Une plaque en mémoire d'Henri Jeux inaugurée à Montaigut-en-Combraille
Derrière le lourd portail de fer peint en blanc, une première plaque avait été apposée en souvenir d’Henri Jeux. Depuis mercredi 7 août, une nouvelle lui a été dédiée, "la plus proche possible du lieu du drame, sur le domaine public, et surtout très proche de l’abribus afin qu’elle interpelle le plus possible nos jeunes", précise le maire, Jean-Marc Sauterau. Une visée d’ores et déjà réussie.
Mercredi 7 août en effet, la population de Montaigut-en-Combraille (*) s’est massée aux abords de la D2144, en contrebas de l’ancienne demeure du docteur André Michel pour commémorer le souvenir de son beau-frère, l’Éloysien Henri Jeux, 26 ans, "Pierre" dans la Résistance, instituteur, sous-lieutenant au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP).
Plus de 200 soldats allemands rassemblésVoilà 80 ans, dans cette même rue, le 7 août 1944, un détachement de la Wehrmacht se présente. Les Allemands traquent alors des résistants locaux dénoncés. "Il est 6 heures du matin et plus de 200 soldats encerclent Montaigut", retrace Jean-Marc Sauterau, passionné par l’histoire locale.Les ouvriers mineurs sont bloqués afin de vérifier leur identité avant que l’occupant n’investisse la maison du docteur Michel, chef du maquis FTP Chauvet et maire de la commune de 1938 à 1972.
Deux rafales de mitraillletteCe dernier est présent, de même que son beau-frère Henri Jeux, leurs épouses Raymonde Michel et Marguerite Jeux, Fernande Rousselle et Antonine Monneton, l’employée de maison. Raymonde Michel indique aux soldats que son mari est absent mais les Allemands forcent le passage. Si le docteur parvient à s’enfuir chez une famille habitant "Le Poucherol", deux rafales de mitraillette éclatent. Henri Jeux s’écroule au pied du cèdre, sous les yeux de sa femme, enceinte de leur fille.
"Le responsable allemand fait venir M. Allababel, greffier à la justice de paix pour authentifier la victime", poursuit Jean-Marc Sauterau. À la faveur d’un mensonge pour confirmer "ce que souhaitaient entendre les Allemands", la victime est déclarée comme étant le docteur Michel. Après une longue agonie, Henri Jeux est achevé par les soldats vers 11 heures.
Emmenés dans l’AllierLes quatre femmes sont ensuite embarquées pour être conduites à Montluçon, de même que cinq autres hommes. Trois sont des résistants – Eugène Meunier, 44 ans, marchand de bestiaux ; Raymond Degasne, 24 ans, mineur, et Jean Kubiak, 34 ans, mineur – accompagnés de Georges Charetier, 19 ans, et Joseph Charles, 22 ans, tous deux vanniers.
Emprisonnés puis torturés, les cinq seront fusillés dans la carrière des Grises à Prémilhat (Allier) le 14 août 1944, avec 39 autres résistants. Les quatre Montacutaines seront, elles, libérées par les FFI, le 25 août 1944. "C’est notre devoir de transmettre notre histoire […] C’est aussi notre devoir d’expliquer le prix de notre liberté", martèle Jean-Marc Sauterau, au fil d’une cérémonie se poursuivant devant le parc où a été réinstallé le monument aux Morts.
L'hommage à Christiane Méténier-SchmerberUn site dont deux des espaces sont justement baptisés des noms de Ludovic-Michel (père d’André Michel) et de Christiane Méténier-Schmerber. Une ancienne secrétaire de mairie de Montaigut-en-Combraille, aujourd’hui âgée de 103 ans, à qui Jean-Marc Sauterau a rendu aussi hommage.
Durant la guerre, âgée de 19 ans, cette dernière s’engage dans la Résistance aux côtés du docteur Michel : elle réalise des faux papiers d’identité pour éviter aux jeunes de partir faire le STO (Service de travail obligatoire), distribue des cartes de ravitaillement aux Maquisards et aide à cacher une famille juive à Montaigut.
Déportée à RavensbrückVictime d’une dénonciation, elle est arrêtée le 17 mars 1944 avant d’être emprisonnée à Chamalières au siège de la Gestapo.
Battue, torturée, elle n’avouera jamais rien
Elle sera finalement déportée dans le convoi 512 jusqu’au camp de Ravensbrück, avec le matricule 38.997. Un enfer dont elle s’échappera en avril 1945, grâce au comte Folke Bernadotte, président de la Croix Rouge de Suède, qui l’échangera contre un gradé allemand. "N’oublions pas toutes celles et ceux qui ont défendu notre liberté", achève Jean-Marc Sauterau au micro de la salle des fêtes, déjà baptisée du nom d’André Michel. Car à Montaigut-en-Combraille, l’Histoire est à chaque coin de rue et frontons, comme un rappel vigilant à ne pas l’oublier.
(*) Étaient également présents la sous-préfète de Riom, Pascale Rodrigo ; le conseiller régional Sylvain Durin ; la conseillère départementale Jocelyne Lelong ; des représentants de la gendarmerie, des sapeurs-pompiers, des associations d’anciens combattants et leurs porte-drapeaux.
Hommage. À titre posthume, Henri Jeux fut nommé chevalier de la Légion d’Honneur avec attribution de la Croix de guerre avec palme et médaille de la Résistance à titre posthume. Son nom figure sur le monument commémoratif de l’École supérieure du Professorat et de l’Éducation à Chamalières et sur le monument aux Morts de Saint-Éloy-les-Mines.
François Jaulhac