La rue hors-sol, un outil pédagogique unique en France sur le Campus des métiers travaux publics d'Egletons
Le lycée Caraminot, à Égletons, ressemblait à un vaisseau fantôme cet été. Depuis la fin juin et les derniers examens, les élèves étaient rentrés chez eux. Mais dans un atelier de génie mécanique, des travaux se poursuivaient.
Là, un espace de 700 m² bien éclairé, propre et connecté à tous les réseaux se transforme peu à peu… en une rue hors-sol, un projet porté par le CFA académique du Limousin dans le cadre du Campus des métiers et des qualifications Génie civil et infrastructures intelligentes (il regroupe 13 établissements sur cinq sites autour, principalement, des travaux publics et du bâtiment).
Une rue hors-sol ? Une structure métallique matérialisant une rue plus vraie que nature, de 17 mètres de long, 5 de large et 1,50 de haut, recouverte d’un plancher en bois habillé d’un lino imprimé d’une chaussée, sous laquelle sept types de réseaux seront implantés.
Sept types de réseaux installésCeux des eaux pluviales et des eaux usées sont déjà en place, suivront au cours de l’été ceux de l’électricité, haute et basse tension, de l’eau potable, du gaz, de l’éclairage public et des télécommunications. « C’est le minimum de ce que l’on trouve sous nos routes, estime Rémi Acampo, directeur opérationnel du Campus. On pourrait y ajouter le chauffage urbain. La structure pourra encore évoluer en fonction des avancées de la ville connectée. »Pour les repérer à coup sûr, il faut d'abord savoir quels réseaux existent sous la chaussée et comment ils interagissent.
Inédit en France, le concept de rue hors-sol est « ambitieux », apprécie Rémi Acampo, à hauteur de 800.000 € (*). Il vise à « aller chercher l’expertise où elle est » pour assurer une formation pointue et pratique à tous les élèves du Campus et de l’EATP, « du CAP à la licence pro essentiellement, en fonction de leurs référentiels propres. » Mais également « tout public, via la FNTP (fédération nationale de travaux publics), pour des journées techniques, de la formation continue ou même de l’information aux élus. »
L’expertise, c’est celle de six exploitants de réseaux et dix fabricants de matériaux, qui installent, directement sous la rue hors-sol, des réseaux plus vrais que nature. La formation, c’est celle notamment des techniciens en détection de réseaux (une licence pro et des modules de formation ont été créés à Égletons).
La détection de réseaux, une obligationDix fabricants de matériaux et six exploitants de réseaux ont équipé la rue hors-sol.« En 2011, on comptabilisait 100.000 endommagements de réseaux lors de travaux de TP (fuite de gaz, coupure d’électricité, etc.) par manque de repérage », rappelle Rémi Acampo. « Depuis 2012, une nouvelle réglementation impose de connaître l’environnement souterrain avant de lancer un projet et de terrasser. D’où le besoin de nouvelles compétences, pour préciser où sont les réseaux. »
Des compétences que la rue hors-sol permettra enfin d’exercer, au-delà de ce que la rue pédagogique existante permet déjà. « Elle permettra d’expliquer aux jeunes comment sont branchés les différents réseaux, précise Rémi Acampo, comment un piquage ou une chute dans un regard sont réalisés, mais aussi comment on surveille les réseaux, avec des compteurs de sectorisation connectés. Ou comment fonctionnent des régulateurs d’eaux pluviales, reliés à des réservoirs d’orage. »
Attenantes à cette rue, quatre maisons, dont une réelle, permettront « d’allumer la lumière et de tirer de l’eau par exemple, pour travailler sur la connectique et voir ce que ça donne sur les réseaux. » Un parking est également prévu dans le paysage.
Un outil pédagogique innovantL’idée de « cet outil pédagogique inédit », résume le directeur opérationnel, « c’est de toujours enrichir les formations dispensées sur le Campus d’Égletons. La plus-value, c’est de former ces professionnels à ce qu’ils doivent chercher, mais qu’ils ne connaissent pas. »Le Campus s'est doté de détecteurs de réseaux, explique Rémi Acampo, directeur opérationnel du Campus des métiers.
Dans le projet également, la mise au point de nouveaux modules de formation, notamment en réalité virtuelle, et l’achat de 100.000 € de matériels de détection de réseaux. À plus long terme encore, le Campus s’inscrira, avec cinq autres, de Lille à Toulouse, dans une recherche sur la modélisation avancée de la ville résiliente.
« Ce sont des métiers qui ont de l’avenir, insiste Rémi Acampo. Ils sont aussi très valorisants ; techniquement, ils comportent beaucoup de notions très intéressantes. »
La rue hors-sol sera livrée en décembre 2024.
(*) Financés pour moitié par le CCA BTP, l’organisme qui finance la formation dans le BTP ; le CFA académique du Limousin, le Greta du Limousin et les entreprises associées via des dons de matériels, pour 150.000 €.
Blandine Hutin-Mercier