Des jouets pour préserver les liens entre les enfants et leurs pères, à la prison d'Yzeure
En prison, c’est le détenu qui est puni, pas sa famille. Or, « le lien entre un enfant et son parent est un droit fondamental comme le stipule la Convention internationale des droits de l’enfant », rappelle Solange Gabriel. Depuis 2015, cette retraitée a créé l’association Le Lien, installée dans la Maison d’accueil des familles, au Centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure.
Le local joue le rôle d’un sas, dans lequel les familles attendent avant l’heure de la visite au parloir. Parfois, elles viennent de l’autre bout de la France, notamment pour la Centrale (les peines longues) : il ne faut donc pas rater l’heure de rendez-vous.
Les mamans y sont accueillies par un café servi par le Secours catholique, les enfants par les bénévoles du Lien, dans un espace dédié.
Caverne d'Ali BabaLà, c’est la caverne d’Ali Baba pour les petits, en général âgés de moins de 8 ans. Puzzles, petites voitures, dominos, peluches, Legos, ainsi que des livres… il y en a pour tous les goûts.Les pères peuvent aider leurs enfants à apprendre à lire...
Souvent, Solange et les autres membres de l’association jouent avec eux pendant ce temps d’attente. Sans poser de questions sur l’incarcération des pères. « Cela ne nous regarde pas, et ne nous importe pas ».
Puis, quand l’heure sonne, l’enfant peut choisir un jouet à emporter dans l’enceinte de la prison, au parloir, pour s’amuser avec son papa.
Ces moments leur offrent des interactions importantes, ils créent du “lien” grâce au jeu, l’entretiennent, ou le recréent.
Solange se veut très stricte sur les jouets admis dans les sacs qui passeront les contrôles de sécurité, pas question par exemple d’apporter ces petites voitures, dont les roues sont fixées à des sortes d’aiguilles. « Il y va de la préservation de notre association », explique-t-elle, alors qu’elle s’est battue des années pour obtenir l’autorisation de créer Le Lien.Le local d'accueil se situe entre les deux maisons.
Dans le domaine du pénitentiaire, « on n’a jamais pensé aux enfants », se désole Solange. Depuis que Le Lien existe, « aucun d’entre eux n’a passé les grilles en pleurant, ce qui pouvait arriver avant ». Car la prison peut faire peur.
« Les enfants se rendent bien compte que ce n’est pas un lieu comme les autres, il y a les murs, on entend des choses, on ne sort pas comme on veut ». La prison peut aussi faire peur… pour les bénévoles.
C’est peut-être pourquoi Solange a du mal à en recruter de nouveaux, alors qu’il en faudrait au moins deux ou trois. Pourtant, elle l’assure : « Ici, on a vraiment l’impression d’aider, c’est enrichissant ».
Au départ, la créatrice de l’association ne pensait pas que sa nouvelle activité aurait autant d’emprise sur elle. Forcément, avec le temps, le « lien » se crée aussi entre eux et les bénévoles.
Être utileAvant de revenir à leur place, chaque jouet est nettoyé par les bénévoles du Lien.« On sent que certains ont de grandes difficultés scolaires en plus des problèmes familiaux. Nous, on les valorise, on les considère, on les écoute beaucoup », détaille Solange, qui explique être régulièrement formée à l’accueil de ces enfants, avec la Framafad*, à laquelle Le Lien est affilié. « En psychologie, les recherches ont beaucoup évolué. Maintenant, on sait que les enfants comprennent tout et on sait mieux comment répondre à leurs questions en fonction de leur âge ».
Cette impression d’être utile, Solange ne l’a jamais autant ressenti qu’au Lien, alors qu’elle a derrière elle « trente ans de bénévolat ».
« On se rend compte que certaines personnes n’ont simplement pas de chance. Et il est probable qu’on côtoie en prison la plus grande pauvreté qui existe en France. »
(*) Fédération régionale des associations de maisons d’accueil de familles et proches de personnes détenues.
Devenez bénévole. Pour devenir bénévole au « Lien » et accueillir des enfants à la prison d’Yzeure les mercredis et samedis après midi, joindre l’association à 06.12.63.34.86 ou par mail à associationlelien281@gmail.com. Les dons de jouets, de livres et revues pour l’espace d’accueil sont également les bienvenus.
Texte Emeric EnaudPhotos Corentin Garault