"La loi ayant été votée, il faut qu’elle soit respectée" : les grillages en Sologne, une espèce en voie de disparition ?
S’il n’y en a qu’un pour se féliciter de la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre, c’est bien Nicolas Vanier, écrivain et réalisateur qui habite dans la ferme de son grand-père dans le Sullias. Celui qui se bat pour l’application de la loi du 2 février 2023, visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, voit d’un bon œil l’arrivée de son ami à Matignon.
"Je ne doute pas qu’il s’attachera à la faire respecter. Je sais qu’il est concerné par le sujet. Nous avons devant nous une période heureuse."
En effet, la famille Barnier possède une maison à La Ferté-Saint-Aubin, en plein cœur de la Sologne, territoire qui souffre de la multiplication des grillages pour la chasse.
"Il y a tout lieu d’être optimiste""La loi ayant été votée, il faut qu’elle soit respectée, reprend Nicolas Vanier. Il y a tout lieu d’être optimiste. Il y a des gens très riches qui sont venus en Sologne. Ils la font vivre. Un peu à l’image des stations de ski, dans les Alpes. À la condition de respecter la montagne. En Sologne, c’est le paradoxe, notre territoire n’est plus sauvage. Mais je ne veux pas le limiter à un combat entre riches et manants."
"Les effets de la loi doivent, sans délai, se traduire sur le terrain"S’il ne veut pas faire un tri entre les bons et mauvais élèves dans les gens très riches (lire ci-dessous l'encadré sur l’ouvrage Les Nouveaux Seigneurs), il condamne "les zoos à l’intérieur des grillages, ces chasses honteuses. Sans parler des ball-traps sur des cibles vivantes qui concernent des millions d’oiseaux. C’est beaucoup d’argent dépensé."
François Bonneau (PS), le président de la Région Centre-Val de Loire, est déterminé lui aussi, à surveiller l’application de la loi : "L’enjeu, aujourd’hui, c’est de stopper l’enfermement de la Sologne avec les grillages des très grandes propriétés. Quand on additionne les unes aux autres, ce territoire n’est plus accessible. On a une perte de vitalité. C’est une terre de chasse, pas d’enclos."
L’élu rappelle que la loi a été votée à l’unanimité, illustrant une prise de conscience : "La loi a fixé un calendrier. Je ne peux pas imaginer que la volonté d’un tout petit nombre s’impose. Rien n’est suspensif. Les effets de la loi doivent, sans délai, se traduire sur le terrain."
Au passage, il rappelle qu’il a réalisé un acte fort, au travers du Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, en posant des clauses respectueuses de la loi interdisant des grillages hauts.
Le Conseil constitutionnel doit trancher une QPCDe son côté, le Sullylois Jean-Noël Cardoux (LR), ancien sénateur du Loiret, à l’origine de la loi portée par Richard Ramos, député MoDem, à l’Assemblée nationale, rappelle qu’une question prioritaire de constitutionnalité, notamment sur la rétroactivité de trente ans portée par la loi, doit être examinée par le Conseil constitutionnel. La décision devrait être rendue, en septembre ou en octobre.
Gérard Larcher évoque la loi visant à limiter l'engrillagement devant les chasseurs du Loiret
Quant au comité de suivi de l’application de la loi qui devait se réunir régulièrement, promis en mai dernier par Christophe Béchu, ministre démissionnaire de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, et Hervé Berville, secrétaire d’État démissionnaire chargé de la Mer et de la Biodiversité, aucune réunion ne s'est encore déroulée. L’instabilité de la vie politique française est passée par là.
Un livre qui fait trembler la Sologne Si la sortie du livre de Jean-Baptiste Forray, Les Nouveaux Seigneurs (20 euros, éditions Les Arènes), prévue initialement le 12 septembre, a été repoussée pour des problèmes d’impression, ce que confirment l’auteur et la maison d’édition – qui évoque un événement rare – cet ouvrage semble mettre un certain nombre de personnes en émoi. Y compris parmi celles que Jean-Baptiste Forray remercie à la fin de son ouvrage pour avoir bien voulu répondre à ses questions, en les nommant. Tout en sachant qu’il a précisé après cette liste, en complément : "À ceux qui m’ont apporté leur témoignage sous le sceau de l’anonymat." Dans la liste des gens nommés, il y a par exemple un maire d’une petite commune du Loiret qui, aujourd’hui, dit qu'il ne se souvient plus avoir échangé avec l’auteur et ne pas le connaître. Jean-Noël Cardoux parle de "pavé dans la mare". Nicolas Vanier regrette la stigmatisation des riches. Hors liste, il y a aussi ces deux autres maires loirétains, dont les communes abritent des propriétés où la chasse est de haut standing, qui n’ont pas pris le temps de répondre à nos sollicitations. Le livre n’est pas encore dans les librairies, mais il fait déjà trembler la Sologne.
Alexis Marie