux vagues maîtrisées et de belles manœuvres, elle prenait l’avantage avec un score de 12,17 points. Mais à dix minutes du terme, la concurrente des États-Unis profitait de la plus belle vague de la série pour égaliser. Bénéficiant de la note la plus élevée sur une seule vague (7,00 points), et malgré un score de parité, Caroline Marks l’emportait. La Française voyait donc la finale lui filer sous le nez, au profit de la future championne olympique, sur ce point de règlement. Cruel.
« On se rend compte de l’ampleur des Jeux quand on les fait »
Johanne Defay n’avait pas le temps de s’apitoyer sur son sort, puisque moins d’une heure et demie après cette désillusion, elle devait surfer pour aller chercher la médaille de bronze, à l’occasion de la petite finale. Dans cette ultime série de ses Jeux olympiques, elle retrouvait Brisa Hennessy. Cette même Costaricienne qui l’avait battue lors du premier tour de la compétition. Comme en demie, la Tricolore se montrait la plus active et prenait un meilleur départ. Les juges lui décernaient trois notes au-dessus de 5,20, lors de ses premières vagues, tandis que son adversaire restait longtemps bloquée à 3,00. La native du Puy s’imposait finalement avec un score de 12,66 contre 4,93 pour son adversaire.La Française a gagné son plus beau titre. (Photo by Ben Thouard / POOL / AFP)
Ce succès ne souffrait d’aucune contestation possible et lui offrait la médaille de bronze.À l’issue de cette série, Johanne Defay laissait échapper quelques larmes. Le symbole que ce podium olympique représente, sans doute, le sommet de sa carrière pour la meilleure surfeuse française de tous les temps. « Il y a du soulagement, je suis trop contente d’être allée chercher la médaille, savourait la Française à sa sortie de l’eau. J’ai fait beaucoup de sacrifices pour en arriver là. On se rend compte de l’ampleur des Jeux quand on les fait. Ça touche tout le monde, on reçoit plein de messages. »La Ponote restera dans l’histoire comme la première médaillée originaire de la Haute-Loire, mais aussi comme celle qui a apporté sa toute première breloque au surf français.
Lucas Jacquet
Le parcours de Johanne Defay aux Jeux Olympiques
Premier tour 1. Brisa Hennessy (Costa Rica) avec 15,56 points. 2. Johanne Defay (France) avec 9,50 points. 3. Candelaria Resano (Nicaragua) avec 9,43 points. Deuxième tour 1. Johanne Defay (France) avec 11,83 points. 2. Molly Picklum (Australie) avec 7,43 points. Troisième tour 1. Johanne Defay (France) avec 9,00 pts. 2. Vahine Fierro (France) avec 7,54 pts.Quart de finale 1. Johanne Defay (France) avec 10,34 points. 2. Carissa Moore (États-Unis) avec 6,50 points. Demi-finale 1. Carolina Marks (États-Unis) avec 12, 17 points. 2. Johanne Defay (France) avec 12,17 points. Petite finale 1. Johanne Defay (France) avec 12,66 points. 2. Brisa Hennessy (Costa Rica)