Les courses sauvages de voitures, un fléau qui perdure dans les rues de Clermont-Ferrand

Assourdissant. Les moteurs vrombissent, à tour de rôle, sur le parking du centre commercial de La Pardieu. C’est le traditionnel rassemblement tuning du vendredi soir, à Clermont-Ferrand. Le site est plongé dans le noir. À partir de 21 heures, c’est extinction des feux dans le quartier. Ce qui n’empêche pas les aficionados de voitures de se rassembler. Certains en famille, avec des enfants. Et avec cette question qui revient dans les conversations. "Elles sont où, les courses, ce soir ?"

Les "courses" sauvages de voitures, plus communément appelées runs, un phénomène récurrent dans la capitale auvergnate, depuis de nombreuses années. Historiquement organisées rue Louis-Blériot, au Brézet, ces rencontres entre fous du bitume se délocalisent aussi, désormais, dans les rues en ligne droite de La Pardieu, boulevard Gustave-Flaubert ou encore rue du Bois Joli, une artère qui mène au Zénith d’Auvergne.

À La Pardieu, un groupe de spectateurs commence à se faire une raison. "Je sais pas si ça aura lieu ce soir", se désole un jeune homme, qui vient de recevoir un SMS. Autour d’eux, des voitures font des embardées sur le parking. Un peu plus loin, des bambins s’amusent à faire la course dans des chariots de supermarché. Entre odeur de pneus, pétarades de pots d’échappement et discussion sur la puissance des moteurs, l’ambiance reste bon enfant.

Mais parfois, ces soirées où la bagnole est reine tournent au drame. Le 17 août dernier, vers 1 h 20 du matin, près de la Grande Halle d’Auvergne, un jeune de 23 ans, spectateur d’un run, est percuté par l’une des voitures qui fait la course. Le conducteur du véhicule a été interpellé et mis en examen. Le 17 mars 2023, en soirée, rue Louis-Blériot, deux piétonnes, venues assister à un run elles aussi, sont fauchées par une Ford Focus lancée à vive allure sur la rue Louis-Blériot. Le conducteur a été condamné à dix-huit mois de prison avec sursis probatoire.

La rue Louis-Blériot a connu un grave accident en mars 2023. En moins de deux ans, deux accidents graves, à Clermont-Ferrand. Sans surprise tant le danger inhérent à ces pointes de vitesse, en pleine ville, est énorme. "Vous pouvez être confrontés à ces véhicules alors que vous sortez du restaurant avec vos enfants… Moi, ça me déglingue !", enrage la brigadière-cheffe Séverine Malhanche, à la tête de la brigade de sécurité routière du commissariat de Clermont-Ferrand. Inlassablement, la policière et ses troupes traquent les adeptes des runs, recordmen toutes catégories des excès de vitesse dans l’agglo.

Leurs radars ne chôment pas les vendredis soir, pouvant flasher jusqu’à 200 voitures en quelques heures, avec des vitesses allant jusqu’à 160 km/h. Régulièrement, des chauffards interceptés voient leur véhicule repartir sur le camion remorque de la fourrière. "Nous ramassons les voitures durant sept jours, délai au terme duquel le procureur peut ordonner ou non la saisie du véhicule", précise Séverine Malhanche.

Un coup dur pour les propriétaires de bolides, qui doivent également s’acquitter des frais de fourrière et d’enlèvement. Le 23 août dernier, au cours d’une même opération de police anti-run, trois d’entre eux se sont ainsi vus confisquer leurs véhicules, avec la sombre perspective de le perdre définitivement. A la suite d’un rodéo urbain, en cas de condamnation, la justice peut aussi, en plus de la peine, mettre la main sur le véhicule du mis en cause, lequel sera ensuite reversé au Domaine. Des décisions de ce type ne sont pas rares au tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand. "Est-ce qu’on ne va pas devoir en arriver là pour que les gens comprennent enfin ?", interpelle Séverine Malhanche. Si nécessaire, il y aura d’autres saisies, prévient la policière. Dans cette lutte qui semble sans fin, hors de question de baisser les bras.

Olivier Choruszko et Julien Moreau

Les rodéos dans le viseur. Autre comportement routier à très haut risque : le rodéo, qui consiste à faire des figures acrobatiques, la plupart du temps avec une moto, sur la voie publique. Le drame de Vallauris (Alpes-Maritimes), le 29 août dernier, à la suite duquel une petite fille de 7 ans a perdu la vie, renversée par une moto lors de l’un de ces rodéos, a réveillé un douloureux souvenir à Clermont-Ferrand. Le 10 novembre 2021, une femme de 81 ans, qui traversait une rue, dans le quartier de Croix-de-Neyrat, était mortellement percutée par le pilote d’une moto qui faisait du monoroue.

Des saisies et des interpellations. Moins de trois ans après cet accident, même si les rodéos n’ont pas entièrement disparu dans les rues de la capitale auvergnate, le phénomène semble avoir baissé en intensité. Plusieurs actions ont été mises en place par la police pour l’endiguer, notamment la saisie des deux-roues dont le propriétaire n’est pas identifié, véhicule de prédilections des adeptes des rodéos. Des interpellations ont lieu également quand les conditions le permettent, autrement dit quand le pilote est pris en flagrant délit et que sa poursuite n’entraîne pas d’accident.