Rodéos urbains, quand le far-west s'installe à Moulins
Par un vendredi soir, vers 22 heures. Dans une pénombre faiblement éclairée aux néons, une centaine de voitures et quelques motos sont stationnées sur le vaste parking de Carrefour. Ce grand magasin moulinois est campé en bordure de la route de Lyon, une ligne droite de bitume longue de plusieurs kilomètres bordés d’habitations, d’entreprises, de commerces.À cette heure avancée, l’hypermarché a baissé le rideau. Personne n’est là pour faire ses courses. Mais pour faire la course, il y a parfois de sérieux clients. « Depuis deux à trois ans », ces rassemblements motorisés ont été ritualisés le vendredi. Plus particulièrement le premier vendredi de chaque mois où, généralement, les participants sont plus nombreux, explique la police municipale de Moulins.
Plus de 200 véhiculesCes conducteurs débarqueraient de tout l’Allier. Mais ils débouleraient aussi d’autres départements, certains lointains comme le suggèrent les plaques d’immatriculation. La mairie de Moulins, qui assure suivre de près le dossier, parle d’ailleurs « d’un rendez-vous régional Auvergne Rhône-Alpes pouvant atteindre jusqu’à 150, 200 véhicules, voire parfois davantage ».En ce premier vendredi de septembre, sur le parking de la grande surface moulinoise, quelques automobilistes font monter en flèche les octaves de leur cylindrée. Assis au volant de leur voiture à l’arrêt garée sur des emplacements matérialisés, ces conducteurs (majoritairement âgés de 18 à 30 ans) entreprennent de courts concerts de décibels. Pendant trois à quatre secondes, de temps à autre, des moteurs ronronnent agressivement. Des pneus crissent méchamment en chauffant l’asphalte. Dans une pétarade de pots d’échappement, deux ou trois « Fangio » se lancent même dans un petit tour du rond-point situé à l’entrée de Carrefour. Sur son parking, on trouve une majorité de voitures lambda produites en grande série pour « Monsieur tout le monde ». Seul signe de distinction, pas mal de carrosseries ont été tunnées par leur propriétaire. L’ambiance est plutôt bon enfant entre ces amateurs de mécaniques.
À première vue, au regard de ce tableau d’ensemble, pas de quoi fouetter un chat. En tout cas, rien de clairement répréhensible par la loi. Mais il y a un mais. Et il est de taille XXL. Quand certains agités décident de mettre un tigre dans le moteur en appuyant sur le champignon, ces rassemblements pacifiques peuvent dégénérer en dangereux runs et rodéos urbains. Notamment sur la route de Lyon longeant l’hypermarché. Pour mettre la gomme plein gaz, sa longue ligne droite constitue un spot idéal. Mais pour des courses de voitures ou des pointes acrobatiques de vitesse, il y a aussi un potentiel important dans d’autres rues et sur d’autres axes routiers locaux :
Si les rassemblements ont lieu sur le parking de Carrefour, les rodéos se déroulent en dehors de ce parking, précise le directeur du cabinet du maire. Dans les environs, à Moulins et son agglomération. Mais, soyons clairs, ce n’est pas tous les gens du rassemblement, loin de là. La plupart sont ici pour discuter tranquillement, car ils aiment les sports automobiles. Ils se comportent tout à fait normalement. Le problème, c’est que, parmi eux, il y a toujours quelques excités qui ne comprennent rien et ne respectent pas le code de la route.
Les forces de l’ordre veillent au grainBref, à cause de ces runs du vendredi, Moulins et son agglomération urbaine se retrouvent confrontés à des questions de sécurité routière, mais aussi de tranquillité publique en raison notamment des nuisances sonores. Du coup, les forces de l’ordre veillent au grain. Le vendredi soir, c’est soir de contrôles. Positionnée route de Lyon, jumelles en main, la police municipale de Moulins, « pour sécuriser l’environnement immédiat », surveille notamment la vitesse et les comportements possiblement dangereux des automobilistes circulant sur cet interminable rouleau de bitume : « Nos policiers municipaux, très souvent accompagnés de la police nationale, avec parfois le renfort de la gendarmerie, sont à chaque fois présents pour effectuer des contrôles, souligne le directeur de cabinet du maire. Et chaque fois qu’il y a des infractions, elles sont sanctionnées. Cela peut aller d’une simple amende, à des retraits de permis, des retraits de points, des immobilisations de véhicules…. ». Contrôles routiers mis en place contre les rodéos urbains.Pour les infractions délictuelles routières les plus graves, cela peut aussi se terminer directement en garde à vue à la police nationale, au commissariat de Moulins.
Des vies en périlMais chaque vendredi (ou presque), malgré cette présence policière et toutes les mesures de répressions, il y a toujours des chauffards pour mettre leur vie en danger. Et par la même occasion, plus grave, mettre en péril les vies des autres usagers de la route et des piétons : « Chaque vendredi, on dresse entre dix et quinze mesures d’immobilisations et environ une vingtaine de verbalisations, détaille le chef de la police municipale de Moulins. Mais il y a aussi les interventions de la police nationale et de la gendarmerie. Au total, il peut donc y avoir jusqu’à 70 verbalisations (*). »
Malheureusement, pour le moment, notre présence n’arrive pas à endiguer complètement le phénomène. Mais elle a quand même cassé par quatre ou cinq la fréquentation de ces rassemblements qui, à une époque, ont pu dépasser les 1.000 véhicules .
Jusqu’à présent, la police municipale affirme qu’il n’y a pas eu d’accidents à déplorer à Moulins. Mais jusqu’à quand ? Bien malin qui pourrait le dire. Alors la mairie explique que c’est pour sécuriser l’espace public autant que possible que les forces de l’ordre continueront à conserver des dispositifs le vendredi.
(*) Toutes les infractions relevées par les forces de l’ordre ne sont pas liées à la vitesse ou à des courses. Elles peuvent être liées au non-respect du code la route en général, à des questions de conformités des véhicules, à des questions d’alcool, de drogue et de téléphone portable au volant (parfois les trois en même temps), à des questions de défaut d’assurances, etc.
La police municipale de Moulins explique que ce genre de rassemblements d’automobilistes et motards n’a pas lieu que sur le parking de Carrefour et que d’autres sites sont également fréquentés par des participants : « Il peut y avoir des rendez-vous sur d’autres parkings de l’agglomération, entre autres sur le parking de Leclerc à Avermes ».