Qui était Jean-Gabriel Séruzier, le photo reporter qui a immortalisé la Libération de Moulins ?
Il a immortalisé la libération de Moulins pour la postérité. Jean-Gabriel Séruzier a capturé, il y a 80 ans, les premières images d’une ville préfecture qui sort de quatre années d’oppression. La photo de jeunes gens décollant une affiche d’Hitler, instant hautement symbolique, c’est lui. Des livres allemands sont brûlés sur la place d'Allier, lors de la libération de Moulins, 6 septembre 1944 photos Jean-Gabriel Séruzier / Archives départementales de l'AllierUne autre où apparaît une foule en liesse devant l’hôtel de ville, c’est lui aussi. Il n’a raté aucun moment clef de cette journée du 6 septembre 1944. De l’arrivée des Forces françaises sur les cours Jean-Jaurès, en passant par les brasiers de livres allemands, place d’Allier. Libération de Moulins, 6 septembre 1944 photos Jean-Gabriel Séruzier / Archives départementales de l'AllierSi d’autres photographes étaient là ce jour-là, (notamment le Moulinois René Jonard), Séruzier est probablement celui dont il nous est parvenu le plus de clichés aujourd’hui. En 1981 et 1990, il a lui-même fait don de ses négatifs aux Archives de l’Allier.
Don de ses négatifs aux Archives de l’AllierLes Forces françaises de l’intérieur réunies devant la préfecture, lors de l’arrivée du nouveau préfet de l’Allier. Photo Séruzier/Archives départementales de l’AllierDepuis, « on pioche dans le fonds à son nom dès qu’il faut illustrer, pour une exposition, la libération de Moulins et du Bourbonnais », explique Véronique Poupin, directrice adjointe des archives de l’Allier. Car oui, le photographe n’a pas œuvré que le 6 septembre.Les Moulinois ont dû fabriquer cette banderole « Gloire à l’Alliance » le jour même. Photo Séruzier/Archives départementales de l’Allier
En réalité, il suivait depuis quelques mois le groupement du commandant Marcel Colliou, alias « Roussel », qui a mené de nombreuses opérations contre l’occupant entre l’Allier et la Loire. Dans le « fonds Séruzier » aux Archives, on retrouve donc aussi des images comme l’enrôlement d’une nouvelle recrue dans les FFI, dans une ferme de la montagne bourbonnaise. Mais aussi des images d’Alice Arteil, l’une des seules femmes qui ait commandé un corps franc de résistants (plus de 160 hommes) et dont la tête avait été mise à prix par la Gestapo. Le collège du Mayet-de-Montagne porte d’ailleurs son nom depuis 2024. Elle aussi était à Moulins le 6 septembre 1944.
Après cette date, Jean-Gabriel Séruzier va continuer à couvrir la Libération et l’avancée des troupes du Maréchal de Lattre de Tassigny et des Alliés. Ses planches (conservées cette fois-ci à la Contemporaine, à Nanterre) montrent la libération de l’Alsace, puis de la Hollande, dont celle d’Amsterdam, avec l’armée canadienne. Il a aussi participé à la libération de Royan, en France et accompagné les Alliés jusqu’à Berchtesgaden en Allemagne.Dès le 6 septembre, des règlements de comptes illégaux ont lieu. Photo Séruzier/Archives départementales de l’Allier
Partout, on retrouve sa recherche du « coup de flash original, l’introspection-minute, le document inattendu », comme exposait André Udry, dans les colonnes de La Montagne, en 1966, à l’occasion d’un portrait du photographe.En fait, si Séruzier était l’un des seuls à photographier la libération de Moulins, il était probablement le seul photo-reporter professionnel présent. Depuis les années 20, il publiait ses photos (mais aussi ses dessins), dans de nombreuses revues. Couvrant des procès célèbres, capturant des stars de l’époque (Édith Piaf, Antoine de Saint-Exupéry), des courses automobiles…
En 1939, il est mobilisé dans l’armée de l’air, au service photo, illustrant notamment la « Drôle de guerre ». Enfin, notre photographe, né dans le Nord en 1905 débarque dans le Bourbonnais, à Vichy avant de s’établir à Ébreuil.Des regroupements de joie ont lieu partout dans la ville, ici devant la préfecture de l’Allier. Photo Séruzier/Archives départementales de l’Allier
« Bourlingueur, détective, peintre, photographe… et maquisard »Il suit alors les Chantiers de jeunesse ou encore un voyage de Pétain dans le Limousin, avant de passer dans la Résistance. Il se définira plus tard comme « bourlingueur, détective, peintre, caricaturiste, photographe… et maquisard », auprès de Thérèse Blondet-Bisch, responsable de La Contemporaine, au moment de l’acquisition d’un certain nombre de ses négatifs.
Dessin Jean-Gabriel Séruzier paru en 1966 dans La Montagne
Il faudrait plusieurs articles pour illustrer chaque pan de sa vie. Mais si La Montagne tirait son portrait en 1966, c’était surtout parce qu’il exposait ses toiles au Centre culturel Valery-Larbaud. Formé très jeune, à 15 ans, aux Arts décoratifs à Paris, Jean-Gabriel Séruzier ne passa que plus tard du crayon à l’objectif, avant d’y revenir en 1957. Pour les Moulinois, il restera néanmoins celui qui a illustré un moment majeur de l’histoire de leur ville. Mystère : une jeep nord-américaine était à Moulins le jour de la Libération, les passionnés locaux ne l’expliquent pas. Photo Séruzier/Archives départementales de l’Allier
Emeric Enaud